Quand celle qui tient la barre doit s’absenter
Imaginez un instant, vous êtes responsable d’une plateforme de répit pour les aidants, un service très réactif, qui cherche et offre un répit bien nécessaire à ceux qui prennent soin de leurs proches. Vous êtes seul à la barre, jonglant avec les responsabilités, les défis et les besoins toujours croissants. Vous mettez en place une vingtaine de prestataires et prestations sur le territoire. Mais un jour, votre fils de six ans se lève avec 39° de fièvre. Vous faites quoi ? Cette situation peut sembler insurmontable, mais pour de nombreux professionnels dans des territoires où la pénurie de personnel est criante, c’est une réalité quotidienne difficile à ignorer. Si je ne peux pas me rendre au travail qui va ouvrir les salles ? Qui va gérer le planning ? Avec le temps, tous les prestataires et prestations sont autonomes et s’organisent d’elles-mêmes mais il y a toujours des urgences à gérer.
Dans le cas de la plateforme de répit que je coordonne, la solitude dans la gestion est bien présente : il faut organiser les activités, coordonner les plannings des intervenants, communiquer avec les aidants, gérer les aspects administratifs et assurer le bon fonctionnement de chaque aspect du service. Chaque jour, vous êtes confronté à des défis complexes et à des demandes pressantes.
La situation est d’autant plus difficile à supporter lorsque l’on réalise que ce poste est, à l’origine, conçu pour être occupé par une équipe de plusieurs professionnels. Et pour cause, la plateforme que je dirige peut embaucher trois personnes (une psychologue, une secrétaire et une assistante de soins en gérontologie) mais le manque de recrutement, plus particulièrement sur des postes de soignants et/ou de psychologue fait qu’aujourd’hui les postes sont tous vacants. Je travaille donc seule et non en équipe.
Des solutions à mettre en place pour se sentir soutenu
Il est crucial que les décideurs politiques, les autorités sanitaires et la société dans son ensemble reconnaissent et abordent cette réalité avec sérieux. Des mesures doivent être prises pour soutenir les professionnels et les gestionnaires de services. Il faut revoir les salaires et les formations. Pour mettre fin à notre solitude sur le terrain, des solutions existent :
- Réseaux de soutien professionnel. Ayant la chance de faire partie d’un groupement, je peux demander du soutien et des aides ponctuelles à mes collègues : psychologue, ergothérapeute... Mais si vous êtes isolé, vous pouvez créer des réseaux locaux ou virtuels où les gestionnaires peuvent échanger des idées et se soutenir mutuellement. Chat en ligne, groupe de parole, analyse de cas...
- Partenariats et/ou collaboration. Travailler en partenariat avec d’autres organisations pour partager les responsabilités et les ressources. Il vous faut chercher les réunions et/ou groupe de travail sur votre secteur. Le département et souvent une bonne ressource pour vous mettre en relation les éventuels partenaires.
- Utilisation des technologies et réseaux sociaux. Recourir aux technologies de communication pour maintenir le contact avec les usagers, partenaires et les bénévoles. Plus votre communication est efficace et plus vous pouvez vous appuyer sur les réseaux.
- La formation. Il faut continuer à se former pour renforcer nos compétences en gestion et en résolution de problèmes.
- S’appuyer sur des bénévoles. L’engagement des bénévoles offre une bouffée d’air frais aux gestionnaires car ils réduisent l’isolement et la charge de travail tout en renforçant nos capacités à offrir un soutien de qualité. Leur intégration efficace permet d’apporter une aide précieuse. Attention toutefois à bien les protéger avec des conventions et des contrats d’assurance.
La solitude dans la gestion est souvent subie. Nous devons garder à l’esprit que personne n’est irremplaçable et que si nous devons nous arrêter, mieux vaut prendre (un peu) de temps pour nous-même plutôt que de foncer vers un burn-out. Entourons-nous de partenaires et de prestataires de qualité et ne nous mettons pas trop de pression.
Marie Etienne, pilote plateforme d’accompagnement et de répit