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Quand le jardin s'associe au soin

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Andrew Alston président , Maïté Delmas et Jean de Faultrier administrateurs de l’association Jardin & Santé

Crédit photo Association Jardin & santé
[JARDIN THERAPEUTHIQUE 13/17] On ne naît pas jardin thérapeutique, on le devient... Au-delà d’un léger détournement de la phrase célèbre de Simone de Beauvoir, cette affirmation prend son sens avec les mots du Docteur Thérèse Rivasseau Jonveaux lorsqu’elle énonce que le jardin devient effectivement thérapeutique dès lors qu’il instaure « une aide au processus de soin ».

Espace, temps et vie

Tout l’intérêt s’exprime à travers les mots simples et évocateurs de l’appellation retenue « jardin thérapeutique » ou « jardin à visée thérapeutique ». Le jardin existe depuis la nuit des temps, ce mot jardin que l’on utilise aujourd’hui est forgé au XIIe siècle à partir du gallo-roman « gardinus » qui définit un enclos proche de l’habitation où l’on cultive notamment des légumes et plantes nécessaires à l’alimentation de la famille. S’il s’agit bien de nouer un dialogue vivrier avec la nature, il est intrinsèquement question de vie et de soin, reste à en faire émerger les contours et le sens, à en affirmer le lien fondamental avec l’humain.

Le jardin thérapeutique est le croisement idéal de l’espace, du temps et de la vie. L’espace est celui que l’on idéalise comme le recours heureux à un environnement et à ce qu’il produit, le temps est celui du rythme circadien et de son inscription dans les saisons, la vie est celle qui nous relie à l’autre dans la force ou la fragilité. Pour autant, associer jardin et soin appelle nécessairement des contributions spécifiques et des adaptations particulières afin justement que la visée thérapeutique soit atteinte. D’une manière générale, l’ambition est d’offrir, en parallèle, des soins requis par l’état de santé du patient ou du résident, un maintien au lien vital que représentent les attaches avec la nature. C’est pourquoi de tels jardins sont conçus et se déploient avec des caractéristiques à la fois générales aux espaces verts et spécifiques à leur mission d’accueil de personnes en situations particulières. Ces situations sont diverses et couvrent un large spectre depuis les troubles moteurs, les accidents cérébraux, les maladies mentales, elles incluent également les personnes souffrant de pathologies somatiques aiguës comme le cancer ou porteuses de troubles psychiques ou psychiatriques, autant de cas dans lesquels le jardin joue un rôle composite d’accueil et de repos, d’apaisement mental mais aussi d’influence positive à côté du parcours de soins stricto sensu.

Les personnes âgées en perte d’autonomie, ou développant des troubles cognitifs, comme la maladie d’Alzheimer, sont tout particulièrement bénéficiaires du jardin qui leur permet de continuer de vivre le trait d’union avec la nature mais aussi de connaître un espace de partage avec les proches, dont les visites sont agrémentées d’un «  extérieur » accueillant. Toutes n’ont pas attendu la maladie ou la vieillesse pour avoir un lien avec le jardin, mais ce lien prend un sens vital ou revitalisant lorsque la maladie survient ou que l’automne de la vie change les perspectives ou les moyens.

Leur parcours dans un jardin thérapeutique va de la simple déambulation ou de la simple station à la participation à l’entretien, à la vie du jardin qui concourt à la vie du patient. Ce dernier n’est pas l’usager isolé du jardin, ses soignants, sa famille sont autant de bénéficiaires de son implantation au sein d’un établissement dédié aux malades ou aux résidents souffrant de troubles.

Jardins et santé pour mieux vivre et mieux accompagner

Illustrant l’idée, soutenue avec force par Jardins & Santé que le jardin thérapeutique a pour objectif un « mieux vivre et (un) mieux soigner », celui-ci maintient une connexion continue avec les cycles du temps et des saisons. Cette dimension temporelle ou saisonnière s’accompagne bien entendu d’une approche des composantes locales du terrain et de son environnement. Les choix des végétaux sont ainsi intimement liés aux propriétés physiques et chimiques des sols afin non seulement d’en respecter les dynamiques propres mais aussi d’optimiser ce qui, entre sollicitations et stimulations, va émerger du parcours d’un patient dans le jardin. Il est nécessaire aussi de souligner l’élaboration proprement architecturale d’un jardin thérapeutique, tant la coexistence de toutes ces qualités repose sur une pensée structurante de l’ordonnancement des choses : accès, circulation, revêtements, insertion dans le paysage bâti, modalités d’entretien. Ce sont-là autant de requis étroitement imbriqués dans la logique des soins et de l’usage des lieux.

D’autant que le jardin thérapeutique ne saurait se limiter à consister en un espace vert. Espace de travail également, terrain de jeu et d’échanges, territoire de pratique d’activités physiques et horticoles, lieu de paix en famille, entre amis, entre patients aussi, tous les dialogues peuvent s’y instaurer et prospérer sous la bienveillante présence des plantes.

A côté des humains auxquels il offre en silence ses capacités soignantes, le jardin s’inscrit dans le paysage de tous comme un médiateur à part entière au cœur des enjeux partagés dans le cadre des visites des proches et des amis, des soins apportés par les différentes familles de thérapeutes engagés auprès de leurs patients, également dans le contact avec des professionnels de la nature, contacts par lesquels tous s’enrichissent du rapport à l’autre.

Un exemple ou deux ? Difficile de faire un choix, tant de jardins ont une exemplarité remarquable (1). Alors, citons d’une part le jardin « Art, mémoire et vie » du CHU de Nancy, présent dans le recueil référencé ci-dessus. Ce jardin est un véritable pionnier par ses innovations en biodiversité et authentique espace de recherche sur les relations croisées nature et santé. Il est conçu autour d’une préoccupation double : « Offrir un espace de déambulation libre favorisant l’autonomie des personnes hospitalisées et introduire une dimension artistique pour activer la mémoire sociale et collective », d’une part, et « solliciter des émotions positives tout en retrouvant les gestes familiers de la vie quotidienne ». Ce jardin et les activités qui s’y déroulent ont fait l’objet de nombreuses études, notamment pour les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer. Ces études pointent les bienfaits pour les patients (2), mais aussi pour les soignants avec une réduction de burn-out (3), et même pour les proches (4).

Citons également le jardin à visée thérapeutique du Courbat (5) dédié à l’accompagnement des personnels de la police, de la gendarmerie, des unités de pompiers dans le cadre d’une prise en charge orientée vers le retour à l’autonomie ou à la vie sociale et professionnelle après, par exemple, un burn-out. Notons qu’en France le Plan Alzheimer 2008-2012 a élevé au rang d’obligation l’existence d’un jardin au cœur des unités cognitivo-comportementales et les USR (unités de soins renforcés).

En résumé, s’il reste un espace vert aménagé comme nous en connaissons beaucoup, le jardin thérapeutique relève d’une structuration paysagère, esthétique et scientifique particulièrement adapté à sa mission médiatrice et interactive. Avec un sens de l’espace « autre » qu’il déploie au sein d’espaces plus technologiques par essence, le jardin thérapeutique allie la liberté que l’on sent moins dans une conduite des soins médicaux à un lieu de vie et d’échanges dont la qualité première est certes le bien-être mais également, pourquoi pas la bienveillance que la nature propose avec constance à l’humain.

Andrew Alston, président de l’association Jardin & Santé, Jean de Faultrier, administrateur de l’association Jardin & Santé, Maïté Delmas, administrateur de l’association Jardin & Santé, Virginie Le tanec, administrateur de l’association Jardin & Santé, fondation Médéric Alzheimer

 

Notes de bas de page

(1) « Jardins & Santé, des thérapies qui renouent avec la nature », ouvrage collectif sous la direction d’Anne Chahine, préfacé par le Pr Marcel Ruffo, photographies de Laurence Toussaint, Editions Petit Génie 2017

(2) Thérèse Rivasseau-Jonveaux, Martine Batt, Reinhard Fescharek, Athanase Benetos, Alain Trognon, et al. Healing gardens and cognitive behavioral units in the management of Alzheimer’s disease patients : the Nancy experience. Journal of Alzheimer's Disease, 2013, 34 (1), pp.325-338. ⟨10.3233/JAD-121657⟩. ⟨hal-01584191⟩

(3) L. Bernez, M. Batt, M. Yzoard, C. Jacob, A. Trognon, F. Verhaegen, J.-L. Danan, R. Fescharek, T. Rivasseau-Jonveaux, Jardin thérapeutique, outil de prévention du burn-out, Psychologie Française Volume 63, mars 2018, Pages 73-93

(4) A.B. Simzac, C. Jacob, E. Nassau, M. Surmely, R. Fescharek, T. Rivasseau Jonveaux, Le jardin thérapeutique comme médiateur des relations sociales et familiales en UCC, www.sciencedirect.com

(5) https://www.anaslecourbat.fr/

Alzheimer

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