C'est le 4 octobre que la Cour des comptes a présenté, au président de la République, son rapport public annuel (1). Lequel s'est particulièrement intéressé, cette année, à la politique de la ville, au RMI et aux aides à l'emploi.
Premier domaine d'investigation, la politique de la ville. Reconnaissant son caractère « nécessairement complexe », la Cour pointe toutefois la « relative indécision » qui caractérise l'organisation mise en place par l'Etat pour conduire cette politique. « Aucun choix clair d'organisation ne semble avoir été opéré, ni au niveau central, ni au niveau territorial entre les modes d'intervention possibles », note la Cour. S'agissant plus particulièrement des « contrats de ville expérimentaux » conclus depuis 1992, elle relève que « l'Etat a eu du mal à y inscrire les véritables priorités de la politique de la ville », continuant à privilégier les opérations d'équipement au détriment des actions de lutte contre l'exclusion. En outre, la part des crédits consacrés à l'insertion et au développement social stricto sensu apparaît partout très minoritaire (de 5 à 20 % du montant des crédits inscrits aux contrats). Autre constat, « l'évaluation faite des crédits consacrés à la politique de la ville est très peu fiable », en raison notamment de « l'hétérogénéité des données retenues et de l'absence de rigueur dans leur présentation ». En outre, la gestion des crédits « spécifiques » gérés par la délégation interministérielle à la ville est marquée par « des irrégularités d'imputation, mais surtout par des retards dans l'octroi et le paiement des subventions », entravant ainsi l'action de nombreux intervenants et le bon déroulement des actions financées.
Autre volet du rapport, le RMI dont l'extension (plus de 900 000 personnes en 1994), due en grande partie à la dégradation du marché de l'emploi, est jugée « socialement et financièrement préoccupante » par la Cour. En 1994, le coût global du dispositif est estimé à 32 milliards (26 milliards supportés par l'Etat et 6 milliards par les départements). Au terme d'une enquête, menée dans 20 départements, l'institution constate que l'actuel dispositif double (dépenses d'allocations revenant à l'Etat, dépenses d'insertion aux départements) « n'est pas encore parfaitement maîtrisé ». Elle critique « la lourdeur » et « l'insuffisante articulation » de cette coresponsabilité, la « complexité des procédures » et des dispositifs départementaux « disparates ». Autre constat, les résultats obtenus en termes d'accès à l'emploi, très inégaux d'un département à l'autre, « ne sont pas globalement à la hauteur des espoirs exprimés et des efforts financiers croissants demandés aux collectivités territoriales ». Parmi les améliorations jugées souhaitables par les rapporteurs, citons notamment une organisation administrative et financière plus rigoureuse « de manière à lutter contre la fraude », un renforcement du contrôle de l'allocation et des dépenses qui en découlent et une gestion des contrats individuels d'insertion « propre à mieux garantir le lien voulu par la loi, entre l'aide accordée et l'effort personnel du bénéficiaire ».
Dans le collimateur également, les aides de l'Etat au maintien et à la création d'emplois. Sont plus particulièrement épinglées, les aides à l'indemnisation du chômage partiel (3,5 milliards), à la promotion de l'emploi (1,8 milliard) et à la création d'entreprises par des demandeurs d'emploi (7,6 milliards) sur les années 1989-1993 . « En raison d'une mauvaise évaluation des besoins et surtout d'une gestion trop peu active des procédures de soutien à l'emploi », ces aides ont été réparties selon des modalités diverses « ne garantissant pas l'égalité de traitement entre les bénéficiaires potentiels », constate la Cour. « Elles ont donné lieu à certaines dérives par rapport aux objectifs ou aux critères d'attribution, voire à des abus », notent encore les rapporteurs. Enfin, « faute d'instruments d'observation adaptés », leurs effets réels sur le maintien ou la création d'emplois demeurent généralement difficiles à apprécier.
(1) Disponible à la direction des Journaux officiels : 26, rue de Desaix - 75015 Paris - 140 F.