« La maltraitance des personnes âgées (…) constitue une violation des droits de l’Homme et recouvre les violences physiques, sexuelles, psychologiques ou morales ; les violences matérielles et financières ; l’abandon ; la négligence ; l’atteinte grave à la dignité ainsi que le manque de respect. » Telle est la définition donnée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à cette problématique beaucoup plus fréquente que l’on ne pourrait l’imaginer. Ainsi, selon l’OMS, « environ une personne âgée sur six a été victime de maltraitance dans son environnement au cours de l’année dernière. » Et d’ajouter que « les taux de maltraitance des personnes âgées sont élevés dans les institutions telles que les maisons de retraite et les établissements de soins de longue durée : deux membres du personnel sur trois reconnaissant avoir commis un acte de maltraitance au cours de l’année écoulée ». Une maltraitance qui n’est donc pas sans conséquences physiques et psychologiques. Or, selon le réseau européen Age Platform, la situation s’est aggravée avec la crise sanitaire, notamment dans les pays qui ont mis en place des mesures de confinement. Le réseau indique ainsi que « certains pays signalent une augmentation pouvant atteindre 37 % ».
« Par exemple, dans certains pays, on a considéré qu’une personne, en raison de son âge, n’était pas prioritaire pour aller en réanimation. Cela veut dire qu’on estime que sa vie ne vaut pas la peine d’être prolongée. Et ce, sans regarder autre chose que son âge. Cette personne aurait donc une moindre valeur en tant qu’être humain parce qu’elle a atteint un certain âge. C’est de la maltraitance », déplore Anne-Sophie Parent, secrétaire générale d’Age Platform Europe. Et de donner un autre exemple : avec la pandémie, dans certains pays européens, les maisons de retraite ont eu pour instruction de ne pas envoyer à l’hôpital les personnes âgées atteintes du Covid-19. « Parce que les hôpitaux devaient être réservés aux plus jeunes. » De même, toujours selon la secrétaire générale d’Age Platform Europe, en France, en Italie et en Espagne notamment, les pouvoirs publics ont tardé à prendre des mesures pour les établissements sociaux et médico-sociaux. « Il n’y avait ni instruction, ni matériel pour eux, assure-t-elle. Certains se sont complètement cloîtrés et ont vécu en vase clos afin d’éviter au virus d’entrer. Dans d’autres structures, le virus est rapidement entré. Ce qui a fait des dégâts énormes. C’est le cas par exemple en Espagne, pays qui a connu des scènes d’horreur. Dans certaines zones, il a même fallu faire appel à l’armée, à la Croix-Rouge, à Médecins sans frontières… »
A l’autre bout du continent, si la Suède est régulièrement prise pour exemple dans l’accompagnement de la personne âgée, la crise sanitaire a laissé des traces. En effet, les autorités ont décidé de ne pas confiner la population mais ont demandé, sans obligation, aux personnes âgées de rester chez elles. Ce que la population a accepté initialement. Mais, après plus de trois mois, la colère commence à monter. « La population estime que cela met de côté tout un groupe alors même que les personnes âgées ne sont pas plus en sécurité. En effet, le nombre de décès chez les seniors est assez important, renseigne Anne-Sophie Parent. Il faut donc que le pays tire des leçons de cette pandémie pour être mieux préparé la prochaine fois. »
A l’inverse, le Danemark et la Finlande sont les bons élèves du continent. Des bons résultats ne s’expliquent pas tant par le confinement rapide de la population que par des mesures plus anciennes de maintien à domicile. Ainsi, au Danemark, « la personne âgée est formée à pouvoir se débrouiller toute seule le plus possible. Elle ne doit faire appel à de l’aide extérieure qu’en cas de nécessité, assure Anne-Sophie Parent. Du coup, elle est capable de s’en sortir seule chez elle beaucoup plus longtemps. Elle est moins maltraitée et reste autonome le plus longtemps possible ». Et quand on regarde le nombre de décès dans les pays nordiques (comparables sur les plans climatique, sociétal, culturel…), on constate une énorme différence : par rapport à la Suède, on compte ainsi cinq fois moins de morts au Danemark, huit fois moins en Finlande et onze fois moins en Norvège.