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« Laissons faire celles qui savent »

[REPERAGE DES VULNERABILITES A DOMICILE 19/19] A l’heure où les services à domicile sont dans le rouge, la récente loi d’avril 2024 pour favoriser le bien vieillir vise à renforcer le pilotage de la prévention de l’accompagnement à domicile. Réaffirmé comme prioritaire, le repérage précoce est un des piliers de la prévention. Mais qui pour piloter cette politique préventive sur le terrain ? La question se pose forcément à une période où selon la Fédésap, 25.000 aides à domicile manquent à l’appel. Vivre et mourir à domicile, oui, mais dans quelles conditions ?

Donner l’alerte à temps

Qui pour constater une baisse d’appétit ? Qui pour se rendre compte de ces déplacements plus chancelants ? Qui pour percevoir qu’une légère confusion s’installe ? Autant d’indices pourtant indispensables qui vont conduire à une prise de conscience. Et, par extension, à une alerte qu’il faudra donner le plus rapidement possible pour éviter que la perte d’autonomie s’installe trop brutalement et qu’elle conduise inévitablement à l’entrée en institution. Voilà pour l’enjeu en France, où l’écrasante majorité des personnes souhaite rester à domicile le plus longtemps possible. Si la loi souhaite que se développe un modèle participatif qui implique les bénéficiaires, qui peut croire que ce sont eux, les premiers concernés qui appelleront au secours ?

Du côté des professionnels de santé, les déserts médicaux et la disparition progressive des médecins de famille laissent présager que la réponse ne viendra pas non plus de ce côté-là. Les aidants, en première ligne, sont ceux qui initient les premières demandes de plans d’aide. Et après ? Selon Annie Dussuet, sociologue, « au dire même des professionnelles, le ménage est finalement plutôt un prétexte, un outil pour démarrer une mission, il constitue une porte d’entrée du domicile ». L’occasion pour elles de prendre contact, d’observer de loin puis de près, d’apprendre à connaître la personne accompagnée, de comprendre ses habitudes de vie... La régularité de cette présence sur le long terme constitue une chance pour la politique préventive. Malheureusement, cette mine d’informations si précieuses reste aujourd’hui encore sous exploitée. Pour ne pas dire totalement négligée ou encore méprisée par les autres professionnels, mais aussi par le grand public qui ne voit en elles que des femmes de ménage.

Responsabilité partagée pour contrer le désengagement

Pour que les aides à domicile prennent conscience de l’importance de leur rôle, du poids de leur regard, l’organisation pyramidale n’est plus de mise. Elle ne mène qu’à un « désengagement », à en croire certains responsables de services à domicile, qui ont opté pour les équipes autonomes intensifiant la responsabilisation les professionnelles. « Laissons faire celles qui savent. » C’est le mode de fonctionnement retenu par ces pionniers qui militent pour une meilleure reconnaissance des compétences, des savoir-être et savoir-faire des aides à domicile. Reste à ne pas les laisser seules sur le terrain, elles qui sont confrontées à une multitude de situations complexes.

Pour justement éviter qu’un fossé ne se creuse entre vouloir et pouvoir rester à domicile, l’ADMR a misé sur une innovation sociale autour de l’expérimentation du dispositif interne de coordination de parcours Autono’Vie qui s’appuie sur un acteur essentiel : le coordinateur de parcours. C’est d’ailleurs lui qui est mobilisé auprès de tous les acteurs du domicile, initiant un travail partenarial et pluriprofessionnel. Un outil de repérage s’est développé en parallèle avec une application mobile qui facilite les responsabilités partagées. D’autres services à domicile innovent différemment, avec, toujours, ce souci de favoriser la prévention. Certains optent pour un parcours d’intégration pour valoriser les métiers et leur rôle dans l’observation, quand d’autres préfèrent des équipes dédiées avec des référents santé, nutrition, des animations de sport adapté, et mettent à disposition des outils d’évaluation via les smartphones.

La question centrale du financement jamais arbitré

Des initiatives diverses qui sont confrontées à une problématique commune : le manque de moyens. La difficulté n’est pas de trouver des dotations quand une expérimentation se lance mais de penser à l’après, à la pérennisation. Et là, tout se complique. L’autre difficulté est que ces initiatives sont souvent portées par des professionnels surinvestis qui se fatiguent.

Que dire de toutes ces interventions non financées, ni mêmes valorisées et pourtant indispensables pour lutter contre la fragilité des publics ? Si personne ne remet en doute le rôle que devrait jouer les aides à domicile pour soutenir une meilleure prévention, reste à leur donner la possibilité de partager et relayer leurs connaissances. Les temps d’échanges et de transmissions devraient être soutenus. Ce n’est pas toujours le cas à domicile.

Dans ce contexte, les différents textes législatifs récents avaient compté sur le rapprochement entre soin et accompagnement (entre SSIAD et SAD). Une convergence remise en cause et aujourd’hui repoussée compte tenu de la frilosité et la difficulté à passer le pas. Sans compter les difficultés structurelles qui pourraient faire baisser les bras des plus optimistes.

Avoir de l’ambition, oui, mais sans moyen…l’équation semble impossible. Alors quel accompagnement pour demain ? Le secteur milite pour que la technologie ne remplace pas l’humain, que la prévention soit le premier acte du prendre soin... et certains se prennent à rêver : « Il est encore possible de passer d’un secteur délaissé et moribond à attractif et envié. »

Alexandra Marquet, journaliste, chef de rubrique

Domicile

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