[MEDIATION ANIMALE 7/23]
Dans une rencontre, deux êtres vivants vont s’apercevoir puis se contacter. Tous les deux vont essayer, dans un espace et une temporalité choisis par eux-mêmes, de mutuellement s’accepter, se comprendre, s’ouvrir au mieux et, avec le temps, créer une interaction.
L’animal et l’homme
L’animal est avant tout un être qui possède une âme (1), c’est-à-dire un principe de vie en lui-même. Il se définit donc comme un être automoteur doué de sensibilité.
Dans son traité Les parties des animaux, le philosophe Aristote concevait l’homme comme un animal supérieur d’un point de vue mental et technique (2), bien que parfois plus faible que d’autres espèces dans un aspect physique. Cette différence spécifique entre l’homme et l’animal s’est maintenue jusqu’à l’époque moderne où elle fut progressivement remise en question. La première révision est initiée par la doctrine du philosophe et mathématicien René Descartes : des animaux-machines ; cette thèse, définissant l’homme comme un seul être de pensée - « Cogito ergo sum » - « Je pense donc je suis » -, réduit l’animal à des sortes d’automates mécaniques privés de pensées qui se contente d’accomplir sa fonction.
La seconde révision intervient au cours du 18e siècle par le biais de l’écrivain et philosophe Jean-Jacques Rousseau ; celle-ci tente de démontrer que l’animal est avant tout un être sensible capable de sentiments ; à titre d’exemple, dans son traité Émile ou De l’éducation, l’auteur écrit : « (…) et si naturelle que les bêtes mêmes donnent quelquefois des signes sensibles. Sans parler de la tendresse des mères pour leurs petits, et des périls qu’elles bravent pour les en garantir (...). » Dans le même ordre d’idée, au 19e siècle, le naturaliste Charles Darwin avait établi « que, tout comme l’homme, les animaux ressentent le bonheur, la douleur, le malheur, le plaisir ». L’ultime révision est née le 18 février 2015, lorsque le Code civil dans son article 515-14 a dit : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. » De son côté, l’article 528 du même Code change légèrement sa définition des meubles : « Sont meubles par leur nature les biens qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre. » La mention destinée aux animaux disparaît.
L’homme et l’animal
Le statut de l’animal (3) ayant évolué tout au long de notre histoire, un lien affectif s’est créé entre l’homme et lui, amenant l’émergence de nouvelles disciplines comme l’éthologie et la médiation animale (4). Par ailleurs, afin de mieux comprendre cette relation bien particulière, de nombreux écrits philosophiques et politiques - dans le sens de civilité - peuvent décrire les traits de caractères humains à partir du comportement des animaux.
Plaute, auteur comique, dans sa comédie Asinaria (la comédie des ânes) a écrit cette maxime : « L’homme est un loup pour l’homme - Homo homini lupus est. » Si l’homme est le pire ennemi de son semblable, cette vision pessimiste de la nature humaine ne peut être retenue dans l’intérêt d’une interaction entre un soignant et une personne malade. Cette locution fut reprise, entre autres et plus tard, par le comédien et dramaturge Jean-Baptiste Poquelin dit Molière.
Selon Aristote, dans son ouvrage Les politiques, « l’homme est un animal social », qui a été également traduit par « l’homme est un animal politique ». En effet, la personne malade vit en société, parce que c’est dans sa nature d’être à côté de l’autre ou en communauté pour communiquer, au-delà de la maladie. Cette phrase fut répétée un peu différemment par le philosophe Thomas d’Aquin : « Homo est naturaliter politicus, id est, socialis - L’homme est par nature politique, et donc social. »
Dans l’œuvre Le prince, l’humaniste Nicolas Machiavel explique « qu’un homme politique doit à la fois se comporter comme un lion et comme un renard ». Le lion, le roi de la jungle, étant le symbole de la force et de la cruauté, le renard étant celui de l’intelligence et de la malice. Un bon prince doit être intraitable et malin pour conserver le pouvoir. Ni la personne malade ni le soignant ni l’aidant, normalement, ne souhaitent prendre le pouvoir.
Quant à l’homme de lettres Jean De Lafontaine, dans ses fables, il fit des animaux des êtres qui symbolisent l’homme et ses comportements, pour montrer la véritable nature de celui-ci. L’animal, de ce fait, lui servit de miroir.
Dès le début du 20e siècle et à travers deux exemples, des références littéraires ont également évoqué les ressemblances et les disparités entre l’homme et l’animal. Le roman La métamorphose de Franz Kafka présente une critique sociale aux multiples lectures possibles. La création de Pierre Boulle, La planète des singes, montre que l’intelligence humaine peut s’atrophier si elle n’est pas entretenue.
Parce que cette approche de l’un vers l’autre est remplie d’empathie, sans directivité, jugement ou conseil, mais avec une disponibilité intégrale prenant en compte les différents codes culturels et sociaux de chacun, alors la compréhension sera là et les émotions ne seront que des émotions positives (amour, confiance, envie, gratitude, joie, plaisir, sincérité, surprise).
Philippe Giafféri, conférencier et écrivain
Notes de fin de page
(1) Du latin anima : souffle de vie. C’est un principe de vie, de mouvement et de pensée de l’homme, différent de l’esprit conçue comme une activité intellectuelle et fréquemment opposé au corps.
(2) En tant que manifestation pratique expliquée par le fait que l’homme possède deux mains qui lui permettent de tout saisir et de tout tenir.
(3) D’abord domestiqué à des fins utilitaires, l’animal est devenu un compagnon intégré au sein de la cellule familiale.
(4) – « L’éthologie est l’étude scientifique du comportement des espèces animales, y compris humain, dans leur milieu naturel ou dans un environnement expérimental, par des méthodes d’observation et de quantification des comportements animaux. » Source : Le Petit Robert.
- « La médiation animale est une relation d’aide à visée préventive ou thérapeutique, dans laquelle un professionnel qualifié, concerné également par les humains et les animaux, introduit un animal d’accordage - Figure d’attachement - auprès d’un bénéficiaire. » Source : Fondation de France.