L’animal au cœur des besoins affectifs
L’animal, notamment le chien ou parfois le chat, certains rongeurs, va permettre de répondre au besoin d’affection des personnes âgées. Le sentiment de solitude ressenti dans les Ehpad est une réalité, malgré la collectivité, et génère des émotions comme la tristesse. La présence de l’animal vient alors pallier une carence affective en apportant de la chaleur, de la familiarité, de la tendresse. En effet, il vient spontanément à la rencontre de l’humain, cherche son attention, son regard, ses caresses. Le résident peut quant à lui laisser exprimer ses besoins affectifs à travers le toucher, les caresses, les baisers. Ce toucher pouvant être perçu et ressenti comme si technique, si froid, si distant au quotidien à travers la toilette, les mobilisations, devient alors un toucher plaisir, un toucher rempli d’affects. Quoi de si apaisant qu’un chat se posant sur nos genoux ; de la douceur et de la chaleur des poils sous nos mains ; d’un ronronnement qui nous traverse. D’un chien qui court nous dire bonjour et qui se laisse caresser la tête. Cet état de relaxation est induit par l’animal.
La médiation prend dès lors tout ce sens lorsqu’elle est utilisée de manière individuelle, en relation duelle. Mieux encore, elle pourrait être envisagée avec un animal vivant dans l’établissement, aux côtés des résidents ; ce qui reste extrêmement rare encore aujourd’hui.
Au-delà de la rencontre et du partage individuel, la médiation animale dans le collectif permet de répondre au besoin de se sentir « faisant partie » d’un groupe, de filiation. En effet, l’usager se retrouve avec d’autres partageant le même intérêt et le même attrait pour les animaux. Les interactions (re)naissent, que cela soit à travers la communication verbale ou non verbale ; on parle, on se regarde, on se sourit, on partage un instant avec l’animal et les Autres. L’animal est vecteur d’émotions car il réunit, il anime, sans jugement, sans performance, sans regard négatif.
De l’objet de soin à l’acteur de soin
Les personnes âgées, d’autant plus ayant des troubles cognitifs et/ou une grande dépendance, sont -malheureusement- souvent objets de soins, perdant de leur activité pour devenir des êtres passifs dépendants du soin. La présence de l’animal va permettre de redynamiser la place du sujet âgé et ainsi d’apporter un mieux-être.
En effet, la présence de l’animal va éveiller la personne âgée, lui redonner un sentiment d’utilité. A travers des missions, données par l’intervenant ou faites spontanément, la personne va pouvoir prendre soin de l’animal : le brosser, le laver, lui donner des friandises, le promener. Ainsi, la personne passive va redevenir active, prenant à son tour soin d’un petit être. Pour aller plus loin, il est même bénéfique que ces rôles soient intégrés dans des routines de vie lorsque l’animal vit en établissement. M. Dupont est le référent de la propreté de la cage du lapin, Mme Lepouy est la référente des graines du lapin, Mme Bijou celle du foin, etc. Cela peut être avec des rongeurs mais également avec un chat, des poules, des moutons, etc.
En somme, l’animal est un vecteur d’émotions car il permet à la personne en perte d’autonomie de vivre pleinement, sans être mise en échec. Il rejoue les liens d’attachement, il apaise, il panse même parfois.
D’autre part, ce lien permet de canaliser et de réguler les tensions et les comportements dits perturbateurs (l’agitation, la déambulation) car il apporte une détente. L’animal est un étayage affectif fort.
La médiation animale va casser la tendance à ressentir des sentiments négatifs grâce au recentrage et à cette rencontre bienveillante. Il reconnecte à l’instant présent. L’animal devient un objet d’affection pur. On se rend compte de l’impact émotionnel quand, malgré la présence de troubles cognitifs sévères, la personne se souvient de l’animal. Parfois, le chien ou le chat va même être « aidant » pour le personnel soignant en cas de refus de soins par exemple. Dans ce cas, il représente un tiers dans la relation ; un tiers revalorisant.
Je pense à Mme R., mutique et éteinte, qui s’animait dès qu’elle voyait le chien passer. Je pense à Mme M., 100 ans et sans famille, qui enlaçait tendrement le chihuahua dans ses bras et qui s’endormait avec lui. Je pense à Mme C. qui revivait des émotions de joie, de fierté lorsqu’elle rendait visite et qu’elle s’occupait du cheval de sa fille. Je pense à Mme D. qui aimait tant donner à manger au chien car pour une fois, c’est elle qui était essentiel pour quelqu’un. Je pense à tous les animaux que nous avons rencontrés : aux chiens, aux oiseaux, aux chevaux qui ont permis aux résidents de se sentir vivre de nouveau.
Salomé Tonna, psychologue