Du déni à la prise de conscience
Toujours vécue comme un choc, l’annonce du diagnostic de la maladie d’Alzheimer est un moment traumatisant. Il faut du temps pour l’accepter et les informations données par les professionnels ont alors peu de chances d’être entendues. La prise de conscience de la pathologie va se faire progressivement et il est compliqué pour une personne aidante de demander de l’aide avant qu’elle ne soit en situation de fragilité, de rupture ou d’épuisement. Il faut une « bonne raison » pour commencer à accepter de l’aide. Combien de fois ai-je entendu : « On n’en est pas encore là ! » Cette phase de déni est normale. Il s’agit d’une première phase, celle du rejet de la maladie.
Nommer, puis comprendre la maladie et ses symptômes peut prendre du temps. Le temps pour mettre des mots sur les symptômes présents : les troubles mnésiques, du langage, de l’orientation, les troubles du comportement, les changements soudains d’humeur... tout ce qui gêne le quotidien du malade d’Alzheimer et ébranle ses proches. Au fur et à mesure que l’aidant va être confronté aux pertes successives de son proche, le déni va s’estomper peu à peu, pour faire place à une réalité difficile à accepter.
Reconnaître que la maladie est là, que l’on ne peut plus faire comme avant, qu’il faut faire une croix sur certains projets de vie qu’on avait ensemble et que l’on n’a plus d’autre choix que de composer avec. Cette phase d’une violence inouïe est pourtant indispensable pour que l’aidant finisse par « accepter » que la maladie est bien présente et qu’elle fait dorénavant partie de leur quotidien.
A ce stade, les aides extérieures et notamment le soutien psychologique vont être indispensables : des rencontres avec d’autres familles, des associations, des groupes de parole, les activités créant du lien social... Tout doit être mis en œuvre pour soulager la lourde charge psychologique et l’isolement qu’entraîne la maladie d’Alzheimer... et dès les premiers signes.
Accepter l’aide des professionnels pour préserver tant l’aidé que l’aidant
Même si l’on observe depuis quelques années une tendance des aidants à s’appuyer de plus en plus sur leur réseau familial et social et à recourir à des professionnels, on s’aperçoit qu’accepter de l’aide reste une étape difficile et que les aidants montrent encore une certaine résistance. Il y a un travail de fond à engager pour leur faire comprendre qu’ils ne sont pas seuls et que tout un réseau de professionnels est présent pour les accompagner dans ce long cheminement.
Aujourd’hui, les solutions de répit s’adaptent au plus près des modes de vie des personnes malades, de leur entourage, et favorisent une approche individualisée qui tient compte de l’impact de la maladie afin d’offrir des solutions « à la carte ». Le concept du répit est en train d’évoluer. Les formules proposées prennent davantage en compte le couple aidant/aidé, en lui proposant de vivre ensemble des moments de plaisirs partagés, tout en étant accompagné par des professionnels. Les plateformes de répit, les accueils de jour sont des dispositifs qui favorisent cette approche du « faire ensemble » et témoignent de cette volonté de préserver la relation entre la personne malade et ses proches, à travers des aides toujours plus souples et diversifiées.
Aujourd’hui, l’aide n’est plus uniquement considérée comme un fardeau : elle peut être aussi vécue comme un engagement, un échange, une découverte, une promesse que l’on s’est faite. De ce point de vue, le terme de répit n’est plus tout à fait adapté. La question est plutôt : comment faire pour préserver la relation entre l’aidant et son aidé ? La solution n’est pas évidente ou simple. Mais il est plus facile d’emprunter une route escarpée et semée d’embûches si quelqu’un vous tient la main et vous montre le chemin.
Amélie Barraud, neuropsychologue et responsable plateforme répit UNA 61