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L'employeur responsable mais pas maître de tout

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« Nous ne sommes pas maîtres de tout, mais nous pouvons tenter d’améliorer des choses », confie Rodolphe Leliard, directeur Autonomie Douce Heure.

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[ABSENTEISME 11/21] Hausse du salaire, instauration d’équipes du matin et de l’après-midi, création de binômes... Les initiatives sont nombreuses pour tenter de limiter les arrêts maladie. Avec des résultats parfois encourageants et parfois décevants. Une chose est certaine, la solution « miracle » n’existe pas.

 

Entre pénibilité et problèmes personnels

Dès sa création, en 2011, la structure a très bien fonctionné et on a largement dépassé nos objectifs annuels. Au bout de cinq ans, nous avions déjà une centaine de salariés. Depuis le début, c’est le bouche-à-oreille qui nous a permis de suivre une telle croissance. A cette époque, c’était d’ailleurs plus simple de recruter des salariés et plus difficile, en tout cas plus long, de décrocher des contrats auprès des clients. Ce n’est évidemment plus le cas aujourd’hui. Et pour cause, notre budget communication, qui était consacré à une meilleure connaissance de notre entreprise de service à domicile sur le territoire, a totalement disparu. L’investissement est désormais consacré et dédié aux recrutements de nos futurs salariés.

Depuis la création de l’entreprise, nous avons toujours été confrontés à des arrêts de travail. C’est le reflet de la pénibilité des différents métiers : auxiliaires de vie et aide-ménagères. Mais pour être honnête, les arrêts de complaisance sont minoritaires. La personne se met en arrêt de travail car elle est fatiguée. Épuisée même. Par exemple, les aide-ménagères ont un travail répétitif avec toujours les mêmes gestes. Il y a donc une fatigue qui s’installe et dans le même temps une exigence des clients qui est de plus en plus importante. Initialement, nos interventions devaient s’inscrire dans un ménage dit « courant », mais aujourd’hui nous sommes confrontés à des demandes insensées. Du côté des auxiliaires de vie, les situations sont de plus en plus complexes à gérer. Elles ont une fatigue psychologique : elles doivent arriver à l’heure, être souriantes, tout en étant au contact de personnes malades ou vulnérables qui peuvent être de mauvaise humeur. Elles interviennent seules et enchaînent les prestations. L’autre réalité, c’est l’émergence de problèmes personnels pour des personnes qui gagnent peu, rencontrent des difficultés financières, peinent à remplir leur caddie. Elles se noient.

L’autre constat que je peux dresser d’une manière générale, c’est que les arrêts maladie ne sont pas les mêmes selon les âges : les jeunes vont s’arrêter plus souvent mais pas longtemps, en revanche les salariés les plus anciens s’arrêtent moins, mais plus longtemps, avec des problèmes de santé liés à l’épuisement, à la répétition des gestes. Toutefois, on peut s’interroger sur le choix de certains de travailler dans notre secteur, car l’absence a une incidence quand on accompagne des publics vulnérables, des personnes qui ont besoin de nous. Les absences ont aussi un coût sur le service planning mobilisé, sur les usagers qui ne sont pas satisfaits d’avoir des remplaçants (quand c’est possible). Il faut savoir que chaque changement génère tout un flot de problèmes qu’il faut traiter. Notre effectif compte 80 salariés et en 2023, 3.480 jours d’arrêt de travail. C’est un chiffre impressionnant à prendre en considération.

Une série d’actions pour tenter d’inverser la tendance

Face à cette situation, nous avons décidé d’agir en augmentant les salaires de nos salariés, en même temps que les associations, et en pensant constater rapidement une amélioration de la situation. Ça n’a pas été le cas. Le salaire n’est pas le seul outil qui permet de lutter contre l’absentéisme. Nous nous sommes également penchés sur l’organisation en créant des tournées matin et soir pour améliorer les conditions de travail. Ainsi, quand une salariée travaille le matin, à 17h00, sa journée est terminée.

Nous l’avons mise en place progressivement en 2018-2019. Et contre toute attente, nous n’avons jamais eu autant d’arrêts de travail lors du lancement de cette nouvelle organisation. Pourquoi ? En raison des inquiétudes, la peur du changement sachant qu’on était plutôt pionniers à cette époque-là. Nous avions pourtant anticipé et informé les salariés en lançant un sondage. Tous nous disaient : « C’est bien sur le papier, mais vous ne changez pas mon emploi du temps ! » Finalement, ils avaient organisé leur vie autour de leurs horaires décalés. Il a donc fallu que les premières équipes le testent pour que tous souhaitent essayer et y adhèrent.

En octobre 2023, ce système a encore évolué avec l’instauration des pairs de salariés. Ce n'est plus n’importe qui, qui va remplacer un absent, mais c’est celui avec qui il travaille au quotidien, dans son équipe. Et là, tel un miracle, les arrêts maladie sont passés de 120 à 20 jours cumulés entre décembre 2022 et 2023. Avec le recul, je regrette que, malgré toutes les initiatives portées par l’entreprise, la seule qui ait fonctionné soit l’instauration des pairs, c’est-à-dire le moyen coercitif. J’aurais préféré que ce soit le bon sens des salariés qui prime. Si ce système des binômes a contribué à faire chuter drastiquement les arrêts maladie, il a en revanche des limites en cas d’arrêts maladie des deux personnes composant le binôme. Ce système demande au service planning d’être particulièrement vigilant.

Innover et miser sur la qualité de l’accueil

Après avoir étudié les chiffres d’arrêts maladie et de turn-over, nous nous sommes rapidement rendu compte que nous avions de nombreuses démissions sur la première année et notamment les six premiers mois. Nous avons donc misé sur un système de parrain-marraine. Quand nous recrutons un nouveau salarié, il connaît les dates tous les mois de son rendez-vous avec son parrain-marraine (qui est un salarié, un homologue). Tous deux se retrouvent pour boire un café, ils sont évidemment payés ; c’est sur leur temps de réunion. Ils échangent avec une trame prévue et mise à disposition du parrain-marraine. Ce système fonctionne bien avec une baisse des départs et des arrêts de travail. Car il faut être conscient que les arrêts de travail peuvent être symptomatiques du mal-être du nouveau salarié. Quand vous avez des arrêts de travail courts qui se succèdent, vous savez que le salarié va partir.

Le métier est pénible, on ne peut pas le changer. En revanche, l’employeur est toujours responsable. Si des comportements se répètent, sans réponse... c’est qu’il a manqué quelque chose. Nous ne sommes pas maîtres de tout, mais nous pouvons tenter d’améliorer des choses. Pendant le Covid, notre entreprise a eu beaucoup moins d’arrêts de travail (sauf infection Covid) pour la simple et bonne raison que nos salariés avaient une mission. Ils intervenaient quand des familles ne pouvaient plus venir. Il y a eu une valorisation des métiers, de leur présence. Ce constat devrait nous faire réfléchir collectivement. Ça signifie aussi que ces arrêts de travail, nombreux, sont aussi la conséquence d’un manque de valorisation, de considération. La dimension humaine n’est clairement pas assez prise en compte.

Rodophe Leliard, directeur Autonomie Douce Heure

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