Les organisations patronales et syndicales ont signé, le 31 octobre, deux accords nationaux interprofessionnels, l'un sur l'emploi, l'autre sur la politique contractuelle. Alors même que la question de l'aménagement du temps de travail avait buté sur de fortes divergences à l'occasion de leurs premières rencontres le 5 octobre, le patronat et les syndicats sont finalement parvenus à un accord dans ce domaine. Jacques Barrot avait d'ailleurs menacé de prendre l'initiative sur le temps de travail en cas de carence des partenaires sociaux. De leur côté, plusieurs députés avaient déposé, ces dernières semaines, des propositions de loi dans ce sens.
L'accord national interprofessionnel sur l'emploi du 31 octobre, conclu du côté patronal, par le CNPF, la CGPME et l'UPA et, du côté syndical, par la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC et la CGT-FO (seule la CGT ayant refusé de signer), contient une série de dispositions générales sur l'organisation du temps de travail, les heures supplémentaires et le temps partiel.
Les branches professionnelles devront engager, avant le 31 janvier 1996, des négociations sur l'ensemble des questions liées au temps de travail (puis ensuite tous les trois ans). Elles devront ainsi traiter des questions relatives à l'annualisation et à la réduction du temps de travail, aux heures supplémentaires, au travail à temps partiel, aux effets sur les conditions de travail et au compte épargne temps. Un bilan de ces négociations sera dressé à la fin du premier semestre 1996. Au vu de ce bilan, un accord national interprofessionnel portant sur tout ou partie de ces thèmes, applicable dans les entreprises non couvertes par un accord collectif, pourra être mis en place avant le 31 décembre 1996.
Au chapitre de l'annualisation du temps de travail assortie d'une réduction de la durée du travail, les partenaires sociaux recommandent « l'utilisation des formes d'aménagement du temps de travail consistant à compenser, en termes d'horaires, sur une période donnée les hausses et les baisses d'activité ». Ils demandent aux branches professionnelles qui n'ont pas mis en place des dispositifs de cette nature à l'intention des entreprises de leur secteur, de faire porter les négociations sur l'organisation du temps de travail sur l'année accompagnée d'une réduction de la durée du travail.
Les négociations de branche devront également traiter du recours aux heures supplémentaires et des moyens de faire usage de la possibilité de remplacer tout ou partie du paiement des heures supplémentaires par un repos équivalent. Ce repos devra être pris au minimum par journée entière ou éventuellement être affecté à un compte épargne temps. Un nombre d'heures supplémentaires au-delà duquel celles-ci sont intégralement payées sous forme de repos équivalent sera fixé.
Autre thème : le temps partiel. Les négociateurs devront, après avoir procédé à un bilan qualitatif et quantitatif du travail à temps partiel dans la branche, développer le recours au temps partiel. Le « droit de tout salarié à demander un aménagement de son temps de travail » est inscrit dans l'accord qui prévoit, en outre, l'engagement de l'entreprise de répondre après étude éventuelle des changements d'organisation qu'elle estime possibles. Les partenaires sociaux considèrent également « souhaitable de trouver un dispositif d'incitation financière en faveur des salariés pour le passage à temps partiel de ceux qui en font la demande » et décident de poursuivre leurs négociations à ce sujet.
Afin que la mise en place de ces nouveaux modes d'organisation conduise à l'amélioration des conditions de travail, ils devront donner la priorité, toutes les fois où cela apparaît compatible avec la situation des entreprises et des salariés, à des formules conduisant à des temps de repos permettant de favoriser l'emploi de préférence à des compensations financières et de s'orienter, là où les conditions sont réunies, vers le remplacement total ou partiel, au niveau où elles sont créées, de certaines dispositions à caractère financier liées aux conditions de travail (primes d'équipe, de nuit...) par des compensations équivalentes en temps de repos.
Les branches sont invitées à fixer un cadre type pour instituer des comptes épargne temps (1) afin d'offrir aux salariés qui le souhaitent la possibilité de prendre un ou plusieurs congés de longue durée libérant ainsi du temps de travail au profit de demandeurs d'emploi.
Enfin, un observatoire paritaire de la négociation collective, chargé du suivi des négociations de branche et des expériences d'entreprises en matière d'organisation du temps de travail et de travail à temps partiel, est mis en place. C'est cet observatoire qui procédera au bilan de la négociation de branche avant la fin du premier semestre 1996.
Un accord national interprofessionnel portant sur la politique contractuelle, distinct de l'accord sur l'emploi, a également été signé le 31 octobre, traduisant « la volonté des parties signataires de renforcer le dialogue social et la pratique contractuelle et de se réapproprier la conduite de la politique sociale en faisant prévaloir la négociation collective sur le recours au législateur ».
L'accord prévoit d'autoriser, à titre expérimental pour trois ans, les entreprises dépourvues de représentation syndicale à conclure des accords collectifs de travail négociés entre l'employeur :
et un représentant élu du personnel. Dans ce cas l'accord serait validé par une commission paritaire de branche
et un ou plusieurs salariés de l'entreprise expressément mandatés, pour une négociation déterminée, par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives.
L'accord aborde également les articulations entre les trois niveaux de négociation (national interprofessionnel, professionnel et entreprise) « en clarifiant notamment la place et le rôle de chacun de ces niveaux ».
Il a été signé par le CNPF, la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC. La CGT et FO ont refusé de le parapher. La CGT a désapprouvé ce système qui « ouvre la voie à des accords dérogatoires au droit du travail ». De son côté, FO a qualifié ce texte de « pernicieux » car « à tous les niveaux, l'interlocuteur naturel de l'employeur doit être l'organisation syndicale ».
(1) Voir ASH n° 1904 du 8-12-94.