La décision d’accepter des animaux
L’entrée en établissement impose tellement de deuils à faire qu’il serait juste de ne pas en ajouter un supplémentaire surtout lorsqu’on se veut être « un lieu de vie et d’envie » (1).
La question m’a été posée assez brutalement alors que nous nous apprêtions à accueillir une nouvelle habitante en phase terminale d’un cancer. Au moment de fixer la date de son arrivée, sa fille m’a informée qu’il faudrait retenir le même jour que celui où elle ferait euthanasier la petite chienne de sa maman. Jamais cela n’avait été abordé, en constituant le dossier, et cette solution terriblement violente m’a conduit à ajouter aux services proposés dans l’établissement l’accueil des animaux de compagnie des habitants.
Les chiens, les chats ont donc fait partie de notre quotidien. Ils ont été un véritable accompagnant pour des personnes vulnérables qui ne pouvaient comprendre pourquoi ce compagnon qui les aimait sans condition ne pouvait rester à leur côté. Nina, adorable chiwawa, savait bien que sa maitresse avait besoin d’elle pour contenir ses angoisses, Choupette a assisté la sienne jusqu’à son dernier souffle.
Il est également arrivé que nous adoptions des animaux pour faciliter les soins et l’accompagnement de certains habitants. Ainsi Filou, un teckel américain a sauvé sa nouvelle maitresse du syndrome de glissement qui allait l’emporter après la mort de son mari. Pour lui, elle a quitté son lit, est sortie de sa chambre et a repris les balades dans le parc.
Quand des animaux choisissent l’Ehpad
Parfois aussi, ce sont des animaux qui nous ont choisis, habitants de la commune, deux chats se sont installés dans la maison, délaissant leur famille pour vivre avec ses personnes fragiles et abimées par la vie pour des instants de tendresse « gratuits » qui ont fait naitre des sourires sur les visages de ceux qu’on disait absents.
Bien sûr, l’accueil des animaux de compagnie ne se fait pas sans une implication de l’équipe qui peut considérer qu’il s’agit d’une charge supplémentaire, les proches ne l’étant pas toujours suffisamment pour assurer la gestion de l’animal. Mais nous avons aussi constaté qu’ils facilitaient les soins souvent mal acceptés par certains pour qui ils sont une intrusion incomprise et douloureuse dans l’intimité.
L’animal de compagnie est souvent le dernier lien de la personne âgée avec sa vie d’avant la dépendance. Assurer le continuum de l’histoire de vie de ceux que nous accueillons, doit conduire à nous pencher sur cette question, à organiser et inscrire dans le règlement de fonctionnement comme dans le livret d’accueil, les conditions de cet accueil pour qu’il soit accepté par tous.
Françoise Desimpel, directrice d'Ehpad en retraite
Notes de fin de page
(1) L’un des principes de L’HUMANITUDE®, philosophie de soins mise en place dans l’établissement.