Comment la structure fonctionne-t-elle ?
L’équipe, pluridisciplinaire, est composée de 18 postes en équivalent temps plein, dont cinq infirmiers, un assistant social, un médecin à mi-temps et des personnels éducatifs, auxquels s’ajoute un agent de sécurité qui joue un rôle de médiation. Les professionnels assurent des rotations dans les trois espaces de la structure – les salles d’accueil, de consommation et de repos. Au total, 800 usagers sont "inscrits" : après un entretien d’"inclusion" sur leur parcours de vie et de santé, ils ont signé un contrat signifiant qu’ils ont compris et accepté le fonctionnement de la structure, et attesté de leur majorité – car les mineurs ne sont pas autorisés. Il y a en moyenne 200 passages par jour, soit environ 150 personnes.
Parvient-elle à répondre aux besoins, sur le plan sanitaire et social ?
La salle de consommation à moindres risques joue un rôle de passerelle entre la rue et les dispositifs de soins et sociaux. Avec les usagers – qui cumulent les facteurs de vulnérabilité, qui souvent n’ont plus rien (pas de domiciliation, pas d’emploi ni de liens familiaux), qui sont fatigués et dépassés par la situation –, il nous faut d’abord chercher une accroche et avancer progressivement. Nous les aidons à prioriser les besoins et leur proposons des consultations sanitaires, des dépistages de maladies infectieuses, un accompagnement sur le plan administratif, dans l’accès aux droits sociaux, à l’hébergement et au logement, ou sur le plan judiciaire… Nous travaillons en réseau, ce qui permet notamment des consultations en psychiatrie à l’hôpital Fernand-Widal et l’ouverture des droits à l’assurance maladie grâce à une permanence de la caisse primaire d’assurance maladie une fois par semaine. A leur demande, beaucoup d’usagers sont orientés vers un sevrage ou un traitement de substitution.
Quel est le rôle de la maraude sociale ?
Chaque jour, deux personnes se détachent de l’équipe dans l’après-midi pour effectuer une maraude qui va vers les usagers qui ne viendraient pas à la salle, ou vers d’autres qui sont inscrits mais n’ont pas la notion du temps pour s’y rendre aux horaires d’ouverture, ou encore vers des personnes plus éloignées géographiquement. Une convention avec la SNCF nous permet d’intervenir dans les gares du Nord, de l’Est et Saint-Lazare.
La maraude permet aussi d’avoir une interaction avec l’environnement de la salle, avec les riverains, d’appréhender les tensions qui peuvent exister. Elle effectue aussi un tour de ramassage du matériel d’injection des usagers et des déchets. Cela, nous le faisons, depuis quelques semaines, avec des usagers volontaires de la salle, pour mieux les mobiliser et les responsabiliser sur leur comportement dans l’espace public.
Comment gérez-vous les inquiétudes toujours suscitées par la structure ?
L’Espace Gaïa est le seul dispositif de réduction des risques ouvert 7 jours sur 7, avec une grosse file active, un lieu de ressources identifié par des publics qui sont en grande précarité et dont la moitié sont sans domicile fixe. Le fait qu’elle soit la seule salle de consommation à moindres risques dans la région parisienne (ce qui est insuffisant au regard des besoins) génère forcément des tensions. C’est pourquoi nous souhaitons que d’autres acteurs, d’autres villes se mobilisent pour ouvrir d’autres salles (voir note de bas de page).
En attendant, nous avançons avec nos partenaires pour mieux repérer et orienter les usagers, pour mieux répartir les services proposés. Les structures de réduction des risques de proximité se sont adaptées pour apporter leur contribution au fonctionnement du dispositif. Par exemple, le Caarud (centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues) Step, de l’association Ego-groupe Aurore, a calé ses horaires d’ouverture avec ceux de l’Espace Gaïa. Cette réflexion ouverte sur les acteurs extérieurs se prolonge, notamment avec la Ville de Paris, afin que chacun puisse faire sa part du travail.
Note : une autre expérimentation est menée sur le territoire de la ville de Strasbourg, également pour une durée de six ans.