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Le jardin d'Eden

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« Le jardin partagé, qui devient thérapeutique, peut être une autre réponse, un autre traitement non médicamenteux », analyse Philippe Giafféri, conférencier.

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[JARDIN THERAPEUTHIQUE 4/18] Synonyme d’Eldorado, de paradis, de pays de Cocagne, le jardin d’Eden peut être considéré comme la deuxième résidence de l’humanité, avec, en son centre, « l’arbre de la vie », de la science, du bien, du mal. Nous pouvons imaginer, par voie de conséquence, qu’il fait écho à l’être humain qui évolue au fil de ses expériences. Quant à cet arbre, il se caractérise par ses nombreuses racines (croyances, cultures, valeurs, etc.) profondément ancrées dans la terre, et ses branches (chemins vers les autres) qui s’étirent vers le ciel.

Un objectif

Le jardin partagé est un espace vert, plus ou moins grand, situé dans une commune quel que soit le nombre d’habitants, la densité de population, la région. Il s’inscrit dans deux démarches. D’abord locale : les habitants s’unissent pour créer de nouvelles méthodes pour faire vivre leur ville ou leur quartier, ils se rassemblent autour d’un projet commun, ils ont l’ambition d’améliorer leur cadre de vie, ils y partagent les tâches et l’organisation, ils ouvrent un lieu d’échanges, de mise en commun, de mutualisation. Puis de développement durable : le mot environnement fait partie aujourd’hui de tous les contextes et enjeux sociétaux et économiques.

Au-delà de cette structuration purement sociale, celui-ci permet de se dépenser, de se détendre en plein air, de créer des liens, d’apprendre, de développer la patience, de regarder, de se remettre en question, de s’enrichir, de sortir de son cadre habituel et sécurisant (dit « zone de confort »), d’être pédagogue envers les autres qui découvrent les plantes, les arbres, la nature, même si elle n’est « qu’un coin de nature », de croiser l’autre, un anonyme, un voisin, qui deviendra un ami, une relation, peu importe son âge, sa situation familiale, son sexe, et également la seconde entité d’un éventuel trouble ou conflit de voisinage.

Un autre traitement non médicamenteux

Dans le cadre bien spécifique de la maladie d’Alzheimer, tout en reprenant tous les concepts précédemment énoncés, le jardin partagé, qui devient thérapeutique, peut être une autre réponse, un autre traitement non médicamenteux.

D’une part, il se constitue en un lieu d’intérêt : en offrant une seconde fenêtre sur la vie (découverte et apprentissage d’atmosphères différentes, ouverture vers le monde extérieur), en vivifiant le corps (contre le diabète, le cholestérol, l’obésité) et l’esprit (diminution de la sédentarité, accroissement de la coopération et de la participation à la vie collective), en s’activant (arroser les légumes, tailler les fleurs, charrier la terre). D’autre part, il encourage les capacités préservées de la personne accompagnée : en sentant les substances volatiles (odeurs), en touchant les plantes pour les redécouvrir et les appréhender, en observant pour analyser l’environnement à la bonne distance, en se remémorant des noms (stimulation de la mémoire à long terme et plus précisément les mémoires sémantique et procédurale). De la sorte, certains troubles associés à cette maladie, comme l’apraxie (1), l’agnosie (2), l’aphasie (3), peuvent se restreindre quelque peu.

Par ailleurs, sur le plan des soins purement « to care », celui-ci peut répondre positivement à des réactions, sentiments ou préoccupations amenés par cette maladie. En effet, sa conception simple ne peut qu’apaiser, en améliorant l’humeur et réduisant l’anxiété, plus particulièrement pour les personnes stressées ; l’espace proposé facilite la déambulation, tout en la sécurisant ; il peut ressembler à une sortie hors des murs qui évite les possibles désorientations ; il peut conduire vers une sensation de calme et de paix intérieure.

Retarder les conséquences de la maladie

Mais, en sus de ces moments pris à la maladie, deux attitudes peuvent être protégées. La première, un basculement dans la solitude (repli sur soi) est retardé car, dans ce jardin « protecteur » de ces personnes malades, elles s’expriment, donnent un avis, restent autonomes, montrent qu’elles existent ; les soignants ne font pas à leur place ; l’établissement n’est pas qu’un lieu « aseptisé » : il offre une vision différente ; l’aidant repart rasséréné : il n’a vu que le père, la mère, le conjoint.

La seconde, suite logique, est un affermissement de l’estime de soi ; la personne accompagnée, même si elle ne s’en rend peut-être pas compte, motive ses valeurs : elle sait qui elle est et pas exclusivement une personne malade, elle l’accepte autant que faire se peut ; elle possède encore des potentiels (résultats et échecs), des ressources (à la place de défauts et qualités), des limites ; une confiance en elle-même revient, tout en se faisant aider lorsque cela est nécessaire ; elle apprécie ce qu’elle fait, sans mesurer un écart en sa faveur par rapport à l’autre, sans faire de l’autosatisfaction, ni en présentant le meilleur d’elle-même.

C’est pourquoi, parce qu’elle est redevenue capable de s’aimer elle-même, elle aimera mieux l’autre ; la règle d’or : « Traite les autres, comme tu voudrais être traité » l’inspire, comme l’inspire cet extrait du livre S’estimer et s’oublier du psychiatre Christophe André : « L’estime de soi, c'est comment on se voit, comment on se juge, mais aussi et surtout comment on se traite. C’est la manière forcément intime et personnelle, dont nous habitons et faisons vivre le rapport à nous-même. »

Philippe Giafféri, conférencier

 

Notes de bas de page

(1) L’apraxie est la perte des fonctions d’exécution et des savoir-faire.

(2) L’agnosie est la difficulté de la (re)connaissance des choses.

(3) L’aphasie est un trouble du langage écrit ou parler (expression ou compréhension).

Alzheimer

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