« Le développement de formes précaires d'emploi fait qu'une personne peut avoir un travail et rester pauvre. » C'est le constat sans appel dressé par le Crédoc, dans une étude (1) qui reprend, en partie, les résultats de l'enquête « grande pauvreté » présentée en juillet devant le Conseil économique et social (2).
Parmi les 754 personnes rencontrées à cette occasion dans des quartiers dégradés, des CHRS ou des associations caritatives, une sur cinq était à la fois active et pauvre. Le tiers occupait un emploi stable avec un contrat de travail à durée indéterminée, 30 % bénéficiaient d'un contrat aidé ou d'un stage rémunéré et 19 % d'un contrat à durée déterminée. Et seuls 7 %déclaraient travailler au noir. Des activités qui se révélaient cependant peu lucratives, le salaire moyen perçu par ce groupe étant inférieur au SMIC (4 320 F au lieu de 4 720 F au moment de l'enquête). Ceci en raison du nombre important d'emplois aidés ou à temps partiel. « Que cette situation résulte, pour une large part, des politiques d'aide à l'emploi n'est pas le moindre paradoxe de la période actuelle », souligne le Crédoc.
Celui-ci confirme, également, que si le travail salarié garantit généralement les revenus les plus élevés par unité de consommation, il peut arriver que l'association du travail au noir et des prestations sociales assure des ressources encore supérieures. Ce qui est particulièrement vrai dans la tranche de revenus la plus forte. Pourtant, si l'accès à l'emploi ne permet pas forcément de sortir de la pauvreté, « l'activité empêche un basculement dans les difficultés les plus extrêmes », constatent les chercheurs. Ainsi, pour près de la moitié des personnes interrogées, l'accès à l'emploi constitue une priorité, avant le logement ou la simple amélioration des ressources. Ce qui explique qu'en dépit des nombreuses critiques qu'ils lui font, les demandeurs d'emploi les plus pauvres sont nombreux à faire appel aux services de l'ANPE. Une recherche néanmoins teintée d'inégalité. Car, même parmi les publics défavorisés, le fait d'obtenir un emploi dépend, d'abord, du niveau scolaire. Seule exception : les moins de 25 ans qui, malgré une formation souvent meilleure que la moyenne, n'accèdent que très difficilement au monde du travail.
(1) Consommation et modes de vie - n° 100 - septembre-octobre 1995 - Crédoc.
(2) Voir ASH n° 1935 du 14-07-95.