Un constat chiffré et des témoignages sans appel
Un tiers des personnes ayant un handicap ne part pas en vacances (1). Les personnes ayant un TDI ou un TND ont des options limitées pour leurs congés. Seuls 15 % des établissements touristiques sont labellisés pour 2, 3 ou 4 familles de handicap. Concernant les services de Vacances adaptées prganisées (VAO), l’incendie survenu le 9 août 2023 et ayant coûté la vie à onze personnes révèle les manquements à la fois de l’hébergement, des gestionnaires et de l’Etat (2).
Le secteur du tourisme et des VAO est encadré par plusieurs lois. Toutefois, il existe un décalage entre le droit et sa réalisation concrète. Les personnes avec un handicap sont confrontées à de nombreux freins (précarité, manque d’accessibilités, discriminations).
Lya a été responsable de VAO pour diverses associations. Durant ses interventions, elle a observé les nombreuses disparités entre les organismes. Certains respectent peu le public accueilli : animateurs non formés, participants contraints d’attendre leur car plusieurs heures dans des hangars, gîtes sans les normes d’accessibilité, différences de traitement entre les vacanciers valides et ceux en VAO, repas ne tenant pas compte des troubles de l’oralité, visites inadaptées pour des personnes ayant un TDI et des troubles moteurs. D’autres fournissent des prestations de qualité : nombre d’encadrants suffisant, pictogrammes pour aider les participants à s’orienter dans l’hébergement, activités personnalisées, séjour situé sur un territoire porteur de la marque d’Etat « Destination pour tous ». Pourtant, les VAO offrent aux participants une parenthèse de liberté, permettent de développer de nouvelles compétences et de se « réinventer ». A leur retour, les personnes partagent leurs souvenirs avec leurs proches ce qui leur confère un sentiment d’accomplissement.
Educatrice en foyer de vie, Amel explique que chaque séjour en VAO implique des procédures administratives strictes. Les vacances introduisent de nouvelles expériences sensorielles et sociales qui sont stimulantes ou anxiogènes pour les résidents. Il est nécessaire d’identifier les professionnels pouvant assurer des soins ou du soutien sur site. Partir en vacances en famille constitue un défi pour les résidents. Ceux-ci sont confrontés à des professionnels du tourisme et d’autres vacanciers peu empathiques. Ces difficultés contraignent les personnes ayant un TDI à réduire leur choix de lieux de vacances. Celles qui en ont les capacités doivent déployer plus d’efforts pour compenser les manquements du milieu ordinaire. Pour les autres, leur dépendance vis-à-vis de leurs proches ou du médico-social en est raffermie.
Une marginalisation de plus
Porteur d’un Trouble du spectre de l’autisme (TSA), Noé estime subir plus de charge mentale qu’une personne ordinaire pour préparer ses vacances. Les premières difficultés apparaissent dès les recherches de destination du fait du défaut d’accessibilité numérique des sites internet (3). Difficile pour lui d’identifier les hôtels portant le label Tourisme Handicap. La majorité note si elle est accessible aux fauteuils roulants mais ne mentionne pas le pictogramme « mental » (indiquant la présence de personnel sensibilisé à l’accueil des clients ayant un handicap) alors qu’il s’agit d’une des obligations à remplir pour obtenir au minimum une étoile. Concernant les déplacements, la SNCF a noué des liens avec des associations afin d’améliorer l’accessibilité pour les voyageurs ayant un TSA (4). Toutefois, les informations concernant le handicap n’apparaissent qu’en bas du site internet. Malgré toutes les difficultés, Noé perçoit son voyage comme une façon de renforcer son sentiment d’efficacité personnelle et de se sentir à égalité avec les autres touristes.
Les vacances devraient être synonymes de repos et de loisirs. Pour les personnes ayant un TDI ou TND, elles entraînent des paradoxes. Sur le plan individuel, les congés impliquent des changements d’environnement et de nouvelles rencontres qui peuvent être anxiogènes pour des personnes ayant besoin d’immuabilité. Les séjours permettent également de se (re)découvrir, d’enrichir les relations interpersonnelles et la qualité de vie ainsi que de renforcer l’estime de soi. Les contraintes structurelles et socio-économiques constituent des freins pour partir en congés. Les défauts d’accessibilités, constatés dans le secteur du tourisme classique et des VAO renvoient ce public à la marginalisation qu’il subit déjà dans sa vie quotidienne. Ils contraignent les personnes ayant un TDI ou TND à déployer plus de stratégies de planification et de flexibilité que les valides. Les aménagements ne devraient pas être présentés comme un acte de générosité ou des efforts consentis par les établissements de tourisme mais comme un service offert à l’ensemble des citoyens.
Cyrielle Richard, psychologue, spécialisée en neuropsychologie et TCC
Notes de bas de page
(1) https://informations.handicap.fr/a-vacances-public-handicape-10747.php
(2) Lors d’une conférence de presse, la vice-procureure de la République de Colmar indiqua que le gîte n’était aux normes de sécurité et n’avait pas subi le passage de la commission de sécurité pourtant obligatoire pour pouvoir accueillir du public en situation de handicap.
(3) Le Conseil national consultatif des personnes handicapées estime que seuls 3 % des sites internet remplissent les critères d’accessibilité numérique : https://cncph.fr/chiffres-web-public/#:~:text=Une%20estimation%20commun%C3%A9ment%20admise%20et,internet%20seraient%20aujourd'hui%20accessibles.
(4) https://www.sncf-reseau.com/fr/a/engages-pour-laccessibilite-en-mouvement