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Une vie capacitaire pour les personnes handi-capables

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« Pour retrouver des capacités, le sport ne doit pas seulement adapter ces contenus à la personne en situation de vulnérabilités, il doit favoriser un nouvel éveil des possibilités capacitaires dans les limites du schéma corporel », estime Bernard Andrieu, philosophe et professeur d'université en Staps.

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[SPORT SANTE 3/21] L’accident, le déficit cognitif, la défaillance motrice ou la fatigue physique précipitent l’humain dans une handi-capacité jusque-là inédite. Se déplacer avec difficulté, ne plus se remémorer aussi bien qu’avant, découvrir ses limites motrices... autant d’expériences dont la nécessité impose à la personne concernée une recomposition de soi tout en maintenant autant que possible une certaine continuité.

Tout corps doit être acceptable

Le corps vulnérable est souvent devenu impropre car la personne a perdu une bonne connaissance des capacités de son corps si éprouvé par l’altération physique et cognitive. Pour retrouver des capacités, le sport ne doit pas seulement adapter ces contenus à la personne en situation de vulnérabilités, il doit favoriser un nouvel éveil des possibilités capacitaires dans les limites du schéma corporel. Le but est de développer l’acceptabilité individuelle et sociale afin de construire une nouvelle image du corps.

Mais la normalisation sociale des corps n’est pas si évidente, car la situation des personnes parait si dégradée que les soins doivent par les moyens conceptuels et techniques les aider à sortir de la stigmatisation de leur vulnérabilité : pour développer une éducation au capacitaire il faut, avec une éthique du soin, délimiter à fois les limites de notre autonomie et l’éveil de sensibilités plurielles.

En voulant rendre son corps vivable, et plus seulement vivant, le vécu corporel doit s’incarner dans le vivant et le vivant ne doit pas contredire le vécu corporel. Plutôt que de désigner la fatalité de la maladie, le stigmate devient source d’identification positive du vécu et du vivant. Au nom de la différence du vivant, tout corps doit être acceptable par les autres même si l’objectivité sociale du corps définit les normes du jugement esthétique. Être un corps sujet n’implique pas nécessairement en être le maître et contrôler toutes les activités de l’organisme.

Une activation capacitaire

Souvent la personne vulnérable ressent sa situation comme invivable : la diminution de son autonomie peut être une source d’enfermement et de mésestime de ses capacités. Elle affirme, face aux modifications de son corps vivant : « Ce corps n’est plus le mien » ; « Je ne me sens pas capable de » ; « Je ne suis plus en capacité de ». Découvrant le caractère invivable de ses vulnérabilités, la personne pourrait croire qu’elle devient inviable.

Pourtant, cet écart entre ce malade encore vivant et les épreuves psychologiques est aussi une possibilité d’un sport plus adapté encore. Ainsi les micro-activités dans le respect du rythme de chacun vient éveiller des capacités inédites : gestes lents mais précis, rythmes moins performants mais adaptés, les agilités motrices mentales, le slow sport... sont autant d’activités capacitantes qui créent de nouvelles capacités.

La matière de notre corps vivant ne cesse ainsi de se modifier. Sous l’apparence de la forme qui paraît rester la même, notre matière vivante est modifiée par les effets de l’environnement, par l’action des autres. Faire preuve de vivacité par des exercices capacitaires développe d’autres capacités encore inédites chez le sujet comme les mouvements lents. Cette activation capacitaire est cette énergie créatrice, dont Bergson soulignait déjà sa puissance, qui pulse en nous sans jamais se satisfaire.

Développer la vivacité du corps et de l’esprit rend les personnes handicapées en sujets handi-capables. La vivacité d’esprit n’est pas la vitesse, mais la production rapide de solutions adaptées à l’action in situ. La vivacité est une sensation d’activité du vivant qui nous porte sans difficulté vers l’action immédiate. A la différence d’être à vif, comme avec la douleur chronique, qui produit une réponse irréfléchie mais si rapide, la vivacité se manifeste par l’émotion qui fait bouger le corps en le vivant.

La vivacité, à la différence de la vitalité, cherche une nouvelle forme de vie. La forme de vie n’est pas seulement la manière de vivre, l’habitus, mais la forme que le vivant prend pour se rendre vivable. Le mode d’emploi de la vie par le vivant lui-même ne correspond pas toujours à la perception vécue par le sujet humain. Ainsi la vivacité du vivant est ce moment d’émersion de sa nouvelle forme qui prend vie nous obligeant à penser ensemble la vie.

Le corps peut ainsi redevenir si celui-ci correspond à l’image que la personne se fait d’elle-même, en renouvelant l’imaginaire social des personnes handicapables. Plutôt que d’être stigmatisé comme vulnérable, l’handi-capabilité rétablit une échelle d’action plus cohérente et adaptée aux capacités réelles de la personne. La vulnérabilité fait partie de la faiblesse de vivant qui réagit pour se réorganiser au mieux de ses potentialités.

Bernard Andrieu, philosophe et professeur d’Université en Staps

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