Dementia Friendly Communities
Le Bistrot Mémoire Rennais, créé en 2004, a initié un premier groupe de plaidoyer de personnes vivant avec une maladie neuro-évolutive dites « jeunes » en 2017 et a fait de Rennes la première ville « dementia friendly » en France. L’idée fondatrice des « Dementia Friendly Communities » (DFC) est de faire la démarche d’aller vers ceux pour qui la vie est rendue plus difficile du fait d’une maladie et de ses conséquences. Au-delà des aspects pratiques et des apports indéniables de la technologie, il y a avant tout l’adaptation humaine de chacun d’entre nous, en tant que citoyen, pour que la vie soit possible comme tout le monde, le plus longtemps possible y compris lorsqu’on a des handicaps invisibles. « L’idée de l’inclusion telle que je le vis c’est d’être dans la vie, la cité, avoir une vie intéressante, faire du yoga, de la marche nordique, de la poterie. Je suis libre d’aller et de pratiquer mes activités. J’aurai quelqu’un pour m’aider me donner une direction. Je trouve toujours quelqu’un pour m’aider. Et cela se fait. »
L’idée de toujours trouver une bonne volonté fait référence à une expérimentation « happening » réalisée avant la crise du Covid-19 par Globalcité. Des acteurs avaient joué le rôle de personnes, atteintes de maladies neuro-évolutives et rencontrant des difficultés en situation dans la rue. Il ressort qu’il y a toujours une personne pour aider et proposer une solution, voire interpeller d’autres personnes pour venir en aide. Lors d’une telle action de sensibilisation du grand public, par les malades et les bénévoles, chaque personne ainsi sensibilisée devient un « dementia friend », susceptible à son tour de sensibiliser autour de lui. Cela démontre qu’il est possible de vivre bien dans la société si celle-ci rend les circonstances possibles et favorables pour continuer à exister. Ce qui nous met encore plus en confiance, c’est l’attitude des jeunes dans cette expérience qui s’est révélée très dynamique et proactive. Cela nous renforce dans l’espoir d’une société meilleure et la nécessité de poursuivre les efforts de sensibilisation au travers de partenariats développés au sein de Globalcité.
Militer pour sensibiliser
« J’ai trouvé beaucoup de choses et d’humanité dans l’association et dans la cité et je suis bien là où je suis. Si je suis là, c’est que j’ai quelque chose à faire pour Alzheimer. » Un des leitmotiv de l’association c’est, « rien pour nous sans nous ». C’est pour cette raison que « j’appartiens au groupe des ambassadeurs qui militent pour expliquer ce que je vis et ce qui peut être fait pour moi et d’autres dans des situations similaires ». Dans le groupe des ambassadeurs, se partagent et se transmettent des pratiques, astuces, routines qui fonctionnent. Comme par exemple, prendre des décisions, gérer le temps, entretenir la mémoire épisodique, gérer le niveau d’énergie.... Nous avons développé ces pratiques avec un neuropsychologue au début. Au-delà des aspects pratiques dans le quotidien de tous les jours, il y a des éléments plus profonds qui sont les piliers de l’aidance et de la relation. L’amour et la confiance qui mettent au premier plan les capacités de l’intelligence intuitive qui reste prédominante sur l’abstraction. Nous partageons ensuite volontiers ces pratiques et ce savoir qui émerge de l’expérience.
Une expérience inspirante
« Récemment j’ai escaladé un 3000 dans le Pyrénées. Je voulais absolument le faire. Car même avec Alzheimer, le faire c’est magique. Chaque personne a quelque chose à faire pour travailler sur cette maladie. Plus je vais vers… plus j’ai envie de continuer. Compte tenu de mon handicap, (une atrophie corticale postérieure) l’appréhension du relief est très difficile surtout en descente. Ma vitesse de descente rend difficile une telle ascension car il faut redescendre à temps pour ne pas s’exposer à une situation très risquée la nuit. » Dans ces conditions une ascension comme celle-ci relève de l’exploit. Une telle expérience est un exemple, elle peut donner envie, et inspirer. Il a fallu inventer comment guider quelqu’un, avec ce handicap cognitif, sur un relief délicat. Après bien des essais infructueux, le guidage par la main s’est avéré le plus précis et adapté. Nous avons appris aussi que son cerveau met en moyenne douze minutes pour se calibrer à la marche en montagne. La capacité à s’adapter reste présente et demande juste plus de temps que la persévérance va nous offrir. Toutes ces données et ces pratiques sont bien sur partagées avec l’équipe du CHU qui nous suit et les ambassadeurs. « J’arrive à trouver des solutions. J’essaie de transmettre ce que je fais et j’ai une vie qui me va bien. J’ai l’impression d’avancer pour Alzheimer. »
La prise de risque est aussi très importante et nous le travaillons à Globalcité. Venir témoigner, c’est prendre un risque. Nous prenons des risques, certes, mais mesurés. La liberté et la responsabilité de l’individu s’exercent tout autant que sa citoyenneté. Nos peurs à nous aidants, des risques pour les aidés, ne doivent pas les empêcher de réaliser les choses qu’ils veulent faire. Le libre-arbitre doit pouvoir être exprimé, ce n’est pas parce qu’une personne a du mal à s’exprimer qu’elle n’a pas une envie, un but ou un défi à relever.
Trop protéger peut limiter la capacité à s’adapter. Alors que sortir de sa zone de confort dans des situations ou on est accompagné et aidé crée des aptitudes qui contribuent à limiter le déclin cognitif. « Ça j’en suis sûre, j’en suis vraiment sûre. »
Sophie Androuin, membre des Ambassadeurs, membre du bureau Globalcité ; Arnaud Villemin, aidant, secrétaire et Isabelle Donnio, co-fondatrice et vice-présidente Globalcité
Note de bas de page