Sortir prendre l’air pour se changer les idées, discuter, faire passer ses angoisses ou tout simplement écouter les oiseaux chanter. Avec l’arrivée des beaux jours, l’envie d’être dehors se fait plus pressante. Encore faut-il avoir la possibilité de passer le pas de la porte. Est-ce d’ailleurs tout simplement possible pour les personnes souffrant de maladies neurodégénératives ? Ou alors doivent-elles se satisfaire de regarder la nature s’éveiller par la fenêtre ? S’il est difficile de connaître le nombre exact d’établissements sociaux et médico-sociaux équipés d’un extérieur aménagé mais surtout accessible et adapté, les experts constatent depuis plusieurs années qu’un mouvement s’est engagé dans les Ehpad et autres unités protégées. Le Covid a également rebattu les cartes. Et pour cause, le jardin a permis de limiter les effets négatifs du confinement et du sentiment d’enfermement et d’isolement.
Est-ce que les pratiques sont-elles pour autant en train d’évoluer ? Les spécialistes du jardin en sont les témoins privilégiés, mais aussi les acteurs de l’aménagement de carrés verts à l’heure où les thérapies non médicamenteuses ont le vent en poupe et sont désormais reconnues par la Haute autorité de santé. S’il y a encore dix ans, la création de jardins thérapeutiques était plutôt exceptionnelle, les demandes se sont depuis démocratisées, même sans budget. Les directions font désormais appel à des paysagistes avec la volonté d’être conseillés et de mieux répondre à des appels à projets pour justement contourner ce problème financier. Il n’est malheureusement pas le seul. Les obstacles sont nombreux. Pour qu’un projet aboutisse, la question de la superficie disponible en extérieur se pose. Au cœur des grandes agglomérations, certaines structures ont trouvé la solution en aménageant une terrasse ou un bacon. Pour ceux qui n’ont pas la chance de disposer de m2, la nature peut s’inviter à l’intérieur en organisant par exemple des ateliers d’hortithérapie et en parsemant les couloirs ou la pièce de vie de bacs fleuris.
Le jardin, pour quoi faire ?
Quant à ceux qui ont l’espace de verdure suffisant, ils ne sont pas exempts d’obstacles. Car se lancer dans un projet d’aménagement demande un engagement collectif. C’est le secret de la réussite. La co-construction est la seule solution pérenne pour faire vivre le jardin. Car après les investissements humains et financiers, la fierté de l’inauguration, le quotidien rattrape souvent les équipes avec le risque que la dynamique s’essouffle vite. Pour quelle conséquence ? Un jardin laissé à l’abandon et sans aucun usager. Avec des équipes en sous-effectifs chroniques, il n’est pas question de rajouter le poids de son entretien sur les épaules déjà bien chargées des professionnels. La réflexion en amont est donc essentielle autour des usages et de l’implication de tous. Le danger est que le projet soit « seulement » porté par un directeur ou un agent. C’est donc l’ensemble des soignants qui devra s’engager à l’intégrer dans des activités quotidiennes. Dans le cas contraire, le risque est grand de voir disparaître la belle vitrine.
Si le jardin thérapeutique est une base matérielle et non une fin en soi, il doit avant tout être un aménagement rassurant avec une compréhension de l’espace et des repères pour les personnes atteintes de troubles cognitifs. L’occasion pour elles de mieux appréhender les saisons avec des fleurs sur les arbres, des fruits qui changent de couleurs ou encore des feuilles qui tombent.
Cette pièce sur l’extérieur est ainsi un support mis à la disposition des usagers dès lors que l’équipe l’intègre dans son projet de soin. Face aux troubles du comportement, le jardin peut être une échappatoire avec des effets positifs sur le sommeil, l’appétit, la relation à l’autre. Les études le montrent, la présence de cet espace vert a également une incidence bénéfique sur les professionnels qui voient le risque de burn-out se réduire, tout comme leur absentéisme. Les familles y trouvent aussi un intérêt avec des rencontres plus sereines, loin de la pesanteur du huis clos collectif.
La plus-value humaine
Le jardin thérapeutique n’a toutefois pas de pouvoir magique car c’est bien l’accompagnement professionnel et humain qui peut apporter la plus-value vivement recherchée. Reste à former les soignants qui n’ont pas été sensibilisés ni même informés sur les bienfaits de la nature lors de leur cursus initial. Au-delà de l’enjeu de la liberté d’aller et venir qui se pose forcément, le rôle joué par l’environnement enrichi (par des modules stimulant les capacités cognitivo-comportementales) promoteur de santé et de bienveillance pourrait être à l’avenir un pilier des futures politiques de santé publique. C’est en tout cas le souhait de nombreux chercheurs et gérontologues.
Alexandra Marquet, journaliste