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La justice autorise le démantèlement du campement de migrants à Calais

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Le ministre de l'Intérieur et son homologue chargée du Logement ont salué, mardi 18 octobre, la décision du tribunal administratif de Lille qui a autorisé l'évacuation du campement de fortune abritant plusieurs milliers de migrants à Calais (Pas-de-Calais), en rejetant la requête en référé-liberté déposée par 11 associations de solidarité présentes dans le Calaisis - dont l'Auberge des migrants, le GISTI, Emmaüs France ou le Secours catholique - ; elles ont d'ailleurs déploré ne pas avoir été "entendues" par le tribunal. A l'inverse, d'autres organisations - dont la FNARS, France terre d'asile, Emmaüs Solidarité ou Aurore - "soutiennent l'évacuation du campement et l'accès à l'hébergement de toutes les personnes présentes avant l'arrivée des grands froids et le déclenchement du plan hiver (1er novembre)".
Au vu des pièces présentées par les différentes parties - des migrants et les associations requérantes soutenues par le défenseur des droits, d'une part, la préfète du Pas-de-Calais, d'autre part -, le tribunal administratif considère en effet que "le principe même du démantèlement du site de la Lande de Calais ne méconnaît pas le principe de prohibition des traitements inhumains et dégradants" mais "vise, au contraire, notamment, à faire cesser de tels traitements auxquels sont aujourd'hui soumis les migrants qui vivent sur ce site, dans des conditions de précarité et d'insécurité dénoncées par tous, notamment les associations requérantes elles-mêmes, le défenseur des droits et, s'agissant de la situation particulière des mineurs, par l'Unicef, en les orientant vers des structures d'accueil et de mise à l'abri".

Un jugement sans ambivalence

Certes, les requérants soutiennent que, compte tenu des modalités de cette évacuation, elle "aboutira à ce que plusieurs milliers de personnes, qui ne pourront pas être accueillies faute de places disponibles ou qui ne souhaitent pas aller en CAO, notamment parce qu'elles ne le veulent pas ou qu'elles ne remplissent pas les conditions pour déposer une demande d'asile en France, ou encore qui en repartiront rapidement à défaut pour ces structures d'être adaptées à leurs besoins, retomberont en errance ou se dirigeront vers d'autres bidonvilles dans des conditions encore pires que celles dans lesquelles elles vivent actuellement". Mais l'argument est écarté par le tribunal administratif lillois qui juge que rien ne permet d'affirmer que "l'Etat aurait sous-estimé le nombre de migrants devant être logés en CAO". Et d'ajouter que "si les requérants contestent le chiffre de 6 486 personnes issu du recensement mené le 11 octobre 2016, ils n'indiquent pas en quoi la méthode retenue, qui a été déterminée par [Jean] Aribaud et [Jérôme] Vignon dans le cadre de la mission d'expertise qui leur avait été confiée à cet effet, ne serait pas fiable". De même, ils n'indiquent pas plus, selon l'ordonnance, comment ils parviennent à un nombre de "plus de 10 000 personnes qui vivent sur le site".
Par ailleurs, le tribunal réfute aussi le fait que "les conditions d'accueil en CAO ne permettraient pas la prise en compte des problématiques, notamment sociales et médicales, de certains migrants, et que, de ce point de vue, la prise en charge serait mieux assurée par les associations qui interviennent actuellement sur le site de la Lande" et retient notamment, à l'inverse, que "la préfète du Pas-de-Calais indique que des solutions spécifiques ont été prévues pour les étudiants d'une part, qui se verront réserver des places dans les CAO lillois, et pour les personnes particulièrement vulnérables d'autre part, et notamment les personnes malades et les mineurs non accompagnés". Sur les mineurs isolés, plus précisément, le juge administratif relève qu'au cours de l'instruction, il a été précisé "que ceux qui souhaitent aller au Royaume-Uni seront pris en charge, le temps que leur demande soit examinée par les autorités britanniques, qui se sont engagées en ce sens, dans le centre d'accueil provisoire (CAP) situé sur la site de la Lande", les autres étant "logés dans des CAO dédiés, le temps que leur prise en charge soit assurée par les départements, dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance".

"C'est une question de jours"

Prenant acte, dans un communiqué commun, de l'ordonnance rendue mardi 18 octobre, Bernard Cazeneuve et Emmanuelle Cosse jugent que "cette décision conforte le gouvernement dans sa démarche humanitaire et sa détermination à engager le démantèlement du campement de la 'Lande' dans les meilleurs délais et avant la période hivernale". De fait, "c'est maintenant une question de jours", a précisé le locataire de la place Beauvau, mardi devant l'Assemblée nationale.
L'Etat s'engage "à ce que chaque personne présente sur la 'lande' de Calais, au terme d'une information claire, se voie proposer une mise à l'abri humanitaire sur notre territoire dans le respect de ses droits établis, et un accompagnement correspondant à sa situation individuelle". Les deux ministres indiquent, en outre, que le gouvernement poursuit "le dialogue et la coopération constante avec l'ensemble des associations intervenant sur la Lande et dans la gestion des centres d'accueil et d'orientation pour la préparation de l'opération et l'accompagnement des personnes tout au long du processus de mise à l'abri", en soulignant que, "depuis un an, 6 000 personnes majeures ont d'ores et déjà pu être mises à l'abri grâce aux 3 000 places mobilisées par l'Etat dans 164 centres d'accueil et d'orientation, gérés par des associations spécialisées". Concernant les étudiants, enfin, le ministre de l'Intérieur a annoncé, dans un autre communiqué publié mardi soir, que 80 d'entre eux avaient "quitté Calais aujourd'hui pour rejoindre le campus universitaire scientifique de Villeneuve-d'Ascq (Nord)".

Ne pas retarder l'évacuation, pour certaines associations

Pour leur part, les fédérations et associations FNARS, France Terre d'Asile, Emmaüs Solidarité, Secours Islamique, Aurore, Coallia, Groupe SOS, "qui hébergent et accompagnent les migrants", ont donc renouvelé leur soutien à cette évacuation avant le 1er novembre. De leur point de vue, "alors que l'Etat organise, avec les associations, l'ouverture de plusieurs milliers de places en centre d'accueil et d'orientation (CAO) sur l'ensemble du territoire national - parfois dans un climat de tension - pour mettre à l'abri les migrants et les accompagner dans leurs démarches d'asile et d'intégration, il n'est pas dans l'intérêt des personnes qui vivent dans des conditions dramatiques de retarder l'évacuation".
Dans un communiqué commun, les sept organisations proposent cependant au gouvernement la signature d'un protocole, à formaliser rapidement, à même d'assurer "une opération humanitaire respectueuse de la dignité des personnes", qui comporte six conditions :

  • réaliser un diagnostic individuel avant orientation vers les CAO comprenant a minima la nationalité, la composition familiale, leur situation par rapport à la demande d'asile et une évaluation des besoins sanitaires immédiats de la personne - évaluation qui "doit être réalisée par un binôme travailleur social et soignant, soutenu par un interprète" ;
  • proposer à chaque personne une place d'hébergement comportant un accompagnement à l'accès aux droits, aux soins et à la demande d'asile pour ceux qui le souhaitent ;
  • fournir aux personnes, avant leur départ, "une information compréhensible sur leur lieu d'hébergement et sur les prestations proposées, nécessitant la présence d'interprètes" - pour être réalisé "dans des conditions efficaces et respectueuses des personnes", le travail de diagnostic, d'information et d'orientation des personnes doit se dérouler sur plusieurs jours ;
  • créer des places dédiées aux mineurs avec un accompagnement socio-éducatif adapté ; les associations demandent "qu'une partie des capacités d'accueil du centre Jules Ferry soit maintenue en fonctionnement, notamment pour l'accueil et l'orientation des mineurs et éviter la reconstitution immédiate de campements sauvages" ;
  • ouvrir et consolider "une voie de migration légale vers la Grande-Bretagne, notamment pour les mineurs y ayant de la famille" ;
  • l'Etat doit enfin "s'engager, dans le cadre de cette opération humanitaire, à ce qu'aucune personne qui refuserait d'être orienté en CAO ne fasse l'objet d'une mesure de rétention, principe qui garantit le caractère humanitaire de cette opération".

Crainte de "conséquences dramatiques", pour d'autres

Quant aux associations l'Auberge des migrants, Care4Calais, EliseCare, Emmaüs France, le Groupe d'information et de soutien aux immigré(e)s (GISTI), Help Refugees, la Cabane juridique/Legal Shelter, Refugee Youth Service, le Secours catholique et Utopia56, qui ont vu leur requête rejetée par la justice administrative, elles rappellent avoir "toujours dénoncé l'insuffisance criante de la prise en charge des exilés vivant à Calais", ainsi que "l'indignité du bidonville sur lequel ces personnes survivent" et qu'elles "continuent à le faire". Pour autant, elles estiment que "la destruction annoncée du bidonville de Calais et l'expulsion de ses habitants sans diagnostic approfondi de la situation et des projets des personnes, sans propositions de solutions diverses prenant en compte ce diagnostic, auront des conséquences dramatiques".
"Aucune solution de relogement n'a pu être présentée pour les personnes qui refuseront ou quitteront rapidement les centres d'accueil et d'orientation", déplorent les signataires. "Cette absence de solution, dont nous voyons déjà les premiers effets avec le départ de personnes vers d'autres lieux de passage (Paris, Belgique...) conduira inévitablement à la reconstitution de bidonvilles encore plus précaires", poursuivent les associations, en exprimant une inquiétude particulière à l'endroit des mineurs isolés étrangers "pour lesquels aucune solution crédible n'a pu nous être présentée lors de l'audience devant le juge administratif". Elles appellent donc les autorités "à veiller à ce que des solutions soient trouvées avant toute évacuation".

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