Quand l’établissement médico-social se transforme et s’ouvre
En ce mois de septembre, à l’échelle mondiale et nationale, une attention particulière est portée aux personnes vivant avec une maladie d’Alzheimer, à la prévention, aux soins, au regard sur le handicap cognitif, psychique et physique. C’est le cas à Dax, au sein du village Landais Alzheimer. Cette structure expérimentale publique est conçue, sur un parc arboré de cinq hectares, comme un quartier de la ville. Le bus s’y arrête, et la médiathèque est ouverte à tout public deux fois par semaine. L’auditorium accueille aussi des spectacles de chant ou théâtre une fois par mois environ. Les 80 places sont vite remplies par les villageois, leurs familles et les bénévoles.
Depuis l’autorisation sous statut expérimental, par l’ARS Nouvelle Aquitaine et le Conseil départemental des Landes en 2015 (renouvelée une fois) en passant par son ouverture aux premiers habitants en juin 2020 après le premier confinement, les professionnels portent l’ambition d’un autre regard, d’un autre soin, d’une autre société plus inclusive. Dès l’ouverture, grâce à son architecture particulière et l’engagement de la direction et des professionnels, les familles ont toujours pu venir au Village rendre visite à leurs proches. Les bénévoles sont arrivés en deux fois, entrecoupées par le deuxième confinement. Ils font vivre principalement les tiers lieux que sont l’épicerie, la brasserie et la médiathèque. Certains animent aussi des ateliers (tricot, lecture de contes, écoute musicale...) et ils viennent nombreux lors des évènements festifs (projections de films, fête du Village, guiguette…).
L’étude téléphonique réalisée par l’équipe Inserm Bordeaux UMR1219 avant et après ouverture du VLA-HE objective déjà un petit mais significatif changement autour des représentations liées à la maladie d’Alzheimer, avec moins de sentiment de dégout et de perte d’identité retrouvé dans la population vivant autour du Village. Ainsi donc quatre ans après, on est en droit d’imaginer une modification pérenne et plus importante.
Une architecture, une philosophie et un accompagnement différents
Le choix de l’architecture particulière avec au seuil une bastide autour de laquelle des tiers lieux sont réunis (médiathèque, auditorium, brasserie, centre de santé de la Mutualité Française Landes9) puis quatre quartiers reliés entre eux et constitués de quatre maisonnées reparties autour d’une place centrale, le tout au milieu d’un parc de cinq hectares où s’épanouit une végétation caractéristique de la région landaise, en fait un lieu de vie encapacitant et soutenant la rencontre et le lien social. Quel que soit l’endroit où l’on se trouve, le sentiment d’enfermement est quasi inexistant. La proximité avec la nature, les chemins reliant les différents quartiers et la liberté d’aller et venir à travers le parc cassent les codes des lieux de vie type Unité Alzheimer. La maisonnée de sept ou huit villageois restent un lieu sécurisant où chacun peut se retrouver chez soi, en petite collectivité, ou dans sa chambre individualisée pour plus d’introspection ou d’intimité. L’environnement architectural, l’aménagement intérieur et l’engagement dans les activités de la vie quotidienne tant des villageois, que de leurs aidants et des professionnels ont pour objectifs d’améliorer le sentiment d’accomplissement de soi, de maintenir le lien social et de combattre l’anxiété, l’agitation et l’apathie. Cet espace efface les barrières et les limites, tout en facilitant les repérages avec ses chemins et ses panneaux indicateurs.
La philosophie de soins et d’accompagnement repose sur quatre piliers :
- L’engagement de chaque instant par tous et pour tous ;
- la sollicitude ;
- la recherche de la liberté d’aller et venir ;
- l’approche centrée sur la personne avec ses besoins, ses désirs et ses envies.
Ces principes doivent diriger toute prise en soin et accompagnement auprès des villageois. Pour ce faire, l’équipe d’encadrement s’engage au plus proche auprès des professionnels et des bénévoles afin de former, communiquer, et proposer des espaces de réflexions.
Le Village suscite un intérêt en proximité, dans toute la France et au-delà de nos frontières, d’équipes politiques, médicales et médico-sociales. Les premiers résultats de l’étude observationnelle, menée de façon indépendante par l’équipe de l’INSERM du professeur Amieva objective un moindre déclin cognitif dans les premiers mois après l’entrée au Village, une stabilisation de la qualité de vie des villageois malgré l’avancée de la maladie neuroévolutive, et un allégement du fardeau des aidants. La recherche étant toujours en cours les résultats scientifiques ne seront dévoilés que dans un an. De façon pragmatique, nous constatons des troubles psycho comportementaux amoindris et des aidants beaucoup moins en souffrance.
Il y a toujours de nouveaux bénévoles qui se proposent, montant à 70 le nombre d’entre eux, preuve que le regard sur l’accompagnement des personnes vivant avec une maladie d’Alzheimer se transforme petit à petit.
Docteur Gaëlle Marie-Bailleul médecin référent, Village Landais Alzheimer