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De jolis souvenirs

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« Chaque année, quinze personnes profitent de cette escapade. Et chaque année, nous nous efforçons de changer le groupe, tout comme la destination. Nous utilisons les véhicules de l’établissement. Nous ne dépendons de personne et ne pouvons compter que sur nos ressources », explique Manuela Deparis, monitrice-éducatrice.

Crédit photo DR
[VACANCES ADAPTEES 6/19] Les résidents qui sont des personnes travaillant en Esat ont la possibilité de choisir de partir en vacances en famille si le lien est présent, en organismes adaptés et maintenant en séjour organisé par l’équipe éducative.  

Faire face aux réalités économiques

Les séjours en organisme sont de plus en plus coûteux. Certains mandataires judiciaires ont récemment laissé le choix à des personnes de se faire poser une prothèse dentaire ou de partir en vacances. Ce triste constat révèle une réalité encore souvent omise.

C’est aussi pour cette raison qu’avec deux collègues, nous avons proposé des « vacances de la cinquième semaine » depuis déjà huit ans. Ainsi, une surveillante de nuit, un aide médico-psychologique travaillant sur l’accueil collectif et moi-même exerçant au sein des appartements de six personnes, nous avons choisi de nous engager dans ce projet. L’idée était d’être complémentaires et de pouvoir ainsi proposer le séjour à l’ensemble des personnes accueillies. Chaque année, quinze personnes profitent de cette escapade. Et chaque année, nous nous efforçons de changer le groupe, tout comme la destination. Nous utilisons les véhicules de l’établissement. Nous ne dépendons de personne et ne pouvons compter que sur nos ressources.

Après la Normandie, l’Alsace, les Vosges, les Hauts-de-France, cette année, nous avons découvert l’Auvergne. Nous avons eu la chance de trouver un gîte avec une grande capacité d’accueil : des chambres doubles avec salle de bains et toilette ; du confort pour des personnes ayant cette habitude et une sensibilité à l’intimité.

En amont, nous avions étudié le programme des sorties et arrêter le budget. L’hébergement pour sept jours revenait à 136 € par personne et nous avons demandé à chaque vacancier de prévoir une enveloppe de 150 € pour financer les visites : Vulcania, Puy de Sancy, Saint-Nectaire, les fontaines pétrifiantes et enfin un parc animalier que les résidents ont découvert sur place et ont souhaité visiter. C’est toujours extrêmement enrichissant de travailler dans cette proximité. Nous observons continuellement et analysons des comportements parfois masqués dans un collectif.

Chacun se révèle en dehors de l’institution

Le fait de partir à trois professionnels nous permet de constituer des groupes, répondant aux capacités et envies de chacun. C’est l’occasion de voir les usagers autrement qu’au quotidien. Ainsi, une personne ayant une cécité totale avec des troubles associés de la marche est parvenue à marcher, à sa demande, cinq kilomètres. Elle a accepté de monter en altitude et ressentir des sensations climatiques totalement différentes de ce qu’elle a l’habitude de vivre au quotidien. Son sourire nous suffisait à comprendre son plaisir.

Dans le groupe, des personnes souffrent de maladies mentales. Les rituels et la réassurance sont vitaux pour leur équilibre psychique. Et malgré cela dans un « mini-foyer » les différences et problématiques de chacun ont été tolérées. La fatigue est toutefois à prendre en considération et il est toujours nécessaire d’adapter des temps de repos adéquats.

Avant le départ, une femme était préoccupée, n’arrivant pas à relativiser. Nous nous étions fixés comme objectif de l’apaiser et de lui permettre d’évacuer toutes les tensions accumulées. A peine arrivée, elle a été souriante, aidante, agréable à chaque instant. Lorsque nous sommes montés en altitude, voyant une dame chuter devant nous, elle a couru pour l’aider à se relever. La femme lui serrant le bras lui a dit : « Je ne vous oublierai jamais ! » Je ne sais pas si elle a mesuré l’impact positif de ces mots, que je lui rappelle des mois après.

Un homme, qui d’ordinaire peut donner l’impression de ne pas être à sa place, s’est métamorphosé... autant dans l’hébergement et dans la relation à l’autre. Il a presque (par magie) arrêté de bégayer, de balancer la tête et de tenir des propos pas toujours agréables. Il a anticipé ce qu’il y avait à faire et prenait des initiatives. Courses, préparation de repas il était partout et avec tous. Un jour où je lavais les bas de contentions d’une personne, dans une bassine, à la cuisine, il est arrivé et voulant avancer dans la vaisselle, il a pris la chaussette pour une lavette et a commencé à laver son assiette. Nous en avons pleuré de rire et personne ne fut fâché ou vexé.

Comme tout vacancier lambda

En vacances, les découvertes sont gustatives également. Nous avons pu nous rendre au restaurant avec des plats et produits peu connus. Truffades, fondu au Saint-Nectaire. Tous ont apprécié et les cadeaux souvenirs de cette année sentaient le fromage et le saucisson dans les valises ! Les résidents comme au foyer peuvent dormir ensemble. Ce moment est vraiment apprécié car certains vivent ensemble, mais ce n’est pas le cas de tous. Un couple a ainsi pu vivre au grand jour ce qu’il ne fait pas forcément au foyer de vie.

A la fin du séjour, nous faisons toujours un bilan tous ensemble afin de savoir ce que les résidents veulent partager (ou garder secret) avec les équipes du foyer et les autres usagers. Ils peuvent parfois être surpris de nos retours et nous mesurons alors l’impact de notre regard sur eux et de ce qu'ils considèrent comme jugements. Nous avons l’habitude de clôturer les vacances avec le séjour de l’année prochaine et d’évoquer la future destination. Cette année je suis restée muette sur ce point. C’était mon dernier séjour pour des raisons de santé. D’autres prendront la relève.

Manuela Deparis, monitrice-éducatrice

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