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« Bientôt quatre ans de covid, et qu’est-ce qui a changé ? Tout... et rien », regrette florence Fortin Braud, monitrice-éducatrice et aide-soignante.

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[POST-COVID 9/21] Au début, c’était l’effervescence, la panique, la crise. Tout le monde sur le pont, le bateau prend l’eau, sortez les rames et les canots de sauvetage. Il y a eu des vagues et des remous, des naufrages et des sauvetages, et toute une nation pour soutenir ses héros. Quatre ans plus tard, la fièvre du samedi soir a laissé la place à la torpeur du lundi matin.

La valse des virus

Samedi, 18h. Fin de journée paisible, ponctuée par les retours des quelques résidents qui ont passé la journée en famille. Denis a passé un bon moment, il a fêté son anniversaire et a reçu une nouvelle console, il est aux anges. Nadia a refusé toutes les propositions de sortie et a à peine parlé à ses parents. Juliette est malade. Rhinorrhée, céphalées et hyperthermie. Ou plus précisément, comme le dit son frère : « Elle n’arrête pas de se moucher, elle a mal à la tête et je crois qu’elle a de la fièvre, mais je ne suis pas sûr, parce qu’elle refuse absolument qu’on lui prenne sa température. » Il n’a même pas le temps de finir sa phrase que Juliette est déjà montée dans sa chambre. « Je n’ai pas faim, je vais me coucher ! » répond-elle à l’aide-soignant qui lui demande comment s’est passée la journée.

« Il y a d’autres malades dans la famille ? », demande innocemment l’infirmière au frère pressé de partir.

Moue dubitative.

« Eh bien… ce n’était pas la grande forme la semaine dernière, et pareil pour ma femme, elle était tellement crevée qu’elle n’a pas pu aller travailler... mais ça tombait plutôt bien parce qu’il fallait garder le petit qui était malade. Remarquez c’est la saison hein, l’hiver, le rhume, la grippe, tout ça, c’est normal quoi ! »

« Vous avez fait un test au cas où ? »

Il répond vite. Trop vite.

« Oh vous savez les tests, ça ne veut rien dire hein ! Parfois c’est positif et n’y a pas de symptômes, parfois c’est le contraire, et puis de toute façon ça ne sert plus à rien maintenant, Covid ou pas, on bosse pareil de toute façon ! »

L’infirmière n’a pas le temps de poser d’autres questions, le grand frère doit y aller et une autre famille arrive.

19h. Le test antigénique de Juliette est positif. Solange réfléchit à toute vitesse. La résidente est en chambre double, il faut qu’elle s’installe en chambre simple le temps de l’isolement. Il faut aussi faire un test à Cathy, sa voisine. Elle n’a aucun symptôme, mais il y a de grandes chances que Juliette ait été contaminée avant son départ, donc c’est sans doute ici, au foyer. Personne n’a été malade pourtant... Quoique... un éducateur est en arrêt depuis quelques jours, il était vraiment épuisé la semaine dernière… Et puis il y a Angèle, l’aide-soignante, qui en petite forme, sans compter Bastien qui a passé la journée le nez dans ses mouchoirs, et puis…

Soupir. La soirée va être longue... et la semaine à venir le sera tout autant. Dans l’immédiat, il faut réorganiser les lits.

20h. Juliette est installée en chambre simple, et Cathy aussi, par précaution. Du coup Fabienne et Leïla se retrouvent dans la même chambre, à leur grand désarroi, mais « ça ne durera pas longtemps », leur a promis l’équipe, c’est juste pour quelques jours.

« Au fait, c’est combien de jours l’isolement déjà ? », demande Charlie, le collègue ASH.

« Et pour les masques, on en redonne à tout le monde ? Chirurgicaux ou FFP2 ? »

« Et pour les repas, les activités... On fait comme d’habitude ? »

L’infirmière est plongée dans ses mails, à la recherche des dernières notes de service. Il y a eu tellement de changements ces derniers mois... Repas en chambre, activités et sorties suspendues, prise de température quotidienne et tests systématiques pour les cas contacts. Bon, rien de bien nouveau, ça devrait aller.

Tous sur le pont

Lundi, 8h. Il manque un ASH, l’aide médico-psychologique est en vrac et l’infirmière est au bout de sa vie. Le week-end a été horrible, et au rythme où vont les choses, la semaine sera pire encore. Au premier étage, Juliette tousse, Cathy se sent fébrile et Leïla a mal à la tête. Au deuxième étage, c’est une hécatombe. Au téléphone, le cadre de garde annonce piteusement qu’aucun renfort n’est disponible dans l’immédiat, l’Ehpad est touché par le Covid et une bonne partie de l’équipe est en arrêt.

10h. Réunion de crise en salle de pause. Tout le monde a remis un masque et l’air froid pénètre par la fenêtre grande ouverte. En bout de table, la cadre annonce : « Nous avons douze résidents en isolement et quatre membres de l’équipe en arrêt. Il ne faut pas compter sur le pool de remplacement, ils sont tous mobilisés ailleurs. Pour le moment le planning tient à peu près la route, moyennant quelques aménagements. On va supprimer les horaires en journée cette semaine, ça nous permettra d’anticiper pour les éventuelles absences à venir. »

Midi. Il a fallu réorganiser la salle à manger. Deux par table et pas plus, pour éviter la propagation du virus. Deux par table, donc deux services, deux fois plus de temps, mais pas deux fois plus de bras. Sans oublier les repas en chambre avec présence obligatoire d’un soignant à cause du risque d’une fausse route.

14h15. Les transmissions touchent à leur fin. L’équipe du matin est épuisée et celle de l’après-midi n’est pas rassurée. « Les parents de Juliette n’ont même pas appelé pour savoir comment elle allait ! » s’indigne Solange. Son collègue hausse les épaules. Le Covid est devenu une maladie comme une autre, un peu de fièvre un peu de toux et au suivant.

Julien renchérit : « Quand je pense au début... les applaudissements, les héros de la nation, tous ces beaux discours, les promesses... et puis la prime.. et puis plus rien... Et pourtant, le virus est encore là, et nous aussi on est malades, mais tout le monde s’en fiche maintenant, ce n’est plus leur problème ! »

Bientôt quatre ans de Covid, et qu’est-ce qui a changé ? Tout... et rien. Il y a eu la mise en lumière des métiers du lien, des grands discours et des petites primes... Et maintenant ?

Maintenant, on attend la relève et les notes de service, on se teste, on se masque et au boulot ! Les métiers du lien sont passés de mode, on en reparlera peut-être au prochain virus ou à la prochaine crise. Ou pas.

Florence Fortin-Braud, aide-soignante et monitrice-éducatrice


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