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La désillusion

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« Aussi personne n’a le sentiment qu’on soit dans un “après“ », selon Monique Carlotti, formatrice.

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[POST-COVID 4/21]

Les trente années de pratiques en tant que formatrice au sein d’établissements médico-sociaux accueillant des personnes en grande dépendance (maison d’accueil spécialisée, foyer d’accompagnement médicalisé, IME) m’ont permis d’assister à l’évolution de ce secteur. Et de relayer aujourd’hui la parole des professionnels, que l’on entend peu.  

 

 

Écouter leur voix 

Également sollicitée pour écrire cet article sur l’après-Covid, j’ai profité de temps d’échanges informels avec les professionnels participant aux stages que j’anime pour leur demander si, selon eux, la crise sanitaire avait apporté des transformations dans leurs pratiques ou dans leur vie professionnelle. 

Ce qui est évoqué en premier, c’est le moment du confinement. Un moment qui, après coup, se révèle positif malgré la charge d’angoisse qui y a été vécue. Si tous parlent à demi-mot de la brutale irruption de la mort dans leur quotidien ou de la crainte qu’elle les atteigne, personnellement ou dans leur environnement familial comme professionnel, ce sont les termes de solidarité, de partage, de moments privilégiés avec les résidents, malgré les précautions dictées par les conditions sanitaires, qui sont décrits par de nombreux professionnels. Se préoccuper de l’essentiel et savoir faire ce qu’il faut pour protéger, savoir s’organiser ensemble.  

Et suite à l’après-Covid ? Les modalités de protection contre le virus ont été arrêtées assez tardivement et le Covid-19 continue de circuler avec des variants. Aussi, personne n’a le sentiment d'être dans un « après ». Chaque rhume reste suspect et la vigilance est la règle. L’inquiétude plane, la suspicion règne. Il n’est pas impossible que cet état affectif participe aux modifications qui sont évoquées dans le rapport au travail.  

 

Réinterroger leurs choix 

Les exigences sanitaires, du vaccin obligatoire pour continuer à travailler au port du masque toute la journée, ont amené certains à réinterroger leur choix professionnel : être en responsabilité et en risque à quel prix ? Les salaires ainsi que la reconnaissance liée à leur travail sont considérés comme insuffisants et le traitement initialement clivé du Ségur de la santé a constitué un point de discorde fort au sein des établissements. Pour nombre de professionnels, la crise sanitaire a imposé des temps de rupture dans l’activité : temps de confinement à la maison avec la famille, temps de maladie, qui ont constitué une mise à distance du travail et en ont favorisé le questionnement. Nombreux sont ceux qui ont alors envisagé d’autres choix professionnels. L’absentéisme lié au Covid-19 a favorisé le recours à l’intérim. La pénurie a ouvert des possibilités de mobilité : choix de changement de lieu ou de mode de travail. Certains éducateurs ont opté alors pour un exercice libéral favorisé par la création des nouvelles modalités d’accompagnement comme les pôles de compétences et de prestations externalisées (PCPE), privilégiant ainsi un mode de vie dont l’organisation ne dépend que d’eux et une rémunération plus importante qu’en établissement. Avec le passage de la notion d’accompagnement à celle de prestations, la précarisation s’est installée ainsi qu’un délitement du sentiment d’appartenance à une identité professionnelle précise. Le statut de contrat à durée déterminée est préféré au classique CDI. Cette précarisation est particulièrement sensible dans la formation continue qui s'effectue au sein des établissements. Sur des stages se déroulant en deux temps à un mois ou deux d’intervalle, il n’est pas rare de voir des participants disparaître, fin de CDD ou démission… et être remplacés sans concertation par des nouveaux participants n’ayant pas assisté à la première partie de la formation. Au formateur de s’adapter ! 

 

Quand l’organisation pèse et met à mal les espoirs 

L’après-Covid s’illustre donc par un climat plus tendu au sein des établissements : manque de personnel ou gestion du personnel plus autoritaire, imposant de la mobilité sans prendre en compte le choix des salariés. Ces évolutions peuvent être mises en lien avec l’organisation en pôles des établissements qui instituent cette mobilité. Pourtant, le système de management au sein des institutions ainsi que les politiques publiques avaient évolué préalablement au Covid-19. Il semble donc que cet épisode critique a fonctionné comme un révélateur. Les professionnels ont l'air d'avoir compris le peu de cas attribué à leur implication, certains refusent de se soumettre à ces nouvelles modalités. 

Le Covid-19 et ses conséquences létales ont ramené la mort sur le devant de la scène et un questionnement sur la qualité de la vie, sur l’intérêt du travail et la reconnaissance tant financière que sociale attendue. Certains ont choisi d’explorer d’autres voies : l’exercice libéral étant plus rentable et semblant offrir plus de libertés, s’inscrivant ainsi dans le courant néolibéral. D’autres ont privilégié la stabilité, la solidarité, l’attention aux autres, mais se trouvent frustrés dans leur condition salariale par des modalités managériales et un turn-over qui mettent à mal leurs espoirs.  

Les salaires tout comme la reconnaissance liée à leur travail sont considérés comme insuffisants et le traitement initialement clivé du Ségur de la santé a constitué un point de discorde fort au sein des établissements. 

Monique Carlotti

 

Monique Carlotti, formatrice

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