A l’origine du projet...
Comme tout autre projet, le jardin repose en majeure partie sur l’histoire de vie des résidents et sur leur projet d’accompagnement personnalisé (PAP) : ceux issus d’un milieu rural, en particulier, en sont naturellement les premiers bénéficiaires, d’autant plus s’ils travaillaient la terre ou disposaient d’un jardin avant leur entrée en institution. L’idéal est que l’établissement dispose d’un espace extérieur, mais d'autres alternatives peuvent être envisagées. Il existe par exemple des jardinières adaptées permettant de faire quelques plantations en intérieur. La pertinence du projet repose également sur la politique de la structure : là où l’on favorise de plus en plus les thérapies non médicamenteuses en unité protégée, les activités telles que le jardinage trouvent tout leur sens.
Après avoir étudié la forme que prendra le jardin proprement dit (verger, potager, flora....) en fonction de l’espace extérieur à disposition, il faut se pencher sur son financement. L’achat de quelques plants, graines et petits matériels est suffisant pour commencer. L’agent d’entretien est l’interlocuteur à privilégier. Une communication avec les familles sur le projet permet parfois d’obtenir des graines et des plantes gratuitement. Il ne faut pas hésiter à utiliser son réseau de contacts et faire connaître le projet aux jardineries, fleuristes, associations de proximité. Un partenariat peut voir le jour, avec des tarifs avantageux, voire des dons...
Pour compléter ces moyens, une sortie à la jardinerie est organisée avec un groupe de résidents, ce qui leur permet d’être déjà acteurs du projet à travers le choix des plantes, au-delà des bienfaits de la sortie proprement dite.
Pour débuter, je conseille d’opter pour des fleurs (oeillets, géraniums, bulbes), des plantes aromatiques et des légumes et fruits facilement cultivables (radis, framboisiers, pieds de tomates et de piments, courges).
Un travail d’équipe
A chaque fois que j’ai mis en place ce genre de projet en structure, je me suis heurté à une certaine réticence de la part de mes collègues soignants. Ceux-ci craignaient de devoir s’occuper de l’entretien des plantes ce qui, au vu de leur charge de travail déjà conséquente, est une appréhension légitime. Il est en ce sens indispensable de bien planifier chaque étape des opérations et s’assurer de l’implication des résidents ainsi que du soutien, le cas échéant, des aidants. La meilleure façon de rassurer le personnel est d’avoir le soutien de la direction qui validera un protocole bien établi et d’écrire en amont le projet.
Parmi l’équipe, il y a toujours quelques volontaires à la main verte pour participer aux ateliers proposés. Les activités thérapeutiques font d’ailleurs partie intégrante, dans de plus en plus d'unités protégées, de leur travail, s’inscrivant dans leur déroulé de journée au même titre que l’aide à la toilette ou aux repas. Mais, là encore, tout doit être acté par le directeur, le médecin coordinateur et le chef de service. Il ne faut pas oublier que l’effet apaisant de ce type d’activité a pour conséquence une baisse considérable d’agitation, d’anxiété et de troubles du comportement en fin de journée, ce qui fait donc gagner du temps, in fine, aux soignants... L’entretien du jardin par les résidents fait également gagner du temps aux agents techniques.
Guidés par l’animateur, les usagers atteints de troubles neurocognitifs se montrent tout à fait capables d’effectuer l’arrosage, l’arrachage des mauvaises herbes, la coupe ou encore la récolte. La mémoire procédurale est à l’œuvre ! A ces fins, il faudra s’assurer de la mise à disposition du matériel nécessaire. Ainsi, par exemple, laissera-t-on près d’un point d’eau un arrosoir qui incitera à la prise d’initiative.
Passées les premières séances, les personnes accompagnées prendront une habitude rituelle et n’auront plus besoin d’être encadrées, même si une surveillance s’impose toujours. Les aidants (familiaux ou bénévoles) sont naturellement les bienvenus pour accompagner les usagers pour l’entretien du jardin. Attention toutefois à ne pas faire à leur place et leur laisser prendre des initiatives, faire des choix et jardiner comme ils l’entendent ou comme ils le faisaient autrefois.
Une dynamique retrouvée
Dès le début du printemps, les résidents sont invités à participer de façon régulière aux ateliers. Le rythme varie selon la météo bien sûr, mais aussi selon les capacités de chacun. Certains voudront s’occuper du jardin un petit peu chaque jour là où d’autres se contenteront d’un rituel hebdomadaire. Quoi qu’il en soit, l’animateur les accompagne pendant les premières séances, en constituant des petits groupes, voire en proposant une animation individuelle. En groupe, on constate que cette activité génère des échanges spontanés entre les participants. Il s’agit essentiellement d’aider, d’assister, tout en veillant à l’aspect sécuritaire.
De nombreuses suites à un projet jardin sont envisageables. Ainsi, constatant que certains avaient pris goût aux travaux de bricolage (fabrication de jardinières à partir de palettes, lasure, peinture, etc.), j’ai proposé d’agrémenter le jardin d’un mobilier d’extérieur. Bancs, tables et chaises ont été fabriqués de toute pièce à partir de bois de récupération, puis peints afin de résister aux intempéries. On peut trouver tout un tas de tutoriels sur la toile pour fabriquer facilement et à moindre coût ce genre de mobilier. Les activités directement liées au jardinage donnent tout son sens au projet : de la culture à la consommation ! Ateliers d’épluchage de légumes, cuisine thérapeutique, pâtisserie... La récolte elle-même peut faire l’objet d’une activité en tant que telle. Une activité d’arrangements floraux et de décoration peut aussi voir le jour avec les fleurs récoltées. Dans tous les cas, à travers ce cycle d’animations, estime de soi et entretien des capacités mnésiques sont alors stimulés.
Richard Mesplède, ancien animateur en Ehpad et formateur