Recevoir la newsletter

Semer du bonheur et cultiver sa mémoire émotionnelle

« L’arrivée en institution représente un traumatisme dû à une déstabilisation et une perte de repères », analyse Stella Choque, cadre de santé et formatrice.

Crédit photo DR
[JARDIN THERAPEUTHIQUE 7/18] Le jardin thérapeutique va permettre un ancrage dans le réel par la mise en place du cadre contenant de l’activité et le rétablissement du lien social par le vécu collectif. Il va aider le résident à retrouver des sensations corporelles qui vont l’aider à lutter contre ses angoisses liées à la perte de repères. En stimulant sa mémoire émotionnelle, il va recouvrer un élan vital qui va éloigner les pulsions mortifères.

Les signes d’alerte

L’arrivée en institution représente un traumatisme dû à une déstabilisation et une perte de repères. Beaucoup de personnes entrent en institution parce que leur état de santé se dégrade de manière importante, ce qui augmente leur dépendance. Quand l’isolement et le sentiment exprimé d’inutilité sont trop forts, alors s’installent :

  • la perte de l’estime de soi (« je dérange, je ne sers à rien »), l’impuissance, le sentiment d’inutilité et d’incapacité ;
  • le désinvestissement de la réalité voire la régression ou la confusion qui peuvent être pris à tort pour de la démence ou une aggravation de la maladie d’Alzheimer ;
  • les troubles du sommeil, le refus de soin et d’alimentation ;
  • les plaintes somatiques diverses ;
  • le repli sur soi, l’indifférence ;
  • les transformations corporelles et environnementales dues au vieillissement.

Le risque de dépression est important avec parfois un passage à l’acte suicidaire. Deux types d’intervention s’avèrent majeurs pour réduire le taux de suicide des personnes âgées :

  • celles visant à réduire les facteurs de risque : en améliorant le diagnostic et le traitement de la dépression et en luttant contre l’isolement des personnes ;
  • celles visant à augmenter les facteurs protecteurs en favorisant le « bien vieillir », c’est-à-dire la qualité de vie.

La prévention du passage à l’acte suicidaire implique donc pour les professionnels de développer leurs connaissances la fois sur le repérage des facteurs de risques et sur les stratégies d’accompagnement des personnes âgées dans la bientraitance.

Des outils de lutte contre la dépression

Le jardinage thérapeutique peut, en stimulant la mémoire sensorielle et émotionnelle atténuer les troubles mnésiques et favoriser le bien-être. La pratique de la méditation, en centrant l’attention dans l’ici et maintenant et en développant les perceptions sensorielles va venir favoriser cette stimulation.

L’hortithérapie peut se définir comme l’intégration des activités horticoles (le jardinage) dans un processus de soins. Elle consiste en particulier à stimuler les facultés cognitives et la mémoire des personnes par l’utilisation des plantes et de la nature en général. Nous pouvons parler de médiation car cette activité constitue un « prendre soin » en répondant aux besoins des personnes soignées ou des résidents. Elle permet d’établir un pont entre l’équipe soignante ou éducative et la personne soignée.

La pleine conscience va l’aider à franchir ce pont pas à pas pour arriver sur l’autre rive en sécurité. Parfois ce sera aux soignants de la rejoindre sur l’autre berge et d’adapter son comportement en fonction de ses besoins. Le professionnel qui la pratique saura plus facilement rester centré sur ses besoins et désirs car il ne sera pas distrait par les siens et restera l’esprit ouvert pour accueillir avec bienveillance toutes les manifestations émotionnelles et réminiscences mnésiques de la personne accompagnée. Il ne pensera pas que la personne présente les manifestations d’une désorientation irréversible ou d’un état dépressif mais observera les symptômes en essayant de leur donner du sens : qu’est ce qui a provoqué cela ? Une odeur ? Un bruit ? Une sensation kinesthésique ?

Il pourra ensuite en fonction de l’histoire de vie donner du sens à ces manifestations pour aider la personne soignée « à se souvenir des belles choses de sa vie » afin d’activer sa mémoire émotionnelle qui pourra, dans certains cas, réactiver, par association, la mémoire épisodique (mémoire des évènements vécus avec leur contexte notamment émotionnel). Ces stimulations positives ont également une contribution efficace aux thérapeutiques à mettre en place pour lutter contre la dépression.

Un effet antidépresseur

Avant même de penser traiter la désorientation temporo-spatiale liée aux troubles mnésiques, il convient d’évaluer l’état psychologique du résident. L’activité possède un effet antidépresseur, pour les résidents ou les personnes soignées présentant des troubles dépressifs avec perte de l’élan vital. Elle favorise :

  • la sécrétion de mélatonine qui contribue à la régulation de l’humeur et du sommeil. Les troubles du sommeil peuvent à eux seuls entraîner des troubles mnésiques et des difficultés à se concentrer ;
  • pour les activités comme le jardinage, le rapport avec la faune et la flore permet également d’être en contact avec « le vivant » et de repousser naturellement les pulsions mortifères ;
  • le sentiment d’être utile et de valoriser les personnes, donc de générer des pulsions de vie ;
  • la prise de conscience de l’ici et maintenant dans un environnement agréable permet d’éloigner les émotions négatives qui dominent dans les états dépressifs. Elle réactive en produisant des émotions positives les réseaux neuronaux que nous avons tissés au cours de notre vie, notamment au cours de notre enfance. Cette réactivation induit alors l’état de bien-être que nous ressentions dans des environnements agréables.

L’idéal est de disposer d’un espace qui ressemble à un jardin privatif avec ses mauvaises herbes, ses orties, ses oiseaux, ses limaces, ses carrés potagers imparfaits et bricolés... L’objectif étant que le résident à un moment donné puisse projeter sa mémoire dans ce lieu et retrouver des sensations agréables.

Le maintien du lien social

Sur le plan cognitif, les neurosciences ont démontré « la plasticité neuronale » liée à l’apprentissage. L’activité, en créant une stimulation, permet d’établir des connexions interneurones (synaptiques) qui favorisent une modification du comportement notamment en favorisant les liens sociaux et ce d’autant plus que l’environnement est sécurisant et valorisant.

Les fonctions les plus sensibles au vieillissement sont les fonctions exécutives, l’attention et la vitesse de traitement des informations. Le vieillissement est alors associé à une diminution de la capacité de résolution de problèmes ainsi que du traitement et de l’apprentissage de nouvelles informations, entraînant une blessure narcissique et un repli sur soi. Un jardin est un lieu agréable qui évoque forcément des souvenirs de nature, de jeux, de sensations olfactives et gustatives riches en émotion. Il va donc réveiller des sensations que nous avons tous déjà éprouvées et associées à des moments de plaisir. La joie est une émotion qui appelle le partage, elle va donc faciliter la rencontre avec l’autre en partageant des souvenirs ou même un simple sourire ou un regard de connivence.

L’hortithérapie peut donc devenir le ciment d’une cohésion entre les résidents. Elle permet de développer l’esprit d’appartenance à un groupe et crée un sentiment de sécurité. Elle favorise les affects positifs entre les résidents et tisse des liens de confiance et de respect avec les soignants qui partagent les mêmes émotions au contact de la nature. Les professionnels découvrent souvent des aspects inconnus de la personnalité des résidents lorsque ceux-ci sortent de l’institution.

Stella Choque, cadre de santé, formatrice, auteure de La méditation pleine conscience pour les soignants et les accompagnants

Alzheimer

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur