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Les usagers attendent « la femme de ménage » et non l’assistante de vie

« La reconnaissance de ce métier passe par la valorisation en mettant en avant le rôle des intervenantes dans la préservation des relations sociales, sur la veille et le soutien de l’autonomie au domicile des usagers », expliquent Delphine Jégou, cogérante service à domicile, Cécile Bouveret, référente prévention, Roxanne Breton et Lisa Leclercq, assistantes polyvalentes de secteur, SAD Majordome Services, agence de Salon de Provence.

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[ABSENTEISME 19/21] Un métier sous-estimé et une formation qui diffère de la demande réelle de terrain : voilà pour le constat. Le principal problème vient du contenu du travail de nos intervenants à domicile. Ce contenu est souvent réduit à des tâches ménagères malgré les plans d’aide des assistantes sociales.

Une souffrance pour tous

La variabilité de l’activité due aux absences ou à l’aggravation de la dépendance des usagers donne à la rémunération une forme de précarité. Il n’y a pas de préavis en cas d’hospitalisation ou de décès. C’est une source de stress pour l’équipe. Du côté des arrêts de travail, les raisons peuvent être liées aux usagers, à leurs aidants et aux conditions de travail des interventions. N’oublions pas la réalité de leurs métiers. Travailler au quotidien auprès de personnes dépendantes et fragiles fatigue et implique des souffrances psychologiques et physiques : chutes, décès, difficultés à faire les transferts, peur de ne pas aider comme il faudrait, personnes âgées qui refusent de s’alimenter, qui peuvent être violentes, qui souffrent de pathologies psychiatriques ou motrices vieillissantes impliquant un temps d’accompagnement spécifique... Toutes ces situations difficiles sont vécues par des professionnelles qui font face jusqu’au bout, jusqu’à la mort ou jusqu’au transfert vers une institution.

Dans ce contexte, comment gérer un service à domicile ? Comment avoir une crédibilité managériale quand elle est bousculée par des imprévus nombreux et réguliers ? Le rôle des responsables de secteur et des assistants de secteur est ainsi au cœur de la gestion des absences et des difficultés de recrutement, mais aussi au centre de tous les mécontentements.

Derrière les arrêts maladie, c’est une réorganisation de dernière minute qu’il faut établir, ce qui n’est pas toujours possible avec une incidence sur la qualité de service et l’image de l’entreprise.

  • Pour les usagers : un changement d’intervenant brusque malmène le lien de confiance instauré progressivement. Certains refusent le changement ou l’expriment avec des troubles dits comportementaux.
  • Pour les familles : l’insécurité liée à l’incertitude de la réalisation de l’intervention, une inquiétude pour la santé de son proche ; un remaniement de planning voire une prise de congé inopiné.
  • Pour les intervenantes : des changements de planning pouvant les désorganiser, un temps de remplacement pouvant être difficile sur le plan relationnel quand les usagers et les familles sont déstabilisés ou encore la nécessité de rester réactive et disponible sans que les plages horaires ne soient couvertes par des heures travaillées.

Quelles solutions sur le terrain ?

Notre solution passe d’abord par la création d’un poste d’assistante polyvalente de secteur. Il s’agit d’un métier à l’interface entre le travail de gestion et les missions des intervenantes. Concrètement, l’idée est d’être à la fois sur des tâches administratives, notamment de gestion des plannings, mais aussi sur des remplacements prioritaires pour pallier les absences quand aucune autre solution n’est trouvée.

L’autre priorité est de communiquer sur l’activité « ménage » comme étant un levier dans la mise en place d’une relation d’aide à domicile. Cette tâche permet aux usagers d’accepter de l’aide et d’ouvrir leur porte à une multitude d’autres services dont ils ne voudraient pas entendre parler la plupart du temps. C’est donc par l’activité de ménage, qui est en réalité une forme de médiation, qu’un lien vers l’extérieur va se former permettant aussi de maintenir une certaine autonomie lorsque ce temps est partagé avec l’usager.

Ainsi, l’intervenante voit les changements qui s’opèrent, la qualité des interactions sociales, les besoins autres que peut avoir l’usager sur le plan moteur, alimentaire, psychologique voire sur l’ergonomie du logement. Elle a ce regard que d’autres métiers ne permettent pas ; le regard de veille. C’est la valeur ajoutée de l’intervenante qui va pouvoir faire remonter des informations notamment à la référente prévention. Ces échanges vont donner suite à une évaluation plus spécifique des besoins et permettre de compléter l’offre d’accompagnement de l’usager afin que le maintien à domicile perdure dans de bonnes conditions tant pour la personne accompagnée et sa famille que pour nos professionnelles.

Reconnaissance et écoute

La reconnaissance de ce métier passe par la valorisation en mettant en avant le rôle des intervenantes dans la préservation des relations sociales, sur la veille et le soutien de l’autonomie au domicile des usagers. L’enjeu est d’enrichir le contenu de leur travail en valorisant leurs compétences. L’objectif est dès lors de diminuer l’écart entre le référentiel de la formation et les actions de terrain afin de gagner en bien-être au travail pour que nos professionnelles soient fidélisées et que des nouvelles recrues aient envie de travailler avec nous.

La création d’espaces d’expression individuels et collectifs permet également de limiter la charge mentale de leurs interventions. Il faut leur laisser la possibilité de s’exprimer et de partager les difficultés rencontrées dans le cadre de leurs activités pour prévenir les risques professionnels. Reste à prendre en compte les informations partagées et apporter des actions correctives. Si nous ne le faisons pas, le risque sera à court terme l’arrêt de travail puis la démission.

Notre action préventive doit également passer par le soutien de l’autonomie des usagers pour faciliter l’intervention à domicile et la variabilité de l’activité en fonction des besoins du bénéficiaire (en diminution en cas d’hospitalisation et en augmentation en cas d’aggravation de la dépendance ou d’absence d’autres intervenantes).

Avec le soutien de la CNSA dans le cadre de la conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie du bel âge des Bouches-du-Rhône, nous nous appuyons sur le poste de référente prévention. Elle est à l’écoute des remontées d’informations concernant les usagers. Elle peut proposer la mise en place d’interventions d’autres professionnels pour soutenir l’autonomie des usagers et prévenir le risque d’épuisement de leurs proches aidants tels que celles d’ergothérapeute, de diététicienne, de psychologue.

Notre méthode n’est pas une recette miracle, elle est simplement le fruit de notre expérience, de notre regard, de notre recul. Les équipes de direction ont un rôle majeur à jouer pour que les professionnels de terrain soient le mieux encadrés, mais ce n’est pas tout. L’enjeu de la reconnaissance de leurs métiers, de leurs missions sera indispensable à l’avenir si nous voulons que la situation change et que notre secteur gagne en attractivité.

Delphine Jégou, cogérante service à domicile, Cécile Bouveret, référente prévention, Roxanne Breton et Lisa Leclercq, assistantes polyvalentes de secteur, SAD Majordome Services, agence de Salon de Provence.

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