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L'animal, facilitateur de liens

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Le travail avec des animaux est source d'inspiration.

Crédit photo DR
[MÉDIATION ANIMALE 9/23] Facilitateur de liens, sujet de conversation tout trouvé et acteur de la séance, l’animal en rééducation orthophonique, pourtant dépourvu de parole, va permettre à la personne accompagnée de se libérer et de s’exprimer sous le regard et les questionnements de l’orthophoniste.

Ce qui marque le plus lors des premières séances, c’est l’intérêt porté au chien, ce qui va jouer un rôle important dès le premier contact en simplifiant l’entrée en relation. Le thérapeute, accompagné d’un chien, est perçu comme plus abordable ou sympathique. Avoir des animaux semble conférer au praticien une sensibilité accrue et une empathie qui rassure le patient et aide instaurer une bonne relation thérapeutique qui va favoriser le bon déroulement des séances. Citons l’exemple de Mme R., 51 ans, qui vient pour un bilan à la demande de son neurologue. Ses plaintes sont alors limitées, elle ne comprend pas pourquoi elle doit consulter une orthophoniste qui, selon ses représentations, ne s’occupe que d’enfants qui parlent mal. Alors, dans la salle d’attente, elle se fait toute petite, et adopte une attitude très renfermée. Elle entre dans le bureau, peu motivée à échanger, le regard noir et les mâchoires contractées. Elle se montre peu sensible à mes sourires et à mon attitude avenante. Avec son accord, j’introduis les chiens dans le bureau ; ils vont spontanément à son contact lui réclamer des caresses. Aussitôt, son comportement change, elle se détend et leur parle. Leur présence et leur enthousiasme la rassurent et diminuent son niveau de stress. Elle finit par se tourner vers moi et me questionner sur les chiens, me parler de ses chats, et poursuit en évoquant sa vie plus personnelle.

Entrer en contact

Les chiens m’ont ainsi permis d’établir un contact avec elle : le sujet de conversation est tout trouvé. Le bilan peut alors commencer, ou plutôt se poursuivre car ce premier échange m’a déjà fourni des informations sur son niveau d’expression : cherche-t-elle ses mots ? A-t-elle un débit de parole ralenti ? Finit-elle ses phrases ? Se répète-t-elle ? La séance est vécue comme un moment de partage autour d’une discussion plutôt que comme un interrogatoire où il faut veiller à répondre correctement. L'intérêt et la source d'affection que le chien offre insufflent la force requise pour entreprendre une action que l’apathie grandissante entrave. Cette relation particulière va influer sur la motivation du patient, son implication, son estime de soi et son plaisir dans les interactions. Ceci crée des conditions optimales pour aborder le travail rééducatif et en découlera une meilleure efficacité de la prise en soin.

La rééducation orthophonique à trois

Une fois la relation établie et le climat de confiance installé, nous pouvons entrer dans le vif du sujet et aborder le travail rééducatif. L’objectif est d’améliorer, maintenir ou ralentir la détérioration des fonctions cognitives et langagières. Voici quelques objectifs spécifiques. Avec des exercices visant à améliorer la mémoire lexicale et la fluidité verbale, l’orthophoniste aide les personnes à maintenir leur capacité à parler, à comprendre, à exprimer leurs idées de manière claire. L’animal est un support facilitateur d’échanges : un sujet de conversation tout trouvé. Le patient va spontanément revenir sur ses souvenirs, évoquer les animaux qu’il a déjà eus et raconter des anecdotes. Chaque opportunité sera saisie pour inciter à échanger : parler de l’animal médiateur, le décrire, partager ce qu’on sait de lui, exprimer notre affection envers lui et évoquer les activités il apprécie. Les sujets tourneront d’abord autour de l’animal, puis viendront d’autres sujets plus personnels.

On profitera de ces échanges pour maintenir une bonne prononciation, car avec la maladie, elle devient moins précise du fait d’une hypotonie des membres bucco phonateurs. On pourra donner un ordre à l’animal, lui apprendre des nouveaux tours en articulant distinctement, et en projetant suffisamment la voix. Quelle satisfaction, pour ces patients qui se sentent diminués et dépendants, de pouvoir faire réaliser des tours ! C’est le cas de monsieur L, qui apprend au chien à faire tomber des quilles sur lesquelles sont écrites des lettres. Il doit demander au chien de faire tomber la quille qu’il lui désigne. À chaque réussite, il félicite spontanément le chien, tout en me faisant remarquer que vraiment « il ne lui manque que la parole ». M. L. devra ensuite évoquer le maximum de noms d’une catégorie préalablement définie, commençant par la lettre écrite sur la quille renversée.

Éviter tout échec

On pourra également aborder le travail de la production de phrases avec des exercices de concaténation : le chien lance trois dés sur lesquels des mots sont écrits : un avec des noms, un avec des actions et un troisième avec des lieux : au patient ensuite de construire une phrase avec les éléments tirés. En cas de difficultés d’expression, il m’arrive souvent de m’adresser au chien en plaisantant : « Tu aurais pu choisir plus simple, petit coquin ! », ce qui permet de diminuer le sentiment d’échec.

Le travail avec des animaux est source d’inspiration, et tout peut être adapté facilement sur cette thématique : l’animal peut, par exemple, être un prétexte pour travailler la planification : soit en remettant en ordre des photos représentant une promenade avec le chien : mettre le harnais, attacher la laisse, sortir… Soit en décrivant les tâches à accomplir pour prendre rendez-vous chez le vétérinaire.

La compréhension (notions spatiales, taille, couleurs…) peut être abordée en disposant les objets du chien à divers endroits, que le patient doit localiser en fonction des consignes données.

Ce travail fait également appel à la mémoire travaillée spécifiquement en rééducation par des exercices de rappels de séries de mots, de lettres, de chiffres ou de gestes. C’est là que mon chien intervient en tant « qu’ardoise » : le patient trace la série de chiffres avec son doigt sur le corps du chien. Cet exercice procure également le plaisir du toucher.

La formation, clef du succès

Ainsi, l’intégration des séquences de médiation canine à la rééducation orthophonique des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer est un objectif thérapeutique qui relève pleinement du champ de compétences de l’orthophoniste. Cependant il est primordial de définir un objectif thérapeutique précis pour les activités assistées par le chien afin qu’elles ne se limitent pas à un simple divertissement. Il ne suffit pas uniquement de mettre un chien en présence d’un patient, mais bien de l’intégrer dans une démarche thérapeutique structurée avec des objectifs précis prédéfinis. Ces objectifs sont essentiels pour encadrer le travail, favoriser l’évolution du patient, évaluer les résultats, et donner une crédibilité aux thérapies assistées par l’animal.

Pour cela, la formation du praticien et l’éducation du chien demeurent essentielles. Il est important pour le succès de ces programmes, d’assurer la sécurité des animaux et des patients impliqués en ayant une formation et des exigences pour respecter le bien-être de chacun. Cette démarche ne saurait donc s’improviser et suppose un investissement conséquent.

Mon pote Ioko

« Il est là mon pote Ioko ? » demande Monsieur T. en arrivant en consultation chez la dame dont il a oublié le nom. Jusqu’à la fin de sa prise en soin, ce patient entrera dans mon bureau avec cette même interrogation. Il souffre de la maladie d’Alzheimer, il perd ses mots, ses repères et sa mémoire s’efface.

Actuellement, aucun traitement ne permet de soigner cette maladie. En revanche, différentes interventions permettent de ralentir son évolution et de limiter ses symptômes. Les interventions non médicamenteuses, recommandées par l’HAS, stimulent la cognition, les émotions, et le comportement. C’est dans ce cadre que des méthodes non conventionnelles complémentaires comme la thérapie assistée par l’animal, sont mises en place afin de renforcer les effets des interventions. Une approche permettant à la fois d’agir sur la communication, le langage et la mémoire ainsi que les états émotionnels est préconisée dans un contexte d’atteintes aussi variées engendrées par la maladie. C’est ce que peut permettre l’introduction d’un chien au sein du suivi orthophonique des malades Alzheimer.

Sylvie Jacquet, orthophoniste et intervenante en médiation animale

 

 

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