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Prestation autonomie : le CES relève, à son tour, les limites du projet

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C'est le 13 septembre que, conformément à la demande d'Alain Juppé (1), le Conseil économique et social  (CES) a adopté son avis sur le projet de création d'une « prestation autonomie » qui devrait concerner entre 500 000 et 700 000 personnes âgées dépendantes.

Ce rapport, présenté par Hubert Brin au nom de la section des affaires sociales, intervient quelques jours après l'évaluation réalisée par le Crédoc (2) et vient alimenter la polémique sur les grandes options à prendre en matière d'accompagnement du grand âge. Le CES se montre « très favorable » à la création d'une telle prestation comme la plupart des professionnels et experts de la gérontologie. Cependant, tous avancent des critiques afin d'infléchir le projet du gouvernement pour garantir « l'égalité de traitement » des bénéficiaires sur l'ensemble du territoire et promouvoir une « nouvelle avancée sociale ».

Ainsi, le Conseil insiste particulièrement pour que le projet de loi « affirme le droit pour toute personne âgée, remplissant les conditions requises, de bénéficier de la prestation autonomie ». En ce sens, il s'oppose au gouvernement qui entend limiter, dans un premier temps, l'octroi de la prestation aux seules personnes âgées maintenues à domicile. Pour le CES, « il y aurait en effet quelque paradoxe à exclure d'un droit les 300 000 personnes, généralement les plus lourdement dépendantes, accueillies en établissement ». Analyse partagée par la CNAVTS qui considère que ce risque nouveau « rend indispensable l'assistance d'une tierce personne, que la personne âgée réside à son domicile ou soit hébergée en établissement ». De son côté, l'ADEHPA (Association des directeurs d'établissements d'hébergement pour personnes âgées) (3)  - qui chiffre à 600 000 le nombre de personnes ainsi exclues du dispositif - trouve « inacceptable » cette iniquité et s'oppose à une application différée de la prestation. Tenant compte de ces remarques, Colette Codaccioni, ministre de la Solidarité entre les générations, a indiqué, le 12 septembre devant le CES, qu'une date butoir, qui pourrait être le 1er janvier 1997, serait inscrite dans le projet de loi pour l'application de la prestation en établissement. Elle a également confirmé la volonté du gouvernement de fixer l'entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 1996 pour les personnes âgées à domicile.

Egalement source de dissensions, la condition d'âge pour bénéficier de la prestation. Initialement envisagée à 70 ans (60 ans pour les personnes atteintes d'une maladie invalidante), le gouvernement pourrait « revenir un peu en arrière », soit 60 ans, suite aux propositions du Conseil. Autres vœux du CES, que la grille unique nationale d'évaluation « prenne mieux en compte les dimensions sociales, familiales et environnementales de la personne âgée » et que le montant maximum prévu pour la prestation (4 340 F par mois), adapté aux faibles et moyennes dépendances, soit révisé à la hausse pour les cas les plus lourds.

En revanche, Hubert Brin rejoint le gouvernement dans sa volonté de faire de la prestation autonomie une prestation en nature, accordée sous condition de ressources (le plafond retenu étant celui de la sécurité sociale, soit actuellement 13 060 F). Mais s'il juge « bonne » son idée de mettre en place un chèque autonomie, il l'assortit toutefois de deux conditions : il ne doit pas faire double emploi avec d'autres instruments de même nature (tel que le chèque emploi-service) et, surtout, ne doit en aucun cas être déductible des impôts au titre des emplois familiaux. Sur ce point, le Conseil privilégie le tiers payant parce qu'il « facilite le contrôle de l'utilisation effective des fonds et de la qualité du service rendu ».

A propos de l'un des chevaux de bataille du gouvernement, la création d'emplois de proximité, les conseillers suggèrent l'instauration d'un « congé aide à la dépendance » sur le modèle du congé parental d'éducation. Il permettrait à un membre de la famille de se consacrer, à plein temps ou à mi-temps, à une personne âgée éligible à la prestation autonomie (cette dernière pourrait alors être versée en espèces). Une proposition que Colette Codaccioni s'est déclarée « prête à étudier ». De plus, pour Hubert Brin, ces emplois de service, qui sont des « emplois de confiance », nécessitent une réelle formation et qualification des personnels concernés. Un sentiment partagé par Etienne François, directeur général de l'UNASSAD  (Union nationale des associations de soins et services à domicile)   (4), qui, s'il approuve l'idée de se servir d'une telle loi pour créer des emplois, s'inquiète du risque de « précarisation » dont seraient victimes à la fois les professionnels et les personnes âgées dépendantes.

Autre point de divergence entre le gouvernement et les professionnels du secteur, les modalités de gestion de la prestation. A cet égard, le CES recommande que la décision d'attribution de la prestation soit prise au plus près de la personne concernée par une équipe médico-sociale (composée au minimum d'un médecin et d'un travailleur social). Cette idée semble acquise du côté du gouvernement, de même que celle qui consiste à faire des départements « les chefs de file » du dispositif, selon les propos de Colette Codaccioni. Or, pour la majorité des professionnels, confier exclusivement cette gestion aux départements serait une « grave erreur ». « Ce serait continuer à promouvoir une prestation de type assistance », déplore Etienne François. Pascal Champvert, président de l'ADEHPA, souhaite vivement, quant à lui, que des garanties soient prises dans le cas où la prestation serait gérée par les départements, compte tenu qu'un tiers d'entre eux sont « hors la loi », en refusant depuis des années de verser l'allocation compensatrice pour tierce personne aux personnes âgées vivant en établissement. « Laisser les présidents de conseils généraux décider, c'est instaurer petit à petit différentes lois dans ce pays », ajoute Jean-Marie Spaeth, président de la CNAVTS. « Les personnes âgées dépendantes ne doivent pas être les otages des départements au gré de leurs difficultés budgétaires. » Au nom du conseil d'administration, il propose que la CNAVTS soit pilote de la prestation et passe parallèlement des conventions avec les départements, afin de tenir compte des disparités locales et d'organiser les services de proximité.

Dernier volet, loin d'être tranché, le financement de la prestation autonomie estimé par Colette Codaccioni entre 14 et 20 milliards selon les hypothèses retenues. Alors que le gouvernement s'oriente toujours vers la solidarité nationale, mais sans préciser sous quelle forme, le CES se prononce pour un financement « clairement identifié », garantissant une égalité de traitement quels que soient le lieu de résidence, en métropole ou dans les DOM, et les modalités d'hébergement. Il proviendrait, d'une part, d'un prélèvement sur l'ensemble des revenus (professionnels, financiers, fonciers, de remplacement) et, d'autre part, de la contribution actuelle des départements. Dans cette perspective, le Conseil préconise la création « d'un fonds national autonomie », qui pourrait être un établissement public chargé de collecter l'ensemble de ces ressources. Il serait assisté d'un comité d'orientation qui « définirait les principes généraux d'intervention applicables sur l'ensemble du territoire et veillerait à la coordination des dispositifs locaux ». C'est parce que « chacun participera au financement du dispositif », qu'Hubert Brin repousse l'idée d'une récupération sur succession souhaitée par le gouvernement. D'autant que ce mécanisme se rapproche de la philosophie de l'aide sociale dont le CES veut se démarquer.

Lequel recommande enfin que la prestation autonomie soit, à l'instar de la loi sur le RMI, adoptée pour une durée limitée à trois ans et soumise à évaluation, « du fait de l'importance des enjeux économiques et sociaux ».

Réponses aux questions qui restent en suspens, le 18 septembre. Date à laquelle Alain Juppé dévoilera le projet de loi définitif avant son examen en conseil des ministres le 4 octobre.

Notes

(1)  Voir ASH n° 1937 du 25-08-95.

(2)  Voir ASH n° 1939 du 8-09-95.

(3)  ADEHPA : 3, impasse de l'abbaye - 94100 Saint-Maur - Tél.  (1)  42.83.98.61.

(4)  UNASSAD : 108-110, rue Saint-Maur - 75011 Paris - Tél.  (1)  43.55.26.26.

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