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S'enthousiasmer pour finalement désenchanter

« Il faut redonner du pouvoir de décision aux professionnels du terrain, se mettre à leur disposition afin qu’ils aient toutes les clés pour travailler vite et bien auprès des plus vulnérables », estime Axelle Bijou, gérante d'un service à domicile.

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[ABSENTEISME 14/21] Pas facile, en 2024, de gérer un service d’aide à la personne ; la concurrence est rude, les conditions de travail sont difficiles, les exigences réglementaires de plus en plus contraignantes.

 

Préparer un changement organisationnel

Pour exister dans ce monde, il faut penser le travail différemment ; il faut redonner du pouvoir de décision aux professionnels du terrain, se mettre à leur « disposition » afin qu’ils aient toutes les clés pour travailler vite et bien auprès des plus vulnérables. En tout cas, en 2023, quand je me lance dans le projet des Equipes Autonomes, je vois les choses comme ça. Si nous voulons survivre et performer, nous devons changer notre regard. Les auxiliaires ne sont plus des numéros qui vont « bêtement » travailler chez des clients en suivant des fiches de tâches savamment réfléchies par des responsables de secteur qui sortent peu de leur bureau.

Pendant un an, je travaille donc avec les auxiliaires sur ce projet d’Equipes Autonomes ; en parallèle je me forme moi-même à une nouvelle vision du management avec l’objectif de passer d’une posture de manager pure et dure à une posture de coach. Je ne serai plus celle qui décide, recadre, contrôle, impose mais celle qui fera grandir les idées, grandir les salariés, les encourager à prendre des décisions, à mettre des projets en place. Une conception du travail autrement plus pertinente et alléchante.

Dans ce métier où les critiques fusent de toute part : grande solitude, beaucoup de temps passé sur les routes, fatigue physique et psychologique ; l’idée de créer des petites équipes opérationnelles, proches de leurs bénéficiaires et capables de mettre en place des actions adaptées aux situations me semble une évidence. D’ailleurs le projet est accueilli avec beaucoup d’enthousiasme au sein des auxiliaires. J’étais donc enfin parvenue à les mobiliser sur un projet commun : encourager le développement personnel et collectif au service de la satisfaction des usagers, grâce à une plus grande liberté, une plus grande cohésion et la reconnaissance de leur travail.

Être rattrapée par la dure réalité de la traçabilité à outrance

Mais au 1er janvier 2024, je suis percutée de pleine face par la logique du tout sécuritaire et de la traçabilité à outrance ; alors que tout mon discours était basé sur la confiance, l’engagement d’une équipe et la solidarité d’un groupe, je me suis retrouvée comme trahie par des nouvelles obligations de nos tutelles. Et pour cause, dorénavant, les auxiliaires devront badger à chaque fois qu’ils entreront et badgeront de nouveau une fois la prestation terminée. Comment peut-on en arriver à un tel non-sens ? Les auxiliaires redeviennent d’un coup d’un seul des êtres formatés, conditionnés, robotisés pour faire des tâches. Je me suis sentie comme trahie par le système.

Alors que d’un côté les médias et l’opinion publique parlent de mettre en avant ces métiers de l’humain, de l’échange, du relationnel, nos tutelles extirpent de ce métier tout ce qui en fait son charme et son ADN : s’adapter aux gens, à leur état de santé, passer un peu plus de temps que prévu parce qu’une personne est en difficulté ou au contraire s’autoriser à partir plus rapidement car la personne souffrant de la maladie d’Alzheimer refuse de nous recevoir ; autant de situations qui vont rendre les salariés frustrés, les bénéficiaires agacés. Mais de quoi l’État a-t-il peur ? A quand une grande réforme sur la qualité de vie au travail et le sens qu’on veut bien lui donner ?

Axelle Bijou, gérante service à domicile

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