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L'enfermement, "outil principal des politiques d'expulsion", dénoncent les associations

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Les six associations intervenant dans les centres de rétention administrative, en métropole et outre-mer, ont présenté leur rapport commun mardi 27 juin. Elles constatent un "usage de la rétention toujours massif" en 2016, une année par ailleurs marquée par le recours "abusif" à la rétention dans la gestion des camps de migrants.

L'année 2016 s'inscrit dans la "même tendance générale" que 2015, avec une stabilité du nombre total de personnes enfermées en métropole et en outre-mer, marquée cependant par "une variation à la hausse des placements en rétention dans les départements d'outre-mer et à la baisse en métropole". Le constat dressé par les six associations habilitées à intervenir dans les centres de rétention administrative - Assfam, Forum réfugiés-Cosi, France terre d'asile, La Cimade, Ordre de Malte France, Solidarité Mayotte - dans leur rapport annuel sonne comme un refrain connu. Une fois encore, elles témoignent d'un "recours trop systématique au placement en rétention, ce qui ne manque pas de donner lieu à des pratiques abusives et à des situations de violations des droits des personnes enfermées".

Selon ce document rendu public mardi 27 juin, 45 937 personnes ont été enfermées dans des centres ou locaux de rétention administrative (CRA ou LRA) en 2016, dont 24 090 en métropole. Si le nombre de placements y "demeure très élevé", il a connu une baisse de 13 % entre 2015 et 2016, qui "semble principalement imputable à l'état d'urgence qui a occasionné des fermetures et des réductions de capacité de certains CRA métropolitains, conséquence de la réaffectation d'effectifs policiers vers d'autres missions", peut-on lire dans le rapport.
Cette mobilisation des forces de l'ordre n'a "cependant pas empêché l'utilisation massive des CRA et LRA. En particulier, trois des centres de rétention parmi les plus utilisés chaque année ont vu leur nombre de placements augmenter nettement". Cette progression a été de 13 % à Mayotte, de 12 % à Coquelles (Pas-de-Calais) et de 24 % à Lille (Nord). "Dans ces deux CRA, plus de 5 000 personnes ont été enfermées en 2016. Ce phénomène est le résultat du détournement de la rétention comme un des moyens mis en œuvre pour éloigner les exilés de Calais. La préfecture du Pas-de-Calais arrive ainsi en tête du nombre de placements en rétention en métropole à égalité avec celle de Paris. D'autres CRA comme Rennes, le Mesnil-Amelot ou Vincennes ont été utilisés à cette même fin", décrivent les associations.

L'année 2016 a en effet "été nettement marquée par plusieurs opérations de démantèlements de campements de migrants sur l'ensemble du territoire national", l'exemple le "plus retentissant" étant celui de Calais en octobre dernier. Des opérations qui ont conduit au placement en rétention de nombreuses personnes, "très souvent en méconnaissance de leur situation personnelle et, plus grave encore, parfois en violation de leurs droits. En effet, les personnes interpellées dans ces conditions faisaient l'objet d'auditions particulièrement brèves par les services interpellateurs, ne leur laissant pas la possibilité d'exposer suffisamment les motifs de départ de leur pays d'origine, les éventuelles démarches engagées en France - en particulier au titre de l'asile - ou encore la présence, en France ou en Europe, d'autres membres de leur famille".
Les associations ont ainsi constaté, "à l'exception des engagements pour les mineurs isolés à Calais et pour certains dossiers suivis par les services de la préfecture du Nord, que les préfectures font peu usage de la clause discrétionnaire prévue par le réglement Dublin pour permettre aux personnes de se maintenir en France ou, au contraire, pour les rapprocher des membres de leur famille résidant dans un autre Etat européen".

Deux tiers des éloignements depuis l'outre-mer

L'outre-mer concentre pour sa part 47 % des enfermements en rétention, en augmentation de 11 % par rapport à 2015, sachant qu'à lui seul le département de Mayotte atteint 43 % du total national, dont 4 285 mineurs. Dans ce département, "l'enfermement des enfants en rétention continue à être massif et à s'exercer en violation de tous les standards du droit interne comme européen", dénoncent les associations, qui déplorent qu'"aucune véritable alternative moins coercitive que la rétention n'est organisée en amont des placements". Elles constatent en outre "une très nette reprise de cette pratique" durant le mandat de François Hollande, en dépit de ses engagements durant la campagne électorale de 2012 de mettre fin à la rétention des enfants. En métropole, le nombre d'enfants privés de liberté a ainsi "de nouveau fortement augmenté, passant de 45 en 2014 à 105 en 2015, puis 182 en 2016".
Plus globalement, les associations dénoncent "un usage de la rétention toujours massif et trop souvent abusif". Celle-ci reste en effet "reste l'outil principal des politiques d'expulsion". Alors que plus de 45 000 personnes ont été éloignées en 2016, le rapport signale que la "politique française d'éloignement demeure marquée par l'utilisation importante des retours forcés, qui représentent 90 % des méthodes employées". Presque deux tiers de ces éloignements sont réalisés depuis l'outre-mer.

Le rapport revient également sur les conséquences de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers, qui a réformé le régime de l'éloignement selon des dispositions entrées en vigueur le 1er  novembre 2016. Ce texte "confirme le durcissement de la politique d'éloignement", jugent les six organisations. Car s'il "comporte une avancée principale avec un contrôle plus rapide du juge judiciaire", il "constitue globalement un recul des droits en raison des autres mesures adoptées". Ainsi, l'assignation à résidence se révèle "une mesure coercitive complémentaire plutôt qu'alternative", tandis qu'en permettant le recours à la rétention pour les familles accompagnées d'enfants, la loi du 7 mars 2016 marque la "consécration de l'enfermement des enfants et son extension aux LRA".
Par ailleurs, si sous la pression des condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme et des associations, la loi a instauré un référé-liberté suspensif contre les mesures d'éloignement en outre-mer, cette avancée "demeure largement insuffisante pour révolutionner le régime dérogatoire ultramarin", où le droit au recours est encore loin d'être effectif. Concernant la protection prévue pour les étrangers malades, cette procédure est "sans garantie contre l'éloignement". Enfin, cette loi n'est pas revenue sur la durée maximale de rétention, passée de 32 à 45 jours en 2011.
En conclusion, les associations font savoir qu'elles ont décidé d'appeler l'attention du président de la République, du gouvernement et des parlementaires "pour qu'un changement d'orientation soit enfin adopté".
 

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