« 2,9 % de la population, est-ce la raison qui maintient le nombre de vieux pauvres dans une invisibilité qui les isole encore plus ou qui a incité les pouvoirs publics à les oublier dans les stratégies nationales de lutte contre la pauvreté ? », interroge d’emblée Anne Géneau, présidente des Petits frères des pauvres, en préambule du rapport annuel de l’association publié le 30 septembre.
Selon le document, deux millions de personnes de plus de 60 ans sont en situation de précarité. 22 % d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté (chiffres 2022). Sur l’ensemble, en 2023, le Conseil d’orientation des retraites (Cor) estimait que le lien entre petites pensions et niveau de vie modeste était « étroit pour les 40 % de retraités qui vivent seuls ».
Une pauvreté genrée
En premier lieu, les victimes de la précarité sont des femmes. Les inégalités de salaires ainsi que de parcours de vie professionnelles par rapport à ceux des hommes expliquent le phénomène. Et ce, en dépit de l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail. « Selon l’Insee(1), à temps de travail identique, le salaire moyen des femmes est inférieur de 15 % à celui des hommes et de 4 % à poste comparable », détaille le rapport.
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En parallèle, plus d’une femme sur quatre travaille à temps partiel, contre moins d’un homme sur 10. L’analyse fine des chiffres montre également que 31.5 % des femmes âgées de 55 à 64 ans en emploi n’effectuent pas de travail à temps plein ou dans des secteurs reconnus. « Certaines catégories d’emplois les moins qualifiés et les moins rémunérateurs sont plus occupées par des femmes : en 2020, 23,5 % de femmes étaient employées ou ouvrières non qualifiées, contre 14,3 % des hommes ; certains métiers comme aide-soignant ou aide à domicile sont très majoritairement occupés par des femmes », rappelle le document.
Conséquence : les femmes perçoivent un montant de retraite de droit direct inférieur de 40 % à celui des hommes. Un taux réévalué à 28 % pour celles qui perçoivent une pension de réversion (chiffres 2021, Drees).
Par ailleurs, l’assurance retraite pointe un montant global de pension des femmes au régime général inférieur de 21 % à celui des hommes, ce qui équivaut respectivement à 715 euros par mois, contre 908 euros.
Davantage de minimum vieillesse pour les femmes
Les raisons démographiques jouent aussi leur rôle. Après 75 ans, les décès prédominants des hommes au sein des couples dégradent les situations financières des femmes. D’ailleurs, sur l’ensemble des bénéficiaires du minimum vieillesse, 56 % sont des femmes. L’augmentation de l’âge et du nombre d’allocataires vont ainsi de pair: 59 % pour les 80-84 ans, 66,6 % pour les 85-89 ans, 77 % pour les 90 ans et plus.
Autre chiffre prégnant : 65,2 % des allocataires du Saspa (service de l’allocation de solidarité aux personnes âgées) destiné aux personnes n’ayant aucun régime de retraite, sont des femmes (chiffres 2017, Cour des comptes).
La particularité des établissements
Toutefois, au sein des structures pour personnes âgés, le diagnostic diffère, avec une majorité d’hommes de moins de 75 ans, touchée par la pauvreté. « Contrairement à ce qu’on observe sur l’ensemble des seniors, le niveau de vie ne diminue pas avec l’âge pour les personnes résidant en institution. Les seniors […], plus souvent célibataires, se distinguent par un niveau de vie plus faible. La moitié d’entre eux disposent de moins de 1 150 euros par mois », indique la Drees. Des situations dues en grande partie à l’apparition de handicaps avant leur entrée en établissement ou à des difficultés d’insertion. La vulnérabilité sociale touche donc principalement les plus jeunes résidents.
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76 % des plus pauvres sont isolés
Enfin, parmi les allocataires du minimum vieillesse, 76 % des allocataires sont des personnes isolées, parmi lesquelles 66 % sont des femmes. « La part des femmes isolées parmi les allocataires progresse de façon continue avec l’âge, de 57 % parmi les personnes âgées de moins de 65 ans à 87 % parmi celles âgées de 90 ans ou plus », indique le document. 43 % des bénéficiaires voient leur famille au moins une fois par semaine et 12 % des allocataires n’ont eu aucun contact avec elle au cours des 12 derniers mois. 17 % n’ont pas d’amis. L’enquête fait également le lien entre la précarité et les risques d’isolement.
Pour répondre aux enjeux, l’association formule vingt recommandations. Parmi elles, la revalorisation sans délai du minimum vieillesse au-dessus du seuil de pauvreté, l’amélioration de la formation des agents France Services ou des secrétaires de mairie à l’accueil de ce public et l’intensification du développement des habitats alternatifs.
Un quotidien fait de calculs et de privations : c’est ce que dévoile le nouveau rapport des Petits Frères des Pauvres, consacré pour la première fois aux 2 millions de personnes âgées qui vivent sous le seuil de #pauvreté en France.
— Petits Frères des Pauvres (@PFPauvres) September 30, 2024
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