Privations de liberté des résidents, maltraitance institutionnelle, manque de moyens et de personnel soignant… Dans un rapport publié ce mardi, la défenseure des droits, Claire Hédon, alerte avec force sur « le respect des droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad [établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] ». Premier constat : ces six dernières années, 900 réclamations ont été adressées à cette autorité administrative indépendante. Elles dénoncent les conditions et les modalités d’accompagnement médico-social des personnes âgées : 80 % mettent en cause un Ehpad (45 % des dossiers concernent un établissement à statut public, 30 % le privé associatif et 25 % le privé commercial).
La défenseure des droits publie ce jour un rapport consacré aux droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad. En situation de perte d’autonomie ou de handicap, elles jouissent des mêmes droits et libertés que l’ensemble de la population.
— Défenseur des droits (@Defenseurdroits) May 4, 2021
De nombreuses atteintes aux droits
L’analyse de ces saisines montre, d’après ce rapport, qu’elles portent essentiellement sur « l’effectivité du principe du libre choix, du consentement éclairé et du droit à l’information de la personne accueillie ; du droit à une prise en charge et à un accompagnement adapté ; du droit à la santé ; de la liberté d’aller et venir ou encore du droit à la vie privée, à l’intimité et au maintien des liens familiaux ».
Selon Claire Hédon, « la justification des atteintes aux droits par des comportements individuels des personnels ne doit pas masquer les atteintes plus nombreuses issues du manque de moyens humains et des carences en matière d’organisation qui ne permettent pas aux professionnels d’accompagner les résidents comme ils le souhaiteraient ». Elle constate ainsi une pénurie de personnel, une rotation importante des effectifs, l’épuisement des équipes et un manque d’encadrement.
La Covid-19 a aggravé la situation
Sans surprise, le rapport souligne l'aggravation de la situation depuis le début de la crise sanitaire, « plus particulièrement concernant le droit au maintien des liens familiaux, la liberté d’aller et venir et le non-respect du consentement des résidents ». De nombreux exemples sont cités : la réalisation de tests de dépistage sans le consentement du résident, le maintien de restrictions de sorties pendant les périodes de déconfinement, l’interdiction des visites de proches ou d’aidants familiaux pendant plusieurs semaines ou le maintien des interdictions de sortie pour les personnes vaccinées.
Les principales recommandations
En vue d’améliorer la prise en charge des personnes accueillies et assurer l’effectivité de leurs droits, 64 recommandations sont formulées. Parmi elles, la défenseure des droits préconise « d'inciter les directions des Ehpad à proposer […] au futur résident d’alterner, dans un premier temps, les séjours en établissement et au domicile, afin de permettre un choix éclairé », la fixation d’un « ratio minimal de personnels travaillant en Ehpad » établi à 0,8 effectif à temps plein (ETP) par résident, « de revaloriser les diplômes et les parcours professionnels liés aux métiers de l’accompagnement à l’autonomie » ou encore « d’inscrire dans une disposition du code de l’action sociale et des familles le droit de visite quotidien du résident par ses proches s’il le souhaite ».
Treize propositions sont spécifiques à la situation de crise sanitaire. L’autorité administrative indépendante suggère « de faciliter l’accès à la régulation en demandant aux agences régionales de santé d’identifier un référent Ehpad au sein des Samu », « de mettre en place une cellule d’expertise et de ressources pour répondre aux difficultés rencontrées par les directions » et « de veiller à ce que toutes les décisions liées au renforcement des mesures de contrainte sanitaire (restriction de visites, limitation de la liberté d’aller et venir) soient prises pour une durée déterminée et limitée dans le temps, et proportionnées aux situations individuelles ».
Cette publication est saluée par l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées) qui estime que « le rapport a raison de préconiser la mise en place d’un ratio minimum d’encadrement et un meilleur accès aux aides techniques ».