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L’engagement sportif des établissements à interroger

[SPORT SANTE 21/21] La loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport favorise un égal accès aux activités physiques et sportives... .bien loin de la réalité du terrain, où des efforts doivent s’engager pour atteindre cet objectif ambitieux. Si la structuration est en marche, les freins sont encore nombreux pour que les acteurs du monde sportif et les professionnels des établissements sociaux et médico-sociaux apprennent à se connaître. Chacun a un rôle à jouer pour assurer une offre adaptée de sport santé aux personnes fragilisées par l’âge, une maladie chronique ou un handicap.

L’éveil sportif : une compétence à gérer en interne

Si l’approche des Jeux olympiques de Paris a réveillé l’engouement sportif, le secteur n’a pas attendu d’être happé par l’esprit de Coubertin pour prendre la mesure des bienfaits du sport sur les usagers que ce soient des enfants, des adultes en situation de handicap ou des personnes vieillissantes. Dès les années 1980, l’activité physique adaptée s’est invitée dans les établissements avec une professionnalisation engagée et le recrutement massif de professionnels formés venus prêcher la bonne parole ou plus exactement l’activité physique qu’il fallait pratiquer.

Est-ce que ce mouvement s’est vu conforter par la stratégie nationale sport santé 2020-2024 ? Au premier abord, l’engagement est au rendez-vous puisque, selon une enquête de la direction générale de la cohésion sociale et la direction des sports datant de 2018, 94 % des établissements accueillant des enfants en situation de handicap sondés proposent une activité physique et sportive.

Or derrière ce chiffre se cache une autre réalité beaucoup moins flatteuse. Et pour cause, sur le terrain, l’offre est avant tout « irrégulière » et se confronte à « une structuration qui peine à se faire dans un contexte où d’autres priorités se dégagent entre les difficultés de recrutement ou les tensions financières ». Selon l’étude, seuls 25 % des enfants et des adolescents pratiqueraient des activités physiques une à deux heures par semaine, bien loin de l’objectif avancé par les experts qui visent un déploiement de trente minutes d’activité quotidienne.

L’autre sujet d’inquiétude réside dans le manque de représentation des professionnels formés aux activités physiques adaptées. Seule la moitié des structures interrogées dispose d’un éducateur sportif ou d’un professeur de sport adapté parmi son effectif. La majorité fait donc appel à des intervenants externes. Quant aux partenariats, ils sont signés avec la Fédération de sport adapté ou handisports et non avec le réseau de clubs et de Fédérations.

Une révolution des pratiques sportives plus inclusives à engager

Témoin de la perte de compétence et de professionnalisation des établissements qui étaient pourtant en première ligne il y a trente ans, la sociologue du sport Claire Perrin évoque les conséquences sur les usagers qui se sont traduites par une méconnaissance progressive de leurs corps et du goût pour les activités physiques. Sans rien goûter, comment choisir ? Concrètement, certains établissements nouent des conventions avec des clubs pour proposer une activité en milieu ordinaire. Tous les usagers sont donc invités à adhérer et à participer avec le sourire. Dans cette organisation pyramidale, quand et comment est pris en compte l’avis des principales intéressées ?

Pour créer une nouvelle dynamique, la mission IGAS-IGER 2022 relative au déploiement des trente minutes d’activité physique quotidienne au sein des établissements accueillant des enfants en situation de handicap recommande « une démarche systémique et durable de valorisation des activités physiques et sportives dans l’accompagnement médico-social en cohérence avec la loi du 2 mars 2022 » mais également « une conception souple et adaptable à la diversité des situations de handicap et des contextes locaux et proposer des outils simples et aisément accessibles qui favorisent la mise en pratique en comme en externe ». Les établissements devraient donc reprendre en main la politique sportive portée par les référents sportifs ou encore le déploiement du Pass’sport.

Réfléchir et s’engager dans l’activité sportive adaptée

La réflexion a d’ores et déjà gagné certaines structures qui tentent de redéfinir l’activité physique adaptée en écoutant les besoins des publics accompagnés ou de leurs familles, en les intégrant aux gestes de tous les jours pour vivre avec et pas seulement avoir une pratique sportive de compétition. L’enjeu ne se résume pas à l’adhésion à une licence sportive, mais à une pratique culturelle qui sert l’émancipation. Un outil et non pas une fin en soi.

A l’heure où les établissements sont engagés dans l’ouverture vers le milieu ordinaire en transformant leur fonctionnement en dispositif, de nouvelles pratiques vont-elles éclore ? Les usagers ne veulent plus être considérés comme des handicapés pratiquant un sport mais bien comme des sportifs qui ont un handicap. Cette nuance fera-telle bouger les lignes avec, en premier lieu, une rencontre attendue entre les acteurs du monde sportif et les équipes du secteur social et médico-social qui ne se connaissent pas et ne parlent pas le même langage. Dans le même temps, l’activité physique quotidienne et adaptée s’inscrira-telle dans le projet personnalisé d’accompagnement ?

Bien-être, bonne santé sociale, psychologique et physique, renforcement de l’attention et de la concentration, meilleur sommeil, baisse du stress... tous ces effets ne peuvent s’observer que si la personne pratique au quotidien, si la pratique sportive est institutionnalisée. Le sport est avant tout un outil d’accompagnement social. Pour y parvenir, les acteurs sportifs ont besoin de l’expertise des professionnels du secteur, du pouvoir d’agir des premiers concernés mais aussi d’un chef de fil chargé d’assurer la coordination. Le besoin de structuration politique est indéniable.

Et les efforts doivent être engagés auprès de tous les publics à l’heure où le sport santé s’inscrit dans les politiques de prévention. Si le rapport Igas ciblait les enfants, que dire de la pratique sportive proposée aux adultes en situation de handicap ? Bien insuffisante alors même que le vieillissement conduit à l’émergence de maladies chroniques. Le sport, synonyme de dépassement de soi, d’exigence et de performance laissera-t-il une place à l’émergence du sport santé pour que la prévention prenne enfin une place centrale dans l’accompagnement des usagers vivant en établissement et ce quel que soit leur âge ?

Alexandra Marquet, journaliste et chef de rubrique


 

 

 

 

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