Le constat
J’ai eu le loisir de mettre en place plusieurs activités physiques en structure, en ayant à cœur de privilégier l’originalité à ces pratiques tout en répondant aux enjeux de prévention. Parmi ces activités, le tir à l’arc s’est distingué des autres avec un engouement inattendu de la part des résidents qui bénéficient traditionnellement d’ateliers gym douce et de marche. Ces rendez-vous réguliers s’inscrivent dans une logique d’entretien de la santé. Les usagers y participent parce qu’ils sont inscrits à ces groupes, ou par une prise de conscience des bienfaits de l’activité proposée. Mais beaucoup d’autres ne voient aucun intérêt à aller marcher ou à effectuer des « réveils musculaires » sans autre but que celui d’entretenir ses capacités. La dimension ludique et la compétition ne font pas, ou rarement, partie de ces animations « classiques ». C’est néanmoins le cas d’activités plus originales pour un public âgé et dépendant, à l’instar du tir à l’arc. Mon choix s’est donc porté sur cette découverte parce que cette discipline est adaptée à tous (que les personnes soient en capacité de se tenir debout ou qu’elles soient à mobilité réduite), sans compter sur ses effets apaisants et anti-stress. Un autre avantage est que cette activité peut aussi bien se pratiquer à l’extérieur que dans une salle.
La préparation du tir à l’arc
Objectifs visés
- Maintenir l’autonomie physique ;
- Préserver l’estime de soi ;
- Favoriser le lien social.
Matériel utilisé
Pour des raisons évidentes de sécurité, il n’est pas question d’utiliser un matériel professionnel. Lorsque j’ai mis en place cette activité, j’ai choisi d’investir dans un kit de type « soft archery », que l’on trouve dans n’importe quelle grande enseigne sportive pour un budget accessible (environ 50 €). Il s’agit d’un matériel démontable, léger et non dangereux (les flèches sont à ventouses), dont la mise en place est rapide et idéale donc pour une activité « flash ».
Public visé
Tous les résidents qui le souhaitent peuvent s’essayer à ce sport. Selon la force du tireur et donc sa capacité à bander l’arc, on positionnera la cible plus ou moins loin.
Cette activité est tout à fait adaptée aux personnes atteintes de démence sénile de type Alzheimer. En effet, par la nécessité de se concentrer et donc de se re-centrer, elle a pour effet de canaliser la personne et de prévenir les montées d’angoisse. Cela vaut également pour les spectateurs, focalisés sur le tireur et la cible.
Durée et rythme des séances
Cette activité se prête à la mise en place « sur le pouce » d’une animation « flash ». Plus le groupe de participants est grand, plus longues seront les séances : il faut laisser le temps à chacun de tirer ! Pour un groupe de 10 à 12 personnes, prévoir entre 30 minutes et une heure. Le tir à l’arc peut être proposé de façon régulière (une fois par semaine par exemple), permettant de mesurer l’évolution de chacun à travers des évaluations systématiques après chaque séance, si l’esprit compétitif s’empare des sportifs.
Le déroulé de la séance
Si le tir à l’arc peut être proposé dans le cadre d’une activité individuelle, il est bien plus intéressant d’en faire une animation collective, ne serait-ce que pour favoriser les échanges entre résidents (encouragements, félicitations, rires...). Je conseille de réunir participants et spectateurs (lesquels finissent souvent par se prêter aussi au jeu) en demi-cercle. La cible est placée face à eux et le tireur à mi-chemin, afin d’éviter qu’une flèche perdue blesse quelqu’un. L’animateur veillera à ne pas s’installer sur un lieu de passage et à écarter les objets fragiles pouvant être touchés par les flèches. Concernant les participants en position debout, un professionnel se placera près d’eux, afin de prévenir tout risque de chute : le tir d’une flèche peut se traduire par une perte d'équilibre.
A tour de rôle, les sportifs se succèdent et tentent d’atteindre la cible ; ce qui n’est pas évident au début. L’animateur peut organiser un petit tournoi pour satisfaire les compétiteurs ou simplement s’amuser sans compter les points... L’important est de veiller à ce que personne ne soit mis en échec. Pour ce faire, le tireur sera positionné plus ou moins loin de la cible. Petite astuce : fixez la cible sur un adaptable. Il peut s’avérer plus pratique de déplacer une cible sur roulettes que de « faire bouger » les résidents vers celle-ci. En outre, cela permet d’orienter la cible.
Cette activité a créé un réel engouement de la part des résidents que j’ai accompagnés et qui ont révélé des capacités physiques parfois surprenantes. Le côté ludique des séances dépassait la crainte de tomber, de faire un mauvais mouvement, et supplantait les croyances bien ancrées chez les participants selon lesquelles à leur âge « ce n’est plus possible ». Au cours de ces rendez-vous hebdomadaires, ils oubliaient leurs dépendances physiques et faisaient preuve d’amplitude, de concentration et de précision, occasionnant estime de soi et réassurance.
Richard Mesplède, ancien animateur en Ehpad et formateur