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Le jardin « art, mémoire et vie » de Nancy

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« Le jardin devient alors un refuge, un espoir. Il donne sur une belle allée bordée de part et d’autre de platanes, sur la rue, sur les autres gens, sur le grand ciel, on y respire à pleins poumons. L’anxiété commence à se dissiper », expique Dahbia Ait Ali, assistante de soins en gérontologie, unité cognitivo-comportementale du CHRU de Nancy.

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[JARDIN THERAPEUTHIQUE 12/18] L’unité cognitivo-comportementale (UCC) du CHRU de Nancy accueille des patients atteints de la maladie d’Alzheimer et maladies apparentées. Ils arrivent du domicile, d’une institution ou des services d’urgence, pour décompensation ou lorsque des troubles du comportement sont constatés par l’entourage. Un rééquilibrage médicamenteux est mis en place, en parallèle avec une prise en soins non médicamenteuse dont le jardin thérapeutique qui y joue un rôle primordial.

Quand le jardin se mue en « panseur de blessures »

Le jardin thérapeutique est parfois source d’inspiration pour des ateliers programmés et encadrés par une équipe pluridisciplinaire (psychologue, psychomotricienne, ergothérapeute et orthophoniste) en collaboration avec les infirmières et les aides-soignantes. En automne, les feuilles mortes sont ramassées et servent de patrons pour en créer d’autres sur papier. Au printemps, des semis de fleurs et de tomates sont réalisés dans des jardinières destinées à cet effet. Certains patients sont comme ressuscités ; ils s’affairent avec joie, se trompent d’outils, s’impatientent, tracent des sourires, renouent avec la vie. Un vrai exercice de réminiscence pour ceux qui avaient la main verte, ceux qui passaient des week-ends entiers à bêcher leur lopin de terre, à vanter la qualité de leurs tomates charnues.

La sollicitation du jardin thérapeutique dans la gestion des troubles du comportement est plus qu'indispensable. En tant que soignants, nous assistons souvent à des changements de comportement liés à la fréquentation de cet espace vert qu’on peut qualifier en outre de « panseur de blessures ». Généralement, lorsqu’une personne arrive dans l’unité, accompagnée souvent par sa famille, elle semble effrayée, a le regard vide et tourne en rond comme pour trouver une issue de sortie. Elle est complètement perdue d’autant plus que le lieu et le personnel lui sont étrangers. D’où l’expression d’une envie de partir. À ce moment précis, on propose de faire un tour dans le jardin thérapeutique. Une sorte d’échappatoire dans une situation délicate qui met les familles et le personnel dans la gêne, voire le désarroi. Le jardin devient alors un refuge, un espoir. Il donne sur une belle allée bordée de part et d’autre de platanes, sur la rue, sur les autres gens, sur le grand ciel, on y respire à pleins poumons. L’anxiété commence à se dissiper.

Un jardin salutaire pour tant de personnes accompagnées

Le jardin fut salutaire pour Monsieur V. atteint de la maladie d’Alzheimer et admis au printemps pour exacerbation des troubles dans son Ehpad. Le lendemain de son arrivée, il a commencé à déplacer les chaises, à arracher les herbes... Seul bémol, il escaladait souvent les rambardes pour passer d’un endroit à un autre, la surveillance était alors de mise. Il passait des journées entières à déambuler. Dehors. Des journées de travail pour le patient dont l’appétit s’est amélioré et l’agressivité s’est sensiblement atténuée.

Admis dans le service pour maintien à domicile impossible, pour raison d’hétéro-agressivité et délires de persécution, Monsieur B, ancien chef de chantier du BTP, passe le clair de ses journées dans le jardin. Il désherbe à sa façon, plante des bouts de bois partout où c’est possible, déplace des chaises, s’arrête de temps en temps, regarde au loin et quand il nous aperçoit. Il prend place sur un banc et dit : « Tu vois là, il faut planter des piquets, et il faut enlever tout ça. » Il affiche un visage serein empreint d’une certaine fierté. Une fois à l’intérieur, il reste calme et souriant, se mêle naturellement aux autres hommes et se met à discuter.

Madame P. à la maladie d'Alzheimer encore non étiquetée et venant d’un Ehpad pour impulsivité physique et verbale, déambulation pathologique et désinhibition, se targue actuellement de ses dessins et surtout des bouquets de fleurs qu’elle compose et demande qu’on la prenne en photo avec. « C’est pour montrer à ma fille. » Dès le lever, elle se dirige vers le jardin, il lui est domestique, elle se l'est approprié le temps d'une hospitalisation. Tout le long de la journée, elle parle jardin, assiste à tous les ateliers. Elle est beaucoup plus calme et passe une partie de ses après-midi à colorier des mandalas.

Un cocoon pour les personnes malades, les familles et les équipes

À partir du mois de juin, les repas sont servis dans le jardin, les têtes sont protégées du soleil et l’ambiance y est agréable, les résidents semblent plus détendus ainsi que le personnel. Certains y restent toute l’après-midi comme pour prolonger le plaisir.

Lorsqu’il pleut beaucoup et que le sol devient glissant ou qu’il vente fort, par mesure de sécurité, le jardin est fermé ; l’espace de déambulation devenu restreint, induit généralement une augmentation de l’anxiété et de l’agitation due à la promiscuité, ce qui requiert un recours à la médication.

Il arrive que les tensions montent, que des personnes ne se supportent pas. Alors un tour auprès de la nature, à proximité du portail est proposé. On fait diversion. En avançant, on rappelle la présence de l’arbre, on le fait toucher, on fait lever la tête pour montrer le ciel, on loue la beauté des plantes. Souvent, on propose une halte sur un des bancs éparpillés partout dans cet espace de réconciliation. Le halètement dû à l’énervement et à la fatigue s’estompe.

Lors des beaux jours, les patients des soins palliatifs atterrissent avec leurs lits dans le jardin. Ils y prennent une bouffée d’air et de chaleur dans un cadre agréable. Il arrive que leurs familles viennent s’y promener seuls, histoire de se décharger, de déverser leur chagrin loin de leur proche.

Lorsque la charge mentale est lourde pour les soignants, compte tenu de notre travail nécessitant beaucoup de patience et d’énergie, sortir prendre l’air, faire le tour du jardin, permet de se détendre et de prendre du recul par rapport aux situations difficiles.

Dahbia Ait Ali, assistante de soins en gérontologie, unité cognitivo-comportementale du CHRU de Nancy

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