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Soyons fiers collectivement

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« C’est un jeu dangereux de parler exclusivement de ce qui ne va pas, il faut aussi se nourrir de ce qui va bien pour affronter les moments plus difficiles », constate Catherine Baudouin Quéromes, directrice d’une Maison d’Accueil Spécialisée Adapei-Nouelles Côtes d’Armor.

Crédit photo DR

[POST-COVID 7/21]

Gestion des plannings et recrutements compliqués font partie de mon quotidien de directrice d’une maison d’accueil spécialisée. Face à cette situation difficile, la solution ne viendra que de l’esprit positif, de la recherche de qualité, de la certification et de l’engagement des cadres et des équipes.  

 

Inégalité de traitement et ses conséquences sur le terrain 

La mobilisation des professionnels, des parents et de l’Association pendant le Covid nous a permis de traverser la crise sanitaire de manière disons « satisfaisante ». Nous n’avons pas été confrontés à des cas graves grâce à un vrai engagement à tous les niveaux et à tous les postes, une solidarité inter-établissements et services, sachant que nous ne pouvions plus accepter les intérimaires ; ce qui n’est pas simple pour une grosse maison comme la nôtre avec plus de 65 équivalents temps plein. Une fois la phase de vaccination terminée, nous nous sommes sentis soulagés. Par la suite, il y a eu ce mouvement social bien légitime. Le sanitaire a décidé d’augmenter les salaires avec le Ségur. Mais le médico-social a été oublié dans cette affaire. Les professionnels qui ont été présents et tellement mobilisés pendant la crise sanitaire, n’ont pas compris. La première phase du Ségur a été longue... On parlait des aides-soignants au début, mais pas des aides médico-sociales (AMP) par exemple. Ces débats ont compliqué notre fonctionnement. Les collègues se sont crispés. Ils recherchaient avant tout une reconnaissance, et quand ils l’ont eue, ils n’ont pas tous été logés à la même enseigne.

Aujourd’hui encore, les accompagnants (aides-soignants, AMP, infirmiers, les éducateurs jusqu’au chefs de services) ont bénéficié des réévaluations salariales du Ségur, mais les cuisiniers, agents de service, secrétaires, ouvriers, techniciens et cadres de direction ne l’ont pas. Et pourtant, tous continuent de travailler de façon engagée, ils ne comprennent pas cette décision. Quand on ne traite pas de la même manière les professionnels dans une société, dans une institution, ce n’est pas sans conséquence. Il y a un poison qui s’insinue. Si les pouvoirs publics nous renvoient toujours à la question de la convention collective, notre association a fait le choix de se mobiliser et d’agir pour les « oubliés du Ségur». Malgré cela cette iniquité et ce manque de reconnaissance sont encore d’actualité et nous attendons des gestes forts pour aller vers plus de justice. 

Energie déployée pour recruter 

Les décisions nationales ont un impact localement surtout dans une situation de quasi plein emploi où le recrutement est un vrai casse-tête. Nous avons eu peu de départs mais de grandes difficultés pour les remplacer. Les recrutements sont tout aussi difficiles pour ceux qui ont bénéficié du Ségur. Les professionnels en CDI assurent au quotidien un accompagnement éprouvant, élaborent les projets, ont un planning contraint et travaillent avec des intérimaires qui choisissent leurs jours de présence, sont encadrés par leur collègues pour les résidents complexes et sont mieux payés : cette réalité nous perturbe. Nous n’avons pas eu des fuites cataclysmiques mais les quelques absences ont mis une ambiance particulière dans l’établissement. L’inflation, les différences de statuts (public, associatif, privé…) font que chacun se compare. Je tente de recruter une infirmière depuis des semaines, en vain. Les refus viennent pour certains de la question salariale et pour d’autres, de la volonté de ne plus signer de CDI, de se sentir plus libre. C’est une situation nouvelle qu’il faut gérer au quotidien.

Autre constat : l’absence des apprentis alors que nous avons toujours eu dans la maison deux alternants AES (accompagnants éducatifs et sociaux). Il n’y a plus de candidat. Nous sommes devenus des rois du Tetris et ce n’est satisfaisant ni pour les résidents, ni pour les professionnels, ni pour les remplaçants, ni pour les cadres : on peut perdre plusieurs heures par jour afin de trouver des solutions. Cela fait partie de mes missions que de construire et gérer les plannings pour mettre en adéquation projet et organisation, mais assurer la gestion du quotidien ne doit pas emboliser les autres missions d’une équipe de direction. 

Garder le cap 

Pendant un moment, nous avons eu tendance à accepter des exigences des remplaçants pensant que nous n’avions pas le choix si nous voulions les fidéliser. Ensuite, au cours d’une réflexion d’équipe de cadres, l’inégalité entre les professionnels qui s’intensifiait nous a amenés à revenir à nos fonctionnements antérieurs : l’égalité de traitement. Nous avons donc décidé d’être équitables avec tout le monde quel que soit son statut, pour tenter de mieux équilibrer les besoins professionnels et personnels en assumant un risque potentiel de ne pas trouver de remplaçants. C’était une question d’équité, d’éthique managériale. Il y a eu un soulagement des équipes, et assez étonnement, nous n’avons pas eu tant de départs de contractuels. Notre choix a été compris. Jusqu’à présent et tant mieux, nous n’avons pas eu à subir de répercussions sur l’accompagnement des résidents, il n’y a pas eu de hausse d’hospitalisations ces derniers mois ni d’évènements indésirables majeurs. Mais pour atteindre ce résultat, cela demande de l’énergie à tout le monde : des cadres qui sont mobilisés sur la question RH, de ceux qui reviennent sur leur temps de repos, ou de ceux qui forment des collègues qui parfois ne restent pas. C’est de l’engagement, mais c’est en même temps la richesse de nos métiers. Nous essayons de tenir et nous avons la chance d’être un établissement doublement certifié Handéo. C’est un critère d’attractivité. Nous misons sur les formations pour les salariés. Il y a tellement de pénuries, que les professionnels vont de plus en plus choisir dans quel établissement et quelle association ils souhaitent travailler. Nous mettons en avant la marque employeur, un atout majeur dans le process de recrutement.  Nous avons l’obligation de maintenir la qualité et nous insistons sur ce message. Pour exemple, nous avons dû recruter un éducateur et cela n’a pas été simple. La solution est venue de certains des professionnels de la maison d’accueil spécialisé (MAS) qui ont communiqué sur leurs réseaux sociaux privés et nous avons recruté de cette manière. C’est une fierté pour la direction, pour les équipes de voir le collectif mobilisé pour continuer à avancer. 

Les professionnels ont besoin d’être reconnus et d'être fiers du métier qu’ils exercent. Et c’est notre rôle de leur rappeler. C’est nécessaire et surtout vrai, ils peuvent être fiers de ce qu’ils accomplissent au quotidien. Certes, chacun travaille dans des conditions parfois complexes... Mais globalement, les résidents vont bien, ils sourient, il y a des projets de fêtes, de vacances, les familles sont satisfaites et solidaires avec les professionnels. Ce sont bien ces éléments qui font le sens de notre travail au sein de l’Archipel et de l’Association et qui alimente ce besoin de se sentir utile. C’est un jeu dangereux de parler exclusivement de ce qui ne va pas, il faut aussi se nourrir de ce qui va bien pour affronter les moments plus difficiles. C’est ce cercle vertueux qui fera que ce collectif humain y arrivera dans le bien-vivre ensemble.  

 Catherine Baudouin Quéromes, directrice d’une Maison d’Accueil Spécialisée Adapei-Nouelles Côtes d’Armor 

 

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