[C'EST EN DÉBAT] Faut-il autoriser les résidents à venir avec leurs animaux en Ehpad ? La question pourrait être tranchée par la loi « Bien vieillir », le 27 mars. L’association TERPTA milite contre la séparation forcée des animaux et de leurs maîtres âgés lors de l'entrée en Ehpad. Pour Fabienne Houlbert sa fondatrice, cette séparation peut avoir des conséquences dévastatrices sur la santé mentale et émotionnelle des personnes âgées.
Dans le sillage de la loi « Bien vieillir », une disposition au cœur des discussions : l’accueil des animaux de compagnie en Ehpad. L’idée : en faire un droit, et même un droit opposable. Leur présence dans les établissements agite le parlement : le Sénat devrait voter le texte ce mercredi 27 mars.
Il y a ceux qui applaudissent à deux pattes et ceux qui s'agrippent à leur canapé en se demandant si le monde n’aurait pas basculé dans une sorte de mignonnerie démente. Fadila Kattabi, ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées a clairement soutenu ce projet, convaincue du « rôle des animaux pour humaniser les Ehpad ». Premier épisode de ce débat mordant avec une militante, en faveur de ce droit, Fabienne Houlbert, Fondatrice et Présidente de l’association TERPTA.
" Seule la mort peut séparer un animal de compagnie de son propriétaire."
« Née en 2018, l’association TERPTA, Tu Es Responsable Pour Toujours de l’Animal que tu as apprivoisé, fait référence au Petit Prince de St-Exupéry, chapitre 21. Une de nos missions : éviter la séparation des personnes âgées de leur animal de compagnie lors de l’entrée de l’Ehpad. Nous nous battons pour l’accueil de nos compagnons à quatre pattes dans les maisons de retraite et œuvrons pour leur intégration au mode de vie ou changement de vie de son propriétaire. Notre conviction : seule la mort peut séparer un animal de compagnie de son propriétaire. Nous n’avons pas de chiffres précis. Mais des vétérinaires nous ont raconté recevoir des demandes d’euthanasie dans ce contexte de séparation. Et même si les refuges n’ont pas tenu de comptage, l’abandon de l’animal de compagnie, avant l’entrée en Ehpad, est une pratique qui perdure depuis très longtemps.
Au commencement de l’association, nous estimions à 10 000 animaux potentiellement abandonnés de manière contrainte par les personnes âgées avant leur entrée en maison de retraite, mais en fait, c’est deux fois, voire trois fois plus. En 2019, La période COVID a donné un poids à notre action. Les personnes âgées confinées ont souffert de solitude, particulièrement les résidents en Ehpad.
Notre partenariat avec Ceva Santé animale, laboratoire vétérinaire français, sensible à notre mission a impulsé notre cause. Nous avons été rejoints par un second mécène, Cheops Technology. Je me suis rapprochée des politiques pour que l’accueil de l’animal de compagnie devienne un droit. Je m’agace que le Sénat refuse d’en faire un droit opposable. Le député, Philippe Juvin, parle d’avancée majeure. Mais non ! Ce n’est pas une avancée car nombreux Ehpad accueillent déjà les animaux. En France, on ne se mouille pas. Je suis agacée, les choses ne changeront pas si le texte émet la condition que la personne âgée soit autonome. Mais c’est n’importe quoi. Quand on rentre en Ehpad, c’est parce qu’on est justement en perte autonomie.
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« Un remède à la solitude »
L’espérance de vie en Ehpad est environ de 2-3 ans maximum pour les personnes âgées de 80 ans, en raison du syndrome du glissement. Imaginez-vous : vous êtes seuls et vous n’avez rien qui vous accroche à la vie. L’Ehpad reste difficile. La vie en communauté est favorable mais peut aussi être perturbée lorsque le résident est entouré de personnes plus diminuées. On est dans une société capable de prouesses technologiques, scientifiques, pourquoi ne pourrions pas faire des prouesses de bienveillance et de solidarité ?
Nos anciens sont à considérer, à remercier. Leur chat ou chien est un remède à la solitude. Considérons l’animal de la personne qui lui aussi est bien souvent un senior. Il lui reste peu d’années ; il est euthanasié car non adoptable ou destiné à finir sa vie dans un refuge. Alors à quoi cela servirait de rallonger l’espérance de vie de l’animal comme de l’homme s’ils ne finissent pas leurs vies ensemble.
« Un membre à part entière de leur famille »
Il est crucial que vous devez reconnaître que la séparation forcée d'un aîné de son compagnon lorsqu'il entre en Ehpad peut entraîner des conséquences dévastatrices sur sa santé mentale et émotionnelle.
Pour beaucoup, cet animal est bien plus qu’un simple chat ou chien ; il est un membre à part entière de leur famille. Nos aînés ont souvent tissé des liens profonds avec leur animal au fil des années. Ils représentent une source de réconfort, de joie et de stabilité dans une période de vie qui peut être marqué par l’isolement et la solitude.
Sans oublier aussi que cela peut être la frustration de trop pour certains de nos anciens qui ont eu une vie déjà très éprouvante.
Une structure d’accueil pilote va enfin voir le jour au mois de juin prochain accueillant les personnes âgées et leur animal de compagnie à Libourne, avec une capacité d’accueil de 10 chats et 8 chiens de compagnie. Il y a un espace détente pour les chats, pour les chiens et une volière. Nous nous assurerons que l’animal comme le maître s’épanouissent dans leur nouvel habitat.
« Prévoir un plan B si la perte d’autonomie s’aggrave »
Le maximum de quota admissible serait de 8 animaux, en fonction de l’infrastructure. Le bien-être de chacun est une priorité. Le chien ou le chat peut être accueilli uniquement quelques heures en journée par son propriétaire si la perte d’autonomie du résident est avancée. La présence de leur animal les apaise. Son intégration sera discutée lors d’un conseil de vie social qui réunira le personnel soignant, la direction, le résident et sa famille, avec la désignation d’un référent dans l’équipe soignante, comme parmi les proches.
Nous prévoyons une adaptation de l’animal progressive avec la présence quotidienne d’un comportementaliste dont la mission sera de garantir le bien-être de chacun, s’assurer que les anciens animaux acceptent les nouveaux. Et prévoir un plan B si la perte d’autonomie s’aggrave. La présence des animaux va contribuer également à donner de la vie à la résidence. Cela sera compatible avec la médiation animale, qui peut aussi être utile pour accompagner le résident dans la période de deuil en cas de décès de son animal.
« Besoin d’une réponse politique forte »
On envisage actuellement un partenariat avec des Ehpad à Paris. En pleine ville, il est bien entendu difficile d’envisager l’accueil d’animaux dans des chambres exigües. On en tiendra compte en respectant les contraintes et l’organisation des établissements.
Aujourd’hui, nous avons besoin d’une réponse politique forte pour faire de cette possibilité d’accueil, un droit opposable. Si on continue à laisser cet accueil à la discrétion des Ehpad, la maltraitance psychologique continuera alors que nos aînés vivent déjà douloureusement une perte de repères. »
Fabienne Houlbert, Fondatrice et Présidente de l’association TERPTA
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