Réorienter l'argent public
Il est désormais acquis par tous que le virage domiciliaire se dirige vers une énorme sortie de route qui aura de grandes conséquences sur un maintien à domicile « décent » de nos aînés dans les années futures.
Aînés qui, je le rappelle, souhaitent à plus de 80 %, vieillir à domicile. Alors le financement du maintien à domicile est-il au rendez-vous, adapté, juste, suffisant, congruent avec la volonté de nos concitoyens ?
Où va la plus grosse partie de l’argent public au titre de la solidarité et l’autonomie ? A ce jour, aux Ehpad. Et loin de moi l’idée de faire haro sur les établissements ; bien sûr qu’ils sont utiles ; et nombreux ont une qualité d’accueil remarquable. Mais la volonté de nos concitoyens, je le rappelle, est de rester à domicile. Ayons le courage d’entendre ces souhaits et sachons réorienter l’argent public, comme c'est le cas au Danemark (1).
Pour autant, l’Etat est-il au rendez-vous financièrement sur le maintien à domicile ? Au risque de surprendre la profession, je pense que oui, et voilà pourquoi.
Les allocations APA (Allocation personnalisée d’autonomie) / PCH (Prestation de compensation du handicap) sont globalement au rendez-vous et représentent un énorme budget départemental. Peut-être pourrions-nous reporter l’allocation non-consommée sur les mois suivants ou encore supprimer l’APA au-delà d’un très haut niveau de ressources ? Le crédit d’impôt de 50 %, même s’il est plafonné représente un très gros effort national. Les familles attendent avec impatience le crédit d’impôt instantané avec l’APA/PCH. Enfin la forte exonération de charges sociales pour les organisations qui embauchent des auxiliaires de vie est là aussi un signal fort des pouvoirs publics.
Alors, où est le problème ?
Ils sont de plusieurs natures.
Sur la sémantique d’abord, pourquoi parler de « tarif » APA alors que c’est en réalité une allocation allouée aux familles pour aider à régler la facture d’un SAAD. Ce « tarif » APA laisse à penser que le coût horaire d’une auxiliaire de vie est de 23,50 € alors qu’il est en réalité supérieur à 30 €. Comment peut-on expliquer aux familles le coût réel d’une auxiliaire de vie si déjà la dénomination est erronée ?
L’expérience de ces dernières années m’a montré une anticipation quasi nulle des familles quant à l’adaptation du logement, la réflexion des aidants familiaux sur qui va faire quoi, les promesses aux bénéficiaires intenables du style : « Tu n’iras jamais en établissement, je te le promets. »
Il faut, je pense une vraie campagne de communication à ce sujet pour informer les familles sur les conséquences techniques et financières du vieillissement à domicile. Ainsi elles pourront davantage appréhender et prévoir le maintien à domicile et faciliter de fait son financement. Prévoir coûte toujours moins cher que subir.
Certains pensent qu’une prestation à domicile ne devrait jamais être inférieure à une heure, que le planning prévu des semaines à l’avance doit être effectué à la minute près. Tout ceci n’est qu’une folie mercantiliste. Tout d’abord, la population vieillit et il y a de moins en moins d’auxiliaires de vie, nous devons donc optimiser leurs prestations au plus juste, en fonction des besoins réels des bénéficiaires pour accompagner le maximum de personnes dépendantes. Et puis comment penser raisonnablement que l’accompagnement quotidien d’un être humain est constant et mathématique ? Chez Autonhome depuis sept ans déjà, la confiance donnée aux auxiliaires de vie est telle qu’elles ont le pouvoir, en accord avec le bénéficiaire-usager d’arrêter la prestation en badgeant avec leur téléphone professionnel.
Economie pour les familles, « le temps juste pour une facturation juste » et économie d’argent public par l’ajustement des allocations APA/PCH (qui sont versées en Seine-Maritime si et seulement si le temps d’accompagnement est effectué). Ainsi les familles acceptent beaucoup plus facilement un tarif horaire à sa juste valeur.
Enfin certains politiques envisagent une facturation à l’acte alors même que le monde du soin tente d’en sortir tellement ce système est lourd à gérer, fait perdre le sens des soignants et qui plus est, est horriblement coûteux (2). Ce n’est certainement pas la voie à prendre.
Antoine Blondel, AUTONHOME Rouen
Notes de bas de page
(1) Le Danemark consacre 3 % de son PIB pour le grand âge contre 1 % pour la France. La grande majorité des dépenses sociales liées au grand âge est consacrée au domicile (73 %), le solde étant pour les établissements. UNCASS, Le journal du Parlement, L'Express 2022.
(2) Article 51/Equilibre/Soignons Humain.