Le télétravail dans le secteur social : une double lame
Le télétravail a ouvert de nouvelles perspectives pour les professionnels du secteur social. La flexibilité accrue offre la possibilité de concilier vie professionnelle et personnelle, attirant ainsi une main-d’œuvre diversifiée. Les travailleurs peuvent désormais exercer leurs missions depuis n’importe quel endroit, réduisant ainsi les contraintes géographiques. Naturellement, ce nouvel adage reste applicable aux métiers du social qui appliquent des logiques nomades ou ambulatoires, n’étant pas systématiquement dans des dynamiques d’accompagnement en face-à-face.
Cependant, cette liberté a aussi des implications. La frontière entre vie professionnelle et personnelle s’amenuise, parfois au détriment du bien-être des travailleurs sociaux. La nécessité de maintenir une connexion constante peut entraîner une surcharge de travail et une difficulté à décompresser, soulignant ainsi la nécessité d’établir des limites claires que les employeurs essaient de matérialiser dans des chartes du télétravail et des engagements qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) incluant le droit à la déconnexion. Car force est de constater qu’aujourd’hui, les règles ne sont pas encore partout définies : qui regarde l’heure qu’il est avant d’envoyer un email (important ou pas) ? Qui attend le lendemain matin 8 h 30 ou 9 h pour y répondre ? Qui n’a jamais ouvert sa messagerie pendant ses vacances afin de vérifier que rien de grave n’est arrivé, qu’aucun dossier important attend une validation ou un renseignement ?
La visioconférence : un outil révolutionnaire
Confirmée par le premier confinement lié au Covid, l’intégration généralisée de la visioconférence dans le secteur social a réduit les obstacles à la communication et a amélioré la collaboration. Les réunions virtuelles ont facilité les échanges entre professionnels, élargi l’accès aux formations et renforcé la coopération entre organisations et partenaires. D’ailleurs, sans cet outil, comment aurions-nous pu continuer à travailler lors de la crise sanitaire ? Les visioconférences ont permis dans certains cas de figure d’assurer la continuité de l’accompagnement. Elles ont facilité le lien entre des personnes qui ne pouvaient plus se déplacer, elles ont été le moment pour des éducateurs ou des assistantes sociales de prendre contact avec des familles vulnérables ou fragilisées. L’outil a fait ses preuves. Aujourd’hui, où nous sommes de nouveau libres de nos mouvements, il permet un gain de temps et réduit les kilomètres parcourus. Cependant, son utilisation intensive a également soulevé des préoccupations, notamment en matière de fatigue visuelle et d’isolement. Ces points de vigilance imposent aujourd’hui une attention particulière et renforcée de la médecine de santé au travail (fatigue visuelle et risque psycho-sociaux à travers l’isolement, la charge mentale associée au télétravail non maîtrisée, le non-respect des amplitudes de travail recommandées). Il paraît donc important de limiter le télétravail et de l’encadrer à travers une charte de bonne pratique, et de l’évaluer régulièrement.
Opportunités d’innovation et attractivité
L’adoption de la visioconférence et du télétravail peut contribuer à accroître l’attrait des métiers du secteur social, auprès des générations Y et Z en particulier. La flexibilité et la possibilité d’impact à distance peuvent séduire cette nouvelle génération de travailleurs cherchant un équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Les technologies virtuelles offrent également des opportunités d’innovation dans la prestation de services sociaux. Beaucoup étant encore à inventer et à modéliser.
Cependant, il est crucial de reconnaître les défis potentiels. Les travailleurs sociaux doivent être soutenus dans l’adaptation à ces nouvelles modalités de travail, et les organisations doivent mettre en place des politiques et des infrastructures adaptées pour prévenir l’épuisement professionnel et favoriser une culture de collaboration.
L’évolution vers la visioconférence et le télétravail a ouvert la porte à des solutions novatrices dans le secteur social. Les interventions à distance, les groupes de soutien en ligne et les formations virtuelles à distance sont devenus des éléments clés de la prestation de services sociaux. Ces changements offrent la possibilité de toucher un public plus large et de personnaliser les services en fonction des besoins individuels. Toutefois, il est essentiel de garantir que ces innovations ne laissent personne de côté. L’accès à la technologie et la compréhension des outils virtuels doivent être des priorités pour prévenir les inégalités chez les usagers de ces services et en fonction des territoires, parfois éloignés de toutes formes de connexion.
Garantir une transition harmonieuse
L’entrée de la visioconférence et du télétravail dans le monde social représente une transformation significative des métiers du secteur. Si ces évolutions offrent des avantages considérables en termes de flexibilité et d'innovation, il est impératif de gérer les défis associés pour garantir une transition harmonieuse. L'attractivité des métiers dépendra de la capacité des organisations à embrasser ces changements tout en préservant le bien-être des travailleurs sociaux et la qualité des services qu’ils portent.
Loïc Pirron Dautriat, directeur adjoint chargé des ressources humaines et de la communication, plateforme territoriale d’inclusion