Mme L. et le chien, la confusion
L’atelier avait lieu une fois toutes les deux semaines. La médiatrice animale venait avec au moins un chien, deux cochons d’Inde et parfois un deuxième chien. L’idée était d’avoir un groupe de cinq ou six résidents dont certains venaient de façon régulière pour avoir une certaine stabilité, sans pour autant fermer le groupe. L’enjeu était ainsi pouvoir intégrer des nouveaux, notamment des personnes ayant des troubles cognitifs ou diagnostiqués Alzheimer. Un point important avant d’intégrer un nouveau participant était de savoir s’il avait déjà eu des animaux, et s’il était d’accord. Et pour cause, la sérénité est recherchée pour ce moment d’échanges. Pas question d’angoisser ou de stresser des personnes qui ont peur ou ne sont pas à l’aise avec les animaux.
Mme L. est arrivée à l’Ehpad depuis peu. Elle a une démence de type Alzheimer et présente des troubles cognitifs, au niveau de la mémoire à court terme. Elle a eu un chien il y a quelques années dont elle parle assez facilement. Je lui propose donc de participer à la médiation animale ; elle accepte. Je vais la chercher dans sa chambre et je l’accompagne dans le salon prévu pour la rencontre. Lorsqu’elle voit pour la première fois le chien, elle réagit bien : heureuse, elle le trouve mignon, l’exprime et le caresse immédiatement. Tout semble bien se passer, mais rapidement elle répète à plusieurs reprises qu’elle ne peut emmener le chien avec elle, comme si elle devait absolument repartir avec et reste fixée là-dessus. Avec la médiatrice, nous essayons de lui expliquer que ce n’est pas elle mais la « visiteuse » qui repartira avec. Mme L. s’apaise un moment et participe un peu à la séance, mais rapidement, l’idée revient, l’inquiète. Pour l’apaiser, je préfère la raccompagner dans sa chambre, car elle perturbe le groupe. Il n’y a pas eu d’autres séances pour Mme L. car cette première séance l’avait rendue confuse.
M. R. et le chien, l’apaisement
M. R. est un homme plutôt jeune, d’une soixantaine d’années avec une démence de type vasculaire. Physiquement, il est assez costaud et même s’il est plutôt calme en général, il lui arrive d’être agité, voire agressif : il a déjà retourné à plusieurs reprises sa chambre, a été agressif avec des résidents et déambule dans la structure. Sa famille nous a transmis le fait qu’il avait eu un chien quand il était plus jeune. Il participe donc naturellement à la médiation animale. Lorsqu’il aperçoit le chien, son attitude est immédiatement adaptée : doux et calme, il caresse l’animal, lui donne à manger, coupe des légumes pour les hamsters. Apaisé par cet atelier, il peut échanger avec les autres résidents, sans agressivité.
Ces deux exemples nous prouvent que la médiation animale n’est en rien miraculeuse. Parfois, la rencontre se passe bien, parfois ce n’est pas le cas. Le professionnel « accompagnateur » doit simplement rester vigilant, savoir stopper une séance, faire sortir un résident qui ne se sent pas bien ou au contraire intégrer certains qui malgré des problèmes comportementaux peuvent enfin ressentir un peu de sérénité ou d’apaisement. L’un des participants m’a d’ailleurs confié « se sentir bien au contact des animaux, puisque ceux-ci ne jugent pas ». Et je suis tout à fait d’accord avec lui, les animaux tout au long des interactions avec les résidents favorisent cet espace de non-jugement, de réminiscence de souvenirs….et créent une bulle de vie, tellement recherchée en établissement.
Cyprien Denous, psychologue en Ehpad et en EqAAR (équipe d’appui en adaptation et réadaptation)