L’effet domino
Dans l’entreprise qui m’emploie, les plannings sont faits au mois, mais sont réajustés tous les jeudis. Quand une professionnelle est en arrêt maladie ou en accident du travail, la direction doit remanier toutes les interventions des autres membres de l’équipe pour que chaque personne accompagnée soit servie du mieux possible, selon sa situation, son état de dépendance, sa pathologie... Nous pouvons évidemment tous être malade. Je le conçois aisément. D’ailleurs, en période hivernale, il est difficile voire dangereux de venir travailler auprès d’un public vulnérable quand on est soi-même touché par un virus et symptomatique (fièvre, toux...). Quand on ne tient pas debout, comment pouvoir prendre en charge une personne fragilisée par la maladie et l’avancée en âge.
Mais quand vous avez des intervenantes qui préviennent à 9 h alors qu’elles devraient être en poste dès 8 h, cette attitude irresponsable n’est pas concevable pour moi, car la personne qui est alitée ne pourra pas se lever seule. Elle a donc besoin de notre présence. Nous disposons tous de numéros d’urgence pour prévenir le plus tôt possible d’une non-intervention. Malheureusement beaucoup n’en tiennent pas compte. Leur attitude pour le moins non professionnelle perturbe le service, que ce soit au bureau ou sur le terrain. Et pour cause, il m’est déjà arrivé de remplacer au pied levé, le jour même, une collègue absente et enchainer des remplacements au plus pressés en plus de mes bénéficiaires habituels. Cette situation est extrêmement stressante car nous intervenons chez des personnes dont nous ne connaissons pas forcément « sur le bout des doigts » leurs pathologies, habitudes de vie... Nous faisons face à leur stress de voir venir une auxiliaire qui n’est pas leur référente habituelle. Il nous faut par ailleurs aller encore plus vite pour ne pas non plus « oublier » nos bénéficiaires.
Notre responsabilité engagée
Dans ce genre de situation, nous n’avons pas le temps de râler ou de penser, il faut agir et faire au mieux. Il n’y a pas si longtemps, nous avons été confrontés à huit absences simultanées avec cinq arrêts maladie et trois accidents de travail. Cette journée restera dans nos mémoires ; cela n’a pas été de tout repos, pourrais-je dire pudiquement. Il fallait honorer les missions programmées chez les usagers qui sont tous dans l’attente d’un service de qualité et de besoins. Or beaucoup ont été lésés dans le sens où ils n’ont pas reçu le service souhaité et attendu. Le manque de personnel y est beaucoup. Mais certains collègues refusent aussi systématiquement ces remplacements de dernières minutes, prétextant des rendez-vous médicaux, administratifs ou autres. Je peux le comprendre mais j’avoue que cette vision qui n’est pas la mienne ne fait que creuser un fossé entre les professionnels : d’un côté ceux qui acceptent et font de leur mieux et de l’autre, ceux qui refusent toujours.
Notre métier impose une grande responsabilité face à la dépendance des personnes âgées ou en situation de handicap que nous accompagnons au quotidien. Un salarié qui ne se rend pas à l’usine ou au bureau en raison d’un virus ou autre ne met pas en péril la vie des autres. Pour nous, c’est différent. Nous pouvons être absent, mais nous devons avoir conscience des conséquences de notre absence et savoir prévenir le plus tôt possible notre hiérarchie pour éviter justement de mettre en difficulté nos collègues et les usagers, qui n’ont rien demandé.
Véronique Adragna, auxiliaire de vie