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Bénéfices des jardins thérapeutiques dans la maladie d’Alzheimer

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Dr Thérèse Rivasseau Jonveaux, CMRR de Lorraine, CHRU Nancy

Crédit photo DR
[JARDIN THERAPEUTHIQUE 10/17] L'importance des interactions entre la personne vivant avec des troubles neurocognitifs et son environnement n’est plus à démontrer. Ainsi un environnement statique, peu attractif, pauvre, non familier, peut devenir angoissant et incapacitant, voire entraîner un syndrome de déprivation sensorielle.

Intervention non-médicamenteuse

Le Plan Alzheimer 2008-2012 a recommandé l’aménagement de jardins thérapeutiques dans les établissements qui accueillent des personnes vivant avec une maladie neurocognitive évolutive (MNCE). La démarche de validation « par la preuve » à l’aide d’études à la méthodologie pertinente existe pour les médicaments et les dispositifs médicaux. Pour les interventions non médicamenteuses (INM), une réflexion méthodologique pour établir leurs indications, contre-indications, utilisations et impacts se développe.

Les mesures environnementales s’en distinguent et ne font pas encore l’objet d’études débouchant sur de telles recommandations.

Les jardins thérapeutiques se situent à la croisée de ces deux champs d’intervention. En effet, la relation à la nature est source de bénéfices tant sur la santé physique : qualité de l’air, lutte contre la chaleur en ville, support d’activité physique, que psychique, sur la dépression, l’anxiété, les troubles du sommeil et ce, auprès de différents publics. Ainsi aménager un jardin dans un établissement de santé peut, par la dimension de nature qu’il apporte, s’avérer déjà intéressant. Offrir un espace extérieur sécurisé attractif au lieu de maintenir les personnes dans des lieux clos, peut contribuer à atténuer les troubles psycho-comportementaux. Mais surtout un jardin, dès lors que l’équipe l’intègre dans son projet de soin devient un support qui offre de multiples possibilités d’y déployer rééducation et INM. Le jardin permet d’organiser des ateliers d’orthophonie, de psycho motricité, d’ergothérapie, une rééducation à la marche en milieu « écologique » proche du réel, du quotidien, en complément des séances habituelles en salle.

Le jardin offre à chaque professionnel un support pour des interventions non médicamenteuses dans son champ de compétence : séances d’activité physique adaptée, stimulation et réhabilitation cognitive, art-thérapie, interventions assistées par l’animal et bien sûr hortithérapie.

Jardin « art, mémoire et vie »

Tels sont les objectifs de ce jardin. Des critères de conception (1) qui conjuguent approche médicale, neuropsychologique des besoins et capacités restantes et approche artistique et en faveur de la biodiversité, ont guidé la création du jardin « art, mémoire et vie » du CHRU de Nancy destiné aux personnes vivant avec une MNCE, à leurs proches et aux soignants qui y exercent. Ils visent la facilitation de l’orientation dans le jardin en proposant des points de repère, des itinéraires variés laissant place à une autonomie de choix pour s’y promener et pouvoir aisément y retrouver son chemin, mais aussi s’y installer pour contempler le jardin à l’écart, tout aussi bien qu’en groupe, y faire des haltes, à son rythme grâce à un mobilier ergonomique judicieusement disposé.

Le jardin permet de recevoir sa famille, les jeunes enfants qui y découvrent eux aussi des centres d’intérêt et peuvent participer à des ateliers trans et intergénérationnels, source de visites plus fréquentes, plus longues, plus agréables (2).

Plantes et œuvres d’art concourent à un enrichissement sensoriel, tout au long de l’année. Elles ont été choisies spécifiquement pour le site afin d’introduire des références culturelles régionales familières aux patients qui y puisent matière à échanges et réminiscences.

Le programme de recherche JAZ « Jardin Alzheimer », développé depuis 2010 au CHRU de Nancy, a pour cadre de recherche le jardin « art mémoire et vie ». Il se développe en plusieurs volets :

  • la validation du design du jardin au niveau de sa structuration spatiale, le « contenant » ;
  • le « contenu » : plantes et œuvres d’art inspirées de références culturelles ;
  • ses bénéfices sur les capacités cognitives et émotionnelles en pratique quotidienne à l’Unité Cognitivo Comportementale (UCC) pour les personnes atteintes de MAMA, pour les professionnels de santé du Centre Paul Spillmann et pour les proches visiteurs.

Comparaison entre ceux qui fréquentent le jardin et les autres

C’est ainsi que l’étude de la capacité de navigation, à travers une tâche d’apprentissage de trajet aller et retour dans le jardin a permis de montrer une progression chez des patients vivant avec une maladie d’Alzheimer. Et ce, alors que revenir sur ses pas est une tâche complexe. Des entretiens au cours de promenades dans le jardin pour solliciter les jugements artistiques, émotions, réminiscences et connaissances, ont montré que les personnes accompagnées y expriment des sentiments de joie et de curiosité en particulier face aux œuvres d’art.

En soins courants, la comparaison de groupes de patients hospitalisés à l’Unité Cognitivo-Comportementale selon qu’ils allaient ou non dans le jardin, a montré un rythme veille-sommeil plus physiologique avec l’absence d’agitation nocturne chez ceux qui étaient allés dans le jardin, moins de périodes de sommeil dans la journée et une durée de sommeil nocturne plus longue (3).

De même, la conscience de soi, appréciée par un questionnaire spécifique, se stabilise chez ceux qui fréquentent le jardin tandis qu’elle se dégradait chez ceux restant à l’intérieur durant leur hospitalisation.

En ce qui concerne les soignants, la comparaison d’équipes ayant le même type d’activité selon qu’elles exercent dans une structure dotée ou non d’un jardin thérapeutique, a retrouvé un intérêt sur la qualité de vie au travail.

Les proches visiteurs apprécient aussi le jardin : leurs visites plus sereines sont plus longues et plus fréquentes, le jardin favorise la présence des enfants. Les aidants s’y rendent aussi seuls lorsque leur proche est en soin. Les visiteurs soulignent le support à la communication et plus largement à la relation avec la personne malade que représente le jardin.

Enfin, lors de la période de confinement strict (4), l’autorisation d’utilisation du jardin en respectant les règles de distanciation a permis la poursuite d’une activité de soin de qualité, sans déplorer de transmission de l’infection SARS COV19 et sans augmentation des prescriptions de psychotropes durant cette période si particulière.

Ce bref aperçu mériterait d’être complété par une revue de la littérature internationale en plein essor. Il témoigne déjà de l’intérêt des jardins thérapeutiques, pour peu qu’ils soient bien conçus, dans une démarche participative de l’équipe favorisant l’appropriation du projet, pour peu aussi que leur utilisation soit réfléchie par les professionnels dans le cadre du projet de soin et de vie. Loin d’un effet de mode ou d’affichage de « green washing », de tels jardins, conçus et mis au service du soin deviennent à proprement parler « thérapeutiques ». Ils assurent ainsi le respect du droit « à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » comme énoncé dans la Charte de l’environnement annexée à la Constitution Française.

Dr Thérèse Rivasseau Jonveaux, CMRR de Lorraine, CHRU Nancy

 

Notes de bas de page

(1) Les jardins thérapeutiques : recommandations et critères de conception. Rivasseau Jonveaux T, Pop A, Fesch arek R, Chuzeville S, Jacob C, Demarche L, et al. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil. 2012;10(3):245‑53.

(2) Le jardin thérapeutique comme médiateur des relations sociales et familiales en UCC. Simzac AB, Jacob C, Nassau E, Surmely M, Fescharek R, Rivasseau Jonveaux T. Neurol psychiatr gériatr. https://doi.org/10.1016/j.npg.2023.11.004

(3) Bénéfices d'un jardin thérapeutique sur le sommeil dans les maladies neurocognitives. Friang C, Pop A, Jacob C, Nassau E, Fescharek R, Rousseau H, Rivasseau Jonveaux T. Geriatr Psychol Neuropsychol Vieil, 2022, 20, 3, 329-37.

(4) Une UCC à l’heure du confinement : le jardin thérapeutique médiateur d’interaction et de distanciation sociale. Jacob C, Nassau E, Fescharek R, Rivasseau Jonveaux T. Revue de neuropsychologie, 2020, 12, 166-169.

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