Un geste, une douleur et un diagnostic
C’était un matin de janvier 2014, j’intervenais chez Mr N. C’était pour l’entretien de son cadre de vie. Avec lui, nous discutions beaucoup sur l’histoire, autour d’un petit café et de croissants. Ce matin-là, en faisant son lit en essayant de mettre un drap housse sur un matelas ancien (haut et lourd) mon poignet droit a craqué.
Dès cet instant, j’ai eu la sensation qu’il n’était plus lié à mon bras. J’ai immédiatement demandé si je pouvais appeler mon employeur ; à cette époque-là, nous n’avions pas encore de téléphone portable sur nous. Celui-ci m’a envoyé les papiers de déclaration d’accident du travail pour que je puisse passer une radio. La communication s’est faite à la mairie du village, par fax. On faisait avec les moyens du bord pour aller à l’essentiel. Je n’ai jamais eu autant de difficultés pour conduire. L’angoisse était bien présente.
Lors de la radio, rien n’est apparu. Puis lorsque le médecin a procédé à l’examen clinique, il n’a décelé qu’un léger « problème », selon ses propres termes. Il m’a toutefois prescrit une ordonnance pour passer un arthroscanner. Nous avons une clinique SOS main dans la région, je m’y suis donc rendue. Et heureusement. C’est ainsi que le diagnostic a été posé : rupture du plan capsulo-ligamentaire. Concrètement, il fallait laisser faire le temps avec une attelle jusqu’au coude pendant au minimum neuf mois.
Ce fut une période extrêmement compliquée, étant droitière, seule avec ma fille adolescente.
Une période compliquée physiquement, mais pas seulement. Les problèmes financiers se sont également greffés. Et ce, malgré la reconnaissance de mon accident du travail. Et pour cause, je n’étais pas affiliée à la CPAM (Caisse primaire d’assurance maladie) mais à la MSA (Sécurité sociale agricole) dont dépendait l’association qui m’employait. Deux mondes différents pour un même assuré social. Il m’a fallu réclamer mes indemnités tous les 15 jours. La lenteur administrative a entrainé des retards de paiement et évidemment une situation financière qui se précarise.
Quand l’arrêt maladie dure et quand l’inaptitude est prononcée
Au bout de neuf mois, je suis retournée voir le chirurgien qui pensait que ma blessure était réparée. Malheureusement, ce n’était pas le cas. Etant depuis toujours hyper l’axe (très souple), ma guérison était de fait retardée.
J’ai donc décidé de changer de chirurgien et le nouveau spécialiste m’a expliqué que je ne pourrais jamais récupérer mon poignet comme avant. Qu’il aurait fallu immobiliser plus et immédiatement après la blessure. Ces mots sont tombés comme un couperet sachant que, pour travailler, j’avais besoin de mon poignet opérationnel. Il a donc fallu rééduquer pendant trois ans. Trois longues années au cours desquelles j’ai beaucoup souffert et j’ai dû me rapprocher d’un expert pour qu’il mette un nom et une reconnaissance sur ce que j’avais.
J’ai été déclarée inapte à mon poste et j’ai été licenciée. Un taux d’inaptitude de 7 % a été prononcé par la MSA. À la CPAM, j’aurais bénéficié de 10 % et d’une rente à vie. J’ai ensuite repris mes études dans l’aéronautisme et je n’imaginais pas revenir dans le soin. Aujourd’hui, dix ans après, j’ai pu reprendre un poste qui me passionne. Je suis devenue auxiliaire de vie spécialisée dans le handicap. Une vocation née grâce à cet accident du travail qui a changé ma vie.
Je dors parfois avec mon attelle. À l’âge de 59 ans, comme m’a dit mon chirurgien, il faudrait faire un procès à mes parents pour mon hyperlaxité qui peut devenir un handicap. La rééducation ne s’arrêtera jamais et durera tout le reste de ma vie. Je me rappelle encore de ce moment où mon poignet a craqué et où tout s’est écroulé... avant de rebondir.
Sandrine Bonnot, auxiliaire de vie