La notion de prévention
La prévention décrit l’ensemble des interventions, des attitudes et des comportements qui tendent à éviter la survenue d’une maladie ou d’un traumatisme, à maintenir ou améliorer la santé, ainsi qu’à retarder la perte d’autonomie. Elle sera, soit de protection : « une prévention de... » ou « contre... », soit positive : l’idée de la promotion de la santé d’une façon universelle. Il s’agit donc d’actes visant à diminuer l’incidence d’une maladie et à réduire les risques d’apparition de nouveau cas ; la prise en compte de conduites individuelles à risque. À titre d’exemples :
- mise en place de méthodes pouvant modifier les conduites dangereuses ;
- dépistage de certaines maladies chroniques ou non ;
- évitement de complication par une surveillance médicale.
Par l’observation quotidienne pratiquée par les professionnels ainsi que les aidants, cette prévention sera réaliste. Ce procédé « d’investigation » consiste dans l’examen attentif d’un fait, afin de mieux l’apprécier ou le comprendre. C’est un regard pour remarquer celui-ci ou avoir une image claire et précise de la situation : les attitudes, les agissements, les expressions faciales, les paroles, les silences, etc. Ensuite, les sources d’information sont récupérées pour passer à l’action (sans jugement, avec concentration, attention, subjectivité) en quatre étapes :
- La perception des renseignements acquis : l’observation ;
- La compréhension de ce qui se passe (nature, d’où vient-elle ?) : le diagnostic ;
- La prise de décision (le but à atteindre et les conséquences à éviter) : le pronostic ;
- L’application de l’action adéquate aux circonstances rencontrées : la réalisation.
Mais, les conséquences d’un traitement ou d’une méthodologie pouvant ne pas être totalement bénéfiques, car elles peuvent s’accompagner d’effets indésirables, la prise de décision doit mettre en balance celles-ci : est-ce que le potentiel danger lié auxdits effets est acceptable ? Le soignant se pose alors ces deux simples questions : quel en sera le bénéfice ? Y a-t-il un risque ?
Les gestes et réflexes clés
Afin que cette prévention soit la plus efficace possible, la place du soignant au domicile étant primordiale, il est bon que celui-ci maîtrise correctement ses savoirs, ses savoir-faire, ses savoir-être.
- Le premier concerne la prévention de base. Par voie de conséquence, ne pas envoyer, par exemple, un aide à domicile seulement formé à l’entretien chez une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer.
- Le deuxième est d’expliquer ce qu’est l’accompagnement, dans le sens du soin « to care », car au-delà de la prestation ou de la mission à accomplir, le professionnel ne peut pas vivre à la place de l’autre, il peut quelque chose par sa présence et son écoute ; il accepte l’inachevé, l’imperfection de ses attentes sans le vivre comme un échec personnel ; il donne du temps au temps en étant patient et disponible. Il parcourt un chemin avec la personne accompagnée vers la prévention, sans la précéder, sans lui imposer une route, sans lui indiquer un itinéraire, en marchant tout simplement à ses côtés et en lui laissant choisir son chemin et le rythme de son pas. Il est le passeur vers cette prévention.
- Le troisième est, face à la personne, la pédagogie. Le professionnel explique ce qu’il fait, demande l’avis de l’autre, montre en étant toujours à côté et non en face. Auparavant, il a pris note de son Histoire de vie, de la maladie et de ses symptômes, du GIR (niveau de perte d’autonomie d’une personne âgée). Ainsi, il évite de lui faire faire ce qu’elle ne peut plus faire ou de lui demander ce qu’elle a oublié. Par là même, il met celle-ci à l’aise et en sûreté.
- Le quatrième, la relation avec l’aidant, est de lui faire partager cette notion de prévention. Sa propre situation d’aidant est prise en compte, puisqu’elle peut empêcher cette transmission : un mal-être ambiant peut être là (le vieillissement, la maladie, le handicap ne sont pas ou peu connus) ; il n’est pas prêt à accepter tous les changements probables au sein de la maison ; il n’est pas formé ou est dans le déni ou culpabilise ; son projet de vie n’est pas encore modifié alors que cette conjecture durera sûrement longtemps, tout en l’épuisant physiquement et moralement ; des réponses à de nombreuses questions sont attendues : comment faire ? Comment vivre ? Comment organiser la cellule familiale ou conjugale ? Comment garder un lien social ? À quelles aides ai-je droit ? Suis-je le sacrifié (choix personnel, lien fort, besoin de...) ou le désigné (mon métier, ma disponibilité, ma proximité) ?
- Le cinquième est l’adaptation du lieu de vie. Dès le contact liminaire, le professionnel s’attarde sur tous les points potentiellement menaçants ou non adaptés à la condition médicale du moment. Les principaux étant : les dénivelés, les escaliers, les fils, la largeur des passages, les meubles, les tapis, etc. Il continue cette sorte de contrôle par une visite dans la salle de bains (présence de barres d’appui, siège dans la douche, rangement des médicaments, etc.), et il prolonge celle-ci par la cuisine et tous les ustensiles nocifs. Avec le temps et s’appuyant sur la relation de confiance crée avec l’aidant, il amènera celui-ci à une réalité : la limite du vivre à domicile ; parce que le coût financier est important malgré les aides ; parce que le logement n’est plus approprié à la dépendance ; parce que l’accompagnant ne peut plus vivre dans ces conditions ; parce que tous ces passages de soignants lui donnent l’impression d’une intrusion ou sont en décalage avec ses valeurs ; parce que les diverses démarches administratives et médicales deviennent complexes ; parce que le temps passé auprès de la personne accompagnée prend trop et trop de temps et obère le sien ; parce que...
C’est pourquoi, le soignant lira ces trois phrases :
- « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir mais le rendre possible », d’Antoine de Saint-Exupéry.
- « Ce à quoi l’on résiste persiste. Ce que l’on accepte se dissipe », de Carl Gustav Jung.
- « Alors que dans la journée le vol des oiseaux paraît toujours sans but, le soir ils semblent toujours retrouver une destination. Ils volent vers quelque chose », d’Albert Camus.
Puis ces deux proverbes :
- « Deux précautions valent mieux qu’une. »
- « Une précaution excessive ne fait pas de tort. »
Philippe Giafferi, conférencier
Références
- L’OMS (Organisation mondiale pour la santé) : « La prévention est l’ensemble de mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps. »
- La Charte d’Ottawa : « La promotion de la santé a pour but de donner aux individus davantage de maîtrise de leur propre santé et davantage de moyens de l’améliorer. »
- Livre Le traité de santé publique, chapitre 15 ; de François Bourdillon, Gilles Brucker et Didier Tabuteau.