« Régulièrement, beaucoup d'entre nous déplorent, pêle-mêle, la médiocrité de nos statuts, l'ambiguïté de notre fonction, le manque de moyens, voire l'incohérence des mesures dites sociales.
« Globalement, et bien que ces questions méritent une analyse plus approfondie, ces remarques sont incontestables : il nous faut reconnaître qu'actuellement, instrumentalisée par les pouvoirs publics, la “nébuleuse travail social” est chargée de mettre en œuvre des politiques impertinentes au regard des problèmes sociaux qui se posent à un nombre croissant d'individus et de familles. Et rien ne permet d'envisager un changement en ce domaine, bien au contraire : les dernières déclarations des ministres de tutelle auraient plutôt de quoi inquiéter même les plus optimistes d'entre nous.
« Jusqu'à présent, ces constatations n'ont pas eu de conséquences pratiques : outre la réitération de vagues plaintes, les professionnels du social ont été dans l'incapacité de réagir. Et, de notre point de vue, c'est bien là que se situe le nœud du problème : en effet, à elles seules, les lamentations n'ont jamais permis l'engagement d'une quelconque procédure de changement.
« D'autres que nous (qu'il s'agisse de regroupements de professionnels ou d'autres groupes d'intérêts) ont compris depuis longtemps que les tenants du pouvoir étaient peu sensibles aux gémissements, et que, par voie de conséquence, le dépassement d'une condition, estimée insatisfaisante, passait immanquablement par une entreprise active de revendication collective. Le champ du travail social ne faisant pas exception, ces considérations s'appliquent aux problèmes des travailleurs sociaux :si aujourd'hui nous ne sommes pas satisfaits de nos statuts, du rôle qui nous incombe, des moyens octroyés pour assumer nos missions, il nous appartient en propre d'élaborer des propositions alternatives et de les faire valoir, par tous les moyens nécessaires, auprès de qui de compétence. [...]
« En tout premier lieu, cette démarche impose une redéfinition de nos perspectives et, de ce fait, nécessite l'instauration d'un réel débat contradictoire hors des corporatismes obsolètes qui, trop souvent, perturbent encore les esquisses de réflexion.
« Pour ce qui nous concerne, nous avons toujours fait en sorte que le GRAL contribue à ce processus. Par ailleurs, nous avons pu constater que d'autres organisations (syndicales ou non) partageaient cette même préoccupation. Enfin, et quand bien même les structures existantes ne conviendraient pas à tous, rien n'interdit d'en créer de nouvelles, le secteur social n'étant pas, loin s'en faut, saturé de groupements de professionnels actifs. [...]
« Le moment paraît d'autant plus opportun que le gouvernement prépare le fameux projet de loi-cadre contre l'exclusion, qui aura, sans aucun doute, une influence certaine sur notre rôle et les moyens dont nous disposerons pour l'assumer. Faute d'engager cette dynamique, il faudra cesser de se plaindre et admettre que nous n'avons que ce que nous méritons. »
(1) J. Ratanel (psychologue), P. Starck (éducateur spécialisé), J. Schotte (éducateur spécialisé), J.-J. Deluchey (assistant social). GRAL : 7, rue du Dragon - 75006 Paris - Tél. (1) 48.95.89.35.