La potion devrait être moins amère à avaler que prévu pour le secteur social et médico-social. Tout à sa recherche d’économies tous azimuts pour 2025 – pour rappel : 60 milliards, répartis à raison de 40 milliards de dépenses en moins et de 20 milliards d’impôts nouveaux – n’a pas pour autant souhaité mettre à contribution le budget des solidarités.
Si la Sécurité sociale devrait effectivement être mise à contribution dans l’objectif de redressement des comptes publics (avec un coup de frein de 4 milliards annoncé sur le total des dépenses de santé pour ramener le déficit de la Sécu à 16 milliards l’an prochain), ce sont surtout les industriels du médicament, les assureurs, les professionnels libéraux et les hôpitaux – amenés à « optimiser leurs dépenses » à hauteur de 700 millions d’euros – qui devraient être amenés à mettre la main à la poche.
42,4 milliards pour la branche autonomie de la Sécu
Au contraire, le projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) présenté le 10 octobre en Conseil des ministres prévoit un effort d’investissement supplémentaire de 2,4 milliards sur la branche autonomie de la Sécu. Ce qui devrait porter son budget total à 42,4 milliards l’année prochaine. Soit « une hausse de plus de 50 % par rapport aux moyens consacrés à cette politique en 2019, avant la création de la branche » se félicite l'exécutif.
L’objectif global de dépenses (OGD) pour les établissements et services pour personnes âgées et en situation de handicap devrait augmenter en particulier de 4,7 % à champ constant par rapport aux dépenses réalisées en 2024. « Ces moyens permettront d’accélérer la trajectoire de déploiement des 50 000 solutions pour les personnes en situation de handicap, de renforcer l’offre de répit en accord avec la stratégie nationale 2023-2027 « Agir pour les aidants », de poursuivre le rythme de recrutement de nouveaux professionnels en EHPAD et de financer les surcoûts que représente, pour la sécurité sociale, l’expérimentation de la réforme du financement de ces établissements », précise le gouvernement.
Dans le détail, il s’agira surtout de renforcer les enveloppes accordées au titre de la mise en place du plan « 50 000 solutions ». Déployé à partir de 2023, ce programme développé en partenariat avec les collectivités régionales, destiné à améliorer l’offre de services en directions des personnes handicapées et de leurs proches-aidants, devrait voir son budget prévisionnel passer de 250 à 270 millions dès l’an prochain. Et les 15 000 premières « solutions » commencer à être mises en oeuvre.
Par ailleurs, « et conformément aux engagements du dernier Comité interministériel du handicap », un fonds de transformation de l’offre pour 250 millions d’ici 2027 permettra de financer les besoins d’appui en ingénierie, d’investissements immobiliers, de transformation numérique ou d’évolutions techniques pour accompagner les professionnels et renforcer l’attractivité des métiers.
Ce à quoi devrait s’ajouter une enveloppe supplémentaire de 100 millions destinée aux conseils départementaux, afin de leur permettre « de soutenir la mobilité et le travail partenarial des aides à domicile sur leurs territoires » dans le cadre de l’application de la loi Bien vieillir.
+6% de dépenses pour le grand âge
Pas question non plus de faire des économies sur le dos des Ehpad. Le grand âge doit aussi faire l’objet d’un coup de pouce budgétaire de 6% pour 2025 afin d’atteindre un niveau de dépenses de 300,2 milliards, contre 293,7 cette année. Ces enveloppes supplémentaires devraient permettre le recrutement de 6500 professionnels supplémentaires l’an prochain.
Par ailleurs, le PLFSS 2025 prévoit également de doter 23 départements candidats – contre seulement 20 dans la précédente loi de finances 2024 - « des moyens nécessaires à l’expérimentation d’une réforme de la tarification des Ehpad ». Autrement dit, ces établissements « verront le financement de leurs dépenses d’entretien de l’autonomie assuré par la cinquième branche de la sécurité sociale « avec une convergence vers le haut des niveaux de tarification et une égalisation du reste à charge payé par les résidents sur ces prestations ».
Les moyens financiers et humains ainsi dégagés par les conseils départementaux devraient permettre à ces derniers de « renforcer leur soutien à la transformation des Ehpad en des lieux de « bien vivre » insérés sur leurs territoires, et de poursuivre le maillage pertinent de l’offre de services d’aide à domicile ».
Les investissements programmés dans le cadre du Ségur (2,1 milliards) ne devraient pas non plus connaître de coup de rabot. Les enveloppes dédiées aux 9000 rénovations de places d’Ehpad devraient ainsi se voir sanctuarisées. Quelque 140 millions supplémentaires sont également débloqués pour soutenir le développement de l’habitat intermédiaire, améliorer l’offre de résidence dans les territoires ultramarins ou accélérer la transition écologique des établissements.
30,4 milliards pour les solidarités
Pas de coupes franches non plus sur le front des solidarités. Au contraire, les crédits associés devraient même connaître une légère augmentation, passant de 29,7 à 30,4 milliards l’an prochain. Leur produit devrait être consacré pour 47% au versement de l’allocation d’adulte handicapé (AAH, dont le montant moyen devrait augmenter de 370 à 556 euros sous l’effet des mécanismes de déconjugalisation adoptés en 2023) , pour 41% au financement de la prime de précarité, du RSA (dont les montants seront revalorisés au 1er janvier prochain pour tenir compte de l’inflation) et des primes de Noël, pour 6% aux dispositifs de sortie la pauvreté, de la protection de l’enfance et d’égalité femmes-hommes et pour 5% aux autres dispositifs en faveur de l’autonomie à l’image des garanties de ressources pour les ESAT.
A ce titre, d’ailleurs, le soutien de l’Etat à l’emploi accompagné, déjà augmenté de 15 milliards l’an passé, devrait connaître un nouveau coup de pouce avec une enveloppe « sanctuarisée » de 39 milliards pour 2025.
Alerte sur les ressources des départements
Toutefois, le programme d’économies à réaliser prévoit aussi de mettre en partie les collectivités territoriales à la diète. Les communes devraient certes recevoir les subsides nécessaires – 86 millions - au développement du nouveau service public de la petite enfance (SPPE) dont le gouvernement prévoit le déploiement à compter du 1er janvier 2025. De leur côté, les départements devraient se voir dotés de 50 millions supplémentaires pour le maintien dans les structures de l’aide sociale à l’enfance (ASE) des jeunes atteignant la majorité, pendant trois ans ou jusqu’à leur autonomie.
Mais près de 450 entités territoriales (régions, départements, métropoles, etc.) devraient être fortement mises à contribution pour une économie totale de 5 milliards d’euros. Si le montant exact de ces coups de rabot doit faire l’objet de discussions avec les principaux intéressés, les dépenses d’action sociale assurées par ces collectivités – et notamment par les départements – devraient en souffrir.
Et ce alors qu’une cinquantaine de conseils départementaux, après avoir subi une sérieuse amputation de leurs ressources dues à la baisse des droits de mutation, « sont dans le rouge », à en croire François Sauvadet, président de Départements de France.
Une absence de marge de manœuvre financière qui justifie, notamment, le refus de certaines collectivités départementales d’accorder aux établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux associatifs à but non-lucratifs les moyens nécessaires aux revalorisations salariales acquises dans le cadre de l’accord de la Bass du 4 juin dernier et dont les contentieux pourraient, très prochainement, se régler devant les tribunaux administratifs.
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