Les régimes de retraite présentent un « risque d'iniquité » intragénérationnelle (entre les salariés du secteur public et privé) et intergénérationnelle (entre les générations de retraités), selon un rapport du Plan sur les « Perspectives à long terme des retraites ».
Actualisant les projections du Livre blanc sur les retraites de 1991 (1), ce document, dévoilé dans la lettre Protection sociale informations du 26 septembre, examine la situation prévisible à long terme du régime général de retraite, des régimes complémentaires AGIRC et ARRCO et de certains régimes spéciaux.
L'écart demeure constant entre les retraites du secteur public et privé, soulignent les experts du Plan. Le taux de remplacement est de 82 % dans le secteur privé et de 77 % dans la fonction publique, les bas salaires, beaucoup plus nombreux dans le secteur privé, tirant ce taux de remplacement vers le haut. La retraite moyenne, pour une carrière complète, était en 1993 de 11 230 F pour les fonctionnaires et de 8 459 F pour les salariés du privé.
Les prévisions démographiques et économiques du Livre blanc étaient trop optimistes, note le rapport commandé par Edouard Balladur à Raoul Briet, l'actuel directeur de la CNAVTS. Ainsi, le taux de dépendance (ratio retraités/cotisants) augmentera plus fortement que prévu du fait de l'accroissement de la part des plus de 60 ans dans la population, de la diminution du taux de fécondité (qui serait ramené à 1,8 %) et de la baisse de la population active à compter de 2010. « Le scénario le plus pessimiste » du Livre blanc « donnait des résultats proches du scénario actuellement désigné comme le plus optimiste », soulignent les rapporteurs. De plus, la réforme de la retraite du régime général est jugée insuffisante pour stabiliser la parité des revenus entre les actifs et les retraités. Etendre la réforme du régime général de retraite aux autres régimes stabiliserait la parité de revenus entre actifs et retraités en 2015, notent-ils.
De plus, les experts du Plan prévoient une dégradation du rapport de cotisants/retraités à l'horizon 2005, dans le secteur privé (1,75 en 1995 et 1,22 en 2015), la progression du nombre de retraités (+ 70 %) dépassant celle des cotisants (+ 20 %). La situation des régimes complémentaires sera contrastée puisqu'il y aura dégradation à l'AGIRC mais non à l'ARRCO où le rapport cotisants/retraités resterait favorable. Pour les fonctionnaires, la dégradation serait très importante dès 2000, annoncent-ils.
Les rapporteurs estiment que l'évolution de la pension moyenne accentuera les inégalités entre les régimes. Elle augmentera de plus de 20 % dans les régimes spéciaux et de 15 % dans le privé mais devrait baisser en francs constants dans l'hypothèse d'une indexation des pensions sur les prix de 1995 à 2015.
S'agissant des besoins de financement des régimes, ils estiment que pour les fonctionnaires, la situation sera équilibrée si le taux de cotisation est majoré de 1,3 point. Pour le régime général, pendant les dix prochaines années, 1,1 point de cotisations suffira. L'ARRCO sera toujours excédentaire tandis que l'AGIRC verra ses besoins de financement représenter plus de 20 % de ses charges en 2015.
Les experts du Plan concluent en indiquant qu'une indexation des pensions sur les salaires bruts dégagerait la situation des salariés, ce qui ne serait pas le cas d'une indexation sur les prix. Une indexation avec participation aux fruits de la croissance limiterait les disparités entre les générations de retraités.
(1) Voir ASH n° 1736 du 10-05-91.