Une médiation salvatrice
Les personnes âgées présentant une maladie de type Alzheimer rencontrent des difficultés à communiquer avec autrui, à les comprendre et surtout à verbaliser leurs besoins. Sans les mots, il est difficile de maintenir le lien, bien que de nombreux outils existent (ardoises, pictogrammes, smileys...). Peu à peu, la personne va se renfermer sur elle-même, va se créer une bulle contenante et protectrice. Comment entrer en contact avec elle, sans craindre de l’effrayer, de l’angoisser ou de l’agacer ? En passant par la sensorialité tout simplement. Les odeurs, les saveurs, la vue, l’ouïe ou le toucher existent, se maintiennent jusqu’au bout, quel que soit le niveau d’évolution de la maladie.
La stimulation des sens permet d’éveiller la personne, de lui procurer des sensations de plaisir, des réminiscences de son enfance, des émotions, des joies partagées. Nous pouvons utiliser plusieurs outils de médiation pour ce faire : jeux, musique, poupée, balles, tissus...
Or, certaines études ont constaté un avis unanime concernant la même pratique : la médiation animale. Celle-ci serait la plus adaptée, la plus stimulante, la plus apaisante pour créer du lien avec la personne âgée, la mettre en confiance et lui apporter un moment de bonheur et de ressourcement.
Bien entendu, elle ne peut pas marcher avec tout le monde à 100 %, car certaines personnes n’aiment pas la présence des animaux ou ont de mauvais souvenirs avec certains (morsures, griffures...).
Néanmoins, elle reste très appréciée. Qui ne se sent pas apaisée avec les ronronnements du chat sous le poids de nos caresses ? Qui ne se sent pas transporter par l’équithérapie ? Qui ne se sent pas libre en allant promener le chien dans les allées du parc ?
La médiation animale serait également souvent utilisée pour tenter de diminuer les cris quotidiens d’une personne. Une fois installés, il est très difficile de les apaiser. Or, la présence d’animaux permettrait une réassurance, une valorisation, un sentiment d’utilité que nous-mêmes, professionnels, n’arrivons pas toujours à projeter.
Une illustration empreinte d’émotions
J’ai le souvenir d’une dame qui était en unité protégée. Avec la majoration de ses troubles cognitifs, elle souffrait d’idées de persécution et pensait que les professionnels lui voulaient du mal. Nous ne pouvions pas l’approcher sans prendre le risque d’être insultés ou de prendre une tape sur le bras. En cherchant dans son histoire de vie, nous avions vu qu’elle était passionnée par les chats. Quelques semaines plus tard, la direction de l’établissement a pris l’initiative d’adopter deux chatons errants. Un a été consacré à l’unité protégée.
Nous sommes donc arrivés avec cette petite boule de poils, toute rouquine et douce, avec de jolis yeux bleus, qui tenait dans le creux de nos mains. La dame nous observant de loin, nous sommes allés à sa rencontre. Quelle ne fut pas notre surprise ! Elle l’a spontanément pris dans ses bras, l’a bercé et embrassé avec amour et émotions. C’était magique à voir. Elle était très précautionneuse, très tendre avec lui, nous regardant parfois avec les yeux pétillants. Nous avons pu nous approcher d’elle, communiquer par l’intermédiaire de cet animal.
Sans ce petit chat comme médiation, nous n’aurions pas pu entrer en contact avec elle, la voir sourire, faire preuve de bienveillance et partager un doux moment avec elle. A chaque fois que nous sentions une montée d’angoisse arriver, nous faisions appel à notre petite mascotte. Elle allait régulièrement vers lui, le prenait avec elle, lui donnait parfois à manger. Au fil des semaines, nous avons observé un changement significatif dans son comportement : elle n’était plus nerveuse en permanence, était moins agressive sur le plan verbal et ses idées de persécution étaient moindres à notre égard. Nous allions toujours vers elle, accompagnés du chat, comme un allié qui nous permet de retrouver un lien social qui tendait à se perdre peu à peu.
Quand la communication devient difficile
Il ne faut jamais se dire que la communication n’existe plus, que le lien social est rompu. La médiation animale est un outil fantastique pour valoriser les ainés, leur témoigner de l’importance et favoriser les échanges. Que ce soit par le biais de chiens, chats, poissons, lapins, cheval, tout est possible, à condition d’y croire et de réaliser un projet qui tienne dans le temps. La médiation animale ne fonctionne pas avec tout le monde bien entendu mais reste une des interventions non médicamenteuses les plus plébiscitées par les études, afin d’apaiser les comportements réactionnels, et essentiellement l’apathie et les cris. En petit groupe ou en individuel avec le résident, elle permet de solidifier le lien et de passer un agréable moment, empreint de partage, de découverte et de vie.
Nathalie Benarroch-Queral, psychologue gérontologue