Contexte et taux de sinistralité
Les rapports de toutes sortes se multiplient, études, enquêtes, concertation grand âge, livre blanc du travail social... Le dernier, rendu en fin d’année 2023, fait notamment mention des 29 rapports et 246 recommandations sur lesquels il s’appuie, réalisés à la demande ou sous l’égide du Gouvernement depuis 2015. La situation des métiers de la cohésion sociale et plus spécifiquement celle du travail social inquiète et cela à de nombreux égards. Les métiers de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile ne font pas exception.
Les mutations profondes du secteur depuis une quinzaine d’années ont eu un impact direct sur la qualité de vie et les conditions de travail des professionnels : des pathologies plus lourdes à prendre en charge entrainant une pénibilité physique plus importante pour les salariés, moins de temps consacré à chaque bénéficiaire, des attentes croissantes des usagers et de leurs familles, une absence de reconnaissance sociétale et financière... Ce contexte a conduit à une augmentation de l’absentéisme et du taux de sinistralité, un mal-être au travail et une perte de sens. Déjà en 2018, les chiffres annoncés par la CNAM en termes d’accidents du travail et de maladies professionnelles étaient trois fois supérieurs à la moyenne nationale sur le secteur de l’aide à domicile. Ce même type d’écart se retrouvait sur le taux d’absentéisme.
Prévention des risques et qualité de vie des travailleurs
Les structures du réseau ADMR n’ont pas attendu la dégradation des ces constats pour tenter d’y trouver des solutions. Toutefois, un contexte comprenant plusieurs mutations simultanées sur un temps relativement court ne saurait trouver une seule et unique réponse prenant en compte les différents enjeux. C’est la raison pour laquelle il convient d’expérimenter différents champs afin de trouver les solutions les plus adaptées au contexte de chaque structure sur son territoire. C’est l’option retenue.
Les champs de la prévention des risques professionnels (PRP) puis de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) ont été investis de différentes façons donnant les premiers résultats encourageants. Depuis 2008, sous l’impulsion de l’Union nationale, les fédérations ADMR ont été accompagnées afin d’apporter des réponses spécifiques et adaptées selon leurs problématiques : mise en œuvre de démarche de prévention, sensibilisation de l’ensemble des acteurs à ces problématiques, achat de matériel pour faciliter le quotidien des intervenants à domicile, formation « gestes et postures » visant la prévention des troubles musculosquelettiques, mise en place d’une plateforme d’écoute psychologiques 24h/24, 7 jours/7... Des actions qui ont eu des retombées positives.
L’organisation autour d’équipes solidaires
Des actions relatives à l’organisation du travail ont également été investies permettant de tester différentes options jusqu’à la mise en œuvre depuis quatre ans des équipes solidaires de proximité. Appelées équipes autonomes dans d’autres structures ou entreprises, l’ADMR a développé son propre modèle afin de définir une organisation plus autonome des équipes tout en respectant l’ADN et l’histoire de son réseau. Il s’agit de donner une relative autonomie aux équipes quant à leur organisation. Cela permet plus de temps de concertation, de partage et d’échange afin d’une part d’organiser les plannings et d’autres part d’échanger sur l’accompagnement des personnes accompagnées. Ce choix implique les salariés en misant sur l’esprit de solidarité et l’intelligence collective pour aboutir à des plannings équilibrés et favorables à une réelle qualité de vie au travail. Au-delà des plannings, les équipes solidaires de proximité permettent de recentrer chaque métier sur son cœur de compétences et d’améliorer la qualité de service en s’appuyant sur l’expertise des personnels de terrain.
Les résultats nous encouragent déjà à poursuivre leur mise en place lorsque le contexte de la structure le permet. La qualité de vie au travail s’en trouve améliorée. L’investissement de chaque membre de l’équipe dans la réalisation des plannings renforce la solidarité entre collègues. Une absence imprévue n’est plus considérée comme le problème de l’association uniquement mais devient en sujet de préoccupation commun à toute l’équipe qui doit trouver une solution. Cet esprit de solidarité plus fort participe à réduire l’absentéisme. Il a été observé une diminution d’environ 5 points en moyenne du taux d’absentéisme sur les associations testant cette organisation.
Elle renforce l’attractivité de nos métiers et répond aux attentes des nouveaux embauchés qui recherchent plus d’autonomie dans leur travail. Les temps d’échange contribuent également à l’intégration des nouveaux embauchés.
Formation indispensable et reconnaissance à conquérir
De même que la prévention ou l’organisation du travail, la formation a également son rôle à jouer et c’est la raison pour laquelle la Branche de l’aide à domicile a une politique de formation ambitieuse grâce à une cotisation formation deux fois supérieures à celle imposée par la loi. En effet, en plus de permettre la montée en compétences des salariés ou le maintien dans l’emploi, elle renforce leur intégration et fidélisation. Afin de s’adapter aux contraintes des structures, les modalités pédagogiques évoluent permettant aux salariés, malgré les pénuries de personnels, d’être formés et accompagnés. L’AFEST (action de formation en situation de travail) ou la FAD (formation à distance) permettent d’envisager la formation différemment.
Toutes ces mesures conduites sont indispensables. Néanmoins, la situation des métiers du domicile mérite d’être appréhendée dans son ensemble et le manque de reconnaissance financière et sociétale ne doit pas être négligé dans cette évaluation. La Branche de l’aide, de l’accompagnement des soins et des services à domicile dont fait partie le réseau ADMR, a signé en 2020 l’avenant 43 à la Convention collective, entré en application en octobre 2021. Cet avenant qui revoit entièrement le système de classification et de rémunération de la Branche en valorisant les compétences des salariés et plus uniquement leurs diplômes, a permis une augmentation des salaires de 15 % en moyenne.
L’ensemble des actions visant à faire progresser l’attractivité des métiers, faciliter le recrutement, l’intégration et la fidélisation conduit à un gain des conditions de travail des salariés, une meilleure reconnaissance de leur travail et donc une baisse de l’absentéisme. In fine, la prise en charge des personnes vulnérables que nous accompagnons s’en trouve également améliorée.
L’ensemble du réseau s’engage à poursuivre ses actions et à en mettre de nouvelles en place afin d’une part d’apporter toute la considération que méritent les professionnels d’intervention et d’autre part toujours dans l’objectif d’améliorer le quotidien des personnes que nous accompagnons. Si tout ne repose pas uniquement sur les structures, l’ADMR prend ses responsabilités.
Laure Servat, Responsable formation et développement RH à l’Union nationale ADMR