Mettre sa vie professionnelle ou personnelle en sourdine pour aider un proche en perte d’autonomie, c’est le lot – pas toujours par choix – de 8 à 11 millions de français. Parmi eux, France Travail recensait 61% de personnes en emploi en avril 2024, dont 4,4 à 5 millions de salariés contraints de jongler entre leur travail et leurs obligations auprès d’un tiers en souffrance. Et ce nombre est-il encore sans doute sous-estimé, dans la mesure où la majorité des aidants dissimule souvent ce statut. « Seuls 29% des aidants ont informé leur employeur de leur situation », alertait Arnaud Ziegerman, sociologue et dirigeant du cabinet Viavoice le 4 octobre lors de la présentation du 4e baromètre annuel de l’Observatoire des salariés aidants de l’institut de prévoyance Ocirp.
L'entrée en situation d'aidance à 33 ans
Deux principaux enseignements sont à retirer des résultats de cette quatrième édition de l’enquête. Première observation : la prise de conscience autour de la réalité du statut d’aidant augmente dans l’opinion publique. Si, en 2023, 54% des sondés pourtant concernés ignoraient ou niaient se trouver en situation d’aidance, ils ne sont plus que 47% cette année. Autre preuve de la sensibilisation croissante du grand public à cette problématique : 78% des salariés aidants et 66% des non-aidants avouent, en 2024, avoir déjà entendu parler du concept de proche-aidance. Second constat tiré de l’étude : la population aidante rajeunit. L’aidant moyen en France est âgé en moyenne de 42 ans et l’âge d’entrée dans la situation d’aidance est désormais fixé à 33 ans.
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Les femmes, plus concernées
Pour l’essentiel des concernés, la situation d’aidance concerne d’abord des personnes du cercle familial (87%). Généralement des parents (43%), des grands-parents (30%), le conjoint (9%) ou les enfants (7%). Chez les jeunes aidants, l’aide aux parents (46%) ou au conjoint (12%) est légèrement plus élevée. Le plus souvent, la situation qui amène un proche à devenir aidant est la perte d’autonomie liée à l’âge (48%), suivie par la maladie chronique ou invalidante (27%), l’accident ou la maladie (23%) ou le handicap (20%).
En moyenne, les aidants consacrent 8,6 heures à prendre soin d’un ou plusieurs proches. Les aidants les plus âgés sont les plus prévenants : les plus de 50 ans consacrent ainsi le double du temps des plus jeunes à leurs tâches d’assistance de proches en perte d’autonomie. Mais d’une manière sensible, l’essentiel des proches-aidants sont des femmes. Chez Axa, 75% des salariés déclarés aidants sont des femmes indiquait ainsi Amélie Wallet, DRH du groupe d’assurances à l’occasion de l’édition 2024 des rencontres « Aidons les aidant(e)s » organisées par le Club Landoy, un collectif d’entreprises impliquées dans les réponses au vieillissement de la population.
Le poids sur la charge mentale
La situation de proche-aidance pèse lourd sur le travail. 56% des sondés estiment ainsi que ces responsabilités aggravent leur charge mentale. Cette proportion monte même à 66% chez ceux qui assistent une personne en situation de handicap, 70% chez ceux qui assistent seuls un proche et à 60% chez les plus jeunes. Au total, 47% des aidants, toutes catégories et tous âges confondus jugent que cette situation détériore leur santé physique et mentale.
Quant à leur situation professionnelle, elle souffre également de cette responsabilité : 30% des aidants actifs indiquent se sentir mis en difficulté dans leur emploi à cause de leur statut. Chez les moins de 30 ans, ils sont 40% à le penser. 30% de ces jeunes aidants du secteur privé imagine même que cette situation les met en danger de licenciement (contre 21% dans la fonction publique).
Conséquences sur le travail: les DRH plus sévères que les salariés
Globalement, 55% des salariés du secteur privé indiquent que leur situation d’aidance a des conséquences sur l’organisation de leur travail, 54% qu’elle nuit à leur efficacité professionnelle, 52% qu’elle réduit la quantité de travail qu’ils sont susceptibles de fournir et 51% qu’elle détériore la qualité de leur travail. Chez les jeunes, c’est encore pire : chez les moins de 30 ans, 64% estiment leur efficacité réduite par leurs obligations de proche-aidance et 60% qu’elles les contraignent à lever le pied sur la quantité de travail à fournir à leur employeur.
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Plus inquiétant, les DRH sont encore plus sévères envers les aidants ! Dans les directions des ressources humaines, on estime à 82% que ces situations désorganisent le travail, à 83% qu’elles nuisent à l’efficacité des collaborateurs, à 83% qu’elle réduit leur quantité de travail et à 81% que la qualité du travail fourni en pâtit. Il y a manifestement encore du chemin à parcourir avant de faire réellement accepter la proche-aidance dans le milieu professionnel. Pas facile car entre l'augmentation de l’absentéisme et la perte de productivité qui en découlent, celle-ci coûte entre 25 et 30 milliards d’euros par an aux entreprises…